CLÉMENCEJe marche sous la pluie, les bras serrés contre ma poitrine, incapable de contenir le sourire qui me dévore. La nuit colle à ma peau, les gouttes ruissellent sur mes cheveux emmêlés, mais je m’en moque. Tout brûle encore en moi. Chaque pas résonne comme une victoire.Il m’a prise. Enfin.Je sens encore son poids, sa chaleur, sa violence. La marque de ses mains sur mes hanches, la morsure de ses doigts sur mon poignet, ses coups profonds qui m’ont brisée et révélée en même temps. Rien ne peut effacer ça. Pas même sa haine.J’arrive devant ma porte, trempée, essoufflée. Je glisse la clé, entre dans mon appartement sombre. Le silence m’accueille, doux, rassurant. Je laisse mes vêtements s’écraser au sol, un à un, sans y prêter attention. Mes pas nus collent au parquet.La salle de bain m’attire comme un refuge. J’ouvre le robinet, l’eau jaillit en cascade brûlante. Je me glisse sous la douche, ferme les yeux. L’eau coule sur ma peau, emporte la sueur, le sel, l’odeur de son corp
GABRIELLe silence est une lame.Elle s’enfonce en moi plus profondément que ses cris, plus profondément que son corps. Elle me brûle de l’intérieur.Je suis encore en elle. Je le sens. Et déjà la haine revient, sourde, étouffante, comme une marée noire qui me submerge.Je me dégage d’un geste sec, presque violent. Elle gémit à peine, un souffle coupé, et son corps retombe lourdement sur le matelas froissé. Son souffle est court, haché. Ses cuisses restent entrouvertes, marquées par mes mains, par ma rage.J’ai envie de vomir.Je me redresse, chancelle, la sueur coule de ma nuque à mes reins. Mon cœur cogne si fort que j’ai l’impression qu’il va éclater. Mes mains tremblent encore. Je les regarde comme si elles ne m’appartenaient pas.Des mains d’homme. Ou des mains de monstre.Elle tourne la tête vers moi. Ses yeux luisent dans la pénombre, encore humides. Et ce sourire. Ce putain de sourire, léger, presque invisible. Comme si elle avait gagné.— Ne… ne me regarde pas comme ça.Ma vo
CLÉMENCEIl est en moi.Enfin.Et il me baise comme si c’était la seule façon de m’effacer.Sa première poussée est un coup de tonnerre, me déchire d’un seul élan, profond, sans pitié. Un cri rauque m’arrache la gorge, incontrôlable. Mes cuisses se crispent autour de ses hanches, l’attirant plus fort encore. Il grogne, animal, ses doigts s’enfonçant dans ma chair.— Putain… Clémence…Sa voix tremble, basse, étranglée. Pas de tendresse, rien qu’une colère brûlante et un désir qu’il tente d’étouffer sous la brutalité. Ses reins claquent contre les miens avec un rythme violent, sec, régulier, qui me fait perdre tout contrôle.Chaque fois qu’il s’enfonce, je me sens me fendre, m’ouvrir davantage. La douleur se mêle au plaisir, indissociable, et je m’y abandonne.Je me cambre sous lui, attrape ses cheveux trempés de pluie, les tire vers l’arrière d’un geste brutal.— Plus fort, Gabriel… encore…Il m’écrase sous son poids, ses mains me plaquent au matelas. Ses coups deviennent sauvages.— T
GABRIELLa pluie s’acharne depuis la messe.Elle martèle les vitres du presbytère comme si le ciel lui-même voulait me punir.Chaque goutte est un coup contre ma conscience, une voix qui répète : Pécheur. Traître.J’ai arraché ma soutane en rentrant, incapable de supporter ce tissu noir qui colle à ma peau comme un reproche.Je me suis jeté sous la douche brûlante, espérant que l’eau efface ce que je ressens.Mais plus la chaleur m’enveloppe, plus elle me rappelle sa chaleur à elle.Clémence.Ses yeux sont là, derrière mes paupières.Ses lèvres, je les sens encore sur ma joue, sur ma bouche, fantômes de nos derniers échanges.Je l’ai repoussée, j’ai juré de ne plus la laisser approcher.Et pourtant…Un coup sec.Mon poing s’écrase contre le carrelage.La douleur irradie, mais ne suffit pas.— Seigneur… arrache-moi ce désir… ou arrache-moi la vie…Le silence me répond.Un silence plus cruel que le tonnerre.J’ai prié des milliers de fois. Jamais je ne me suis senti si seul.Je ferme l’
GABRIELLa cloche du dimanche résonne, claire, implacable.J’entends chaque coup comme un rappel, un avertissement.Mes mains tremblent lorsque j’enfile la chasuble. Je les cache dans les plis du tissu, comme si je pouvais masquer ce frisson qui me ronge.La sacristie est silencieuse, seulement traversée par l’odeur familière de cire et d’encens. J’y trouve refuge quelques secondes encore, espérant que ce bref répit suffira à étouffer le tumulte en moi.Mais rien n’y fait. L’écho de ses lèvres brûle encore contre les miennes.Je ferme les yeux. Inspire profondément.— Seigneur, donne-moi la force, murmuré-je. Éteins ce feu.Mais lorsque je relève les paupières, je sais déjà qu’Il ne répondra pas.L’église est pleine à craquer. Les fidèles s’entassent sur les bancs, les enfants chuchotent, les regards se lèvent vers moi avec attente.Et parmi eux… elle.Clémence est là, au troisième rang.Elle ne prie pas. Elle me regarde.Pas avec insolence. Pas même avec provocation.Non, pire : avec
CLÉMENCEDeux semaines.Deux semaines sans le voir.Depuis cette nuit où je l’ai senti vaciller, Gabriel s’est effacé. Plus un regard à l’église, plus un mot au confessionnal. Je l’ai attendu, chaque messe, chaque prière, chaque souffle retenu. En vain.On murmure qu’il aide une paroisse voisine, qu’il a été envoyé pour des missions ponctuelles. Peut-être. Ou peut-être fuit-il ce qu’il n’a pas su contenir cette nuit-là.Au début, j’ai cru que son absence apaiserait ce feu en moi. Je me suis convaincue que le temps suffirait à éteindre l’obsession. Mais chaque jour sans lui n’a fait qu’attiser l’incendie. Plus je le savais loin, plus je le sentais présent, ancré sous ma peau. Je revis sans cesse ce souffle court, cette main crispée sur mon épaule, ce presque qui m’a laissée au bord du gouffre.Et puis, ce dimanche, il est là.D’abord, je ne l’aperçois qu’au détour d’un mouvement de foule, une silhouette familière parmi d’autres. Mais mon cœur s’arrête net.Il est là.Droit, serein en a