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Chapitre 3 — Le manoir des chaînes

Author: Déesse
last update Huling Na-update: 2025-08-13 03:35:36

Adrian

La route défile, sinueuse et sombre, comme un serpent qui s’enroule autour de mes pensées tourmentées. La ville s’efface peu à peu derrière nous, ses lumières vacillantes remplacées par les ténèbres épaisses des collines siciliennes. L’air frais s’engouffre par la fenêtre entrouverte, mais je ne ressens rien, si ce n’est cette lourdeur sourde au creux de la poitrine.

Vittoria reste silencieuse, impassible, assise près de moi, son visage figé dans une expression que je peine à déchiffrer. Parfois, quand elle croit que je ne regarde pas, son regard sombre se pose sur moi, affûté comme une lame prête à trancher.

Le contraste entre nous est saisissant. Elle, reine glaciale d’un empire bâti sur le sang et la peur. Moi, procureur idéaliste au cœur battant pour la justice, enchaîné dans ce luxe qui me fait suffoquer.

Un frisson me parcourt quand la voiture quitte la route principale, s’engageant dans une allée étroite bordée de cyprès dont les silhouettes menaçantes semblent vouloir m’enfermer à jamais.

Je devine à peine le manoir qui s’impose devant nous, tel un géant endormi dans la nuit. Ses murs de pierre, couverts de lierre noir, renvoient une froideur presque surnaturelle. Des fenêtres encadrées de velours rouge jettent des éclats d’ombre, semblant observer la nuit comme une sentinelle invisible.

La portière s’ouvre avec un bruit sec. Un homme en costume sombre, à la mâchoire serrée, s’avance, ouvre la porte du manoir. Vittoria descend avec cette démarche royale et assurée qui m’a toujours troublé.

Elle se tourne vers moi, un sourire glacé aux lèvres.

— Bienvenue chez moi, Adrian.

Son ton est détaché, presque cruel.

Je descends, chaque pas résonne sur le sol de pierre froide comme un glas. L’atmosphère m’oppresse. Ce lieu respire la puissance et l’enfermement.

À l’intérieur, le hall est vaste, sol en marbre poli, meubles anciens aux bois sombres, tapis épais étouffant mes pas. Les tableaux aux visages figés semblent m’observer, témoins silencieux d’un pouvoir ancestral.

Des serviteurs passent sans un mot, invisibles ombres dans ce théâtre cruel.

Je serre les poings, mais je la suis.

— Tu seras ici.

Je relève la tête, défiant.

— Jusqu’à ce que je décide de te libérer ?

Elle tourne lentement la tête, ses yeux perçants braqués sur moi.

— Jusqu’à ce que je n’aie plus besoin de te retenir.

Elle pousse une lourde porte ornée de fer forgé. Derrière, un bureau moderne tranche avec la décoration classique : cuir noir, écrans lumineux, murs couverts de livres anciens.

— C’est ici que tu resteras.

Je serre la mâchoire.

— C’est une prison.

Elle s’avance, calme.

— C’est la réalité.

Je sens le clic sec du verrou. La porte se referme, et avec elle, mes dernières illusions.

Le manoir D’Amato est une forteresse. Moi… je suis son prisonnier.

Vittoria

J’observe Adrian à travers le rétroviseur intérieur, son visage crispé, ses traits tendus comme une toile prête à se déchirer. Il croit pouvoir lutter, mais il ne sait pas encore que dans mon monde, la résistance est un jeu d’enfant.

Ce manoir est le cœur battant de mon empire, le sanctuaire où règne mon pouvoir sans partage. Chaque pierre, chaque meuble, chaque tableau raconte une histoire de sang et de loyauté. Et bientôt, Adrian y écrira la sienne.

Il se débat contre ses chaînes invisibles, mais il est déjà enfermé dans mon piège.

J’aime voir cette étincelle de défi dans ses yeux. Elle me rappelle ce que je suis devenue. Cette femme que rien ni personne n’a pu briser, même lorsque mon père est tombé. À vingt-trois ans, j’ai pris la tête de cette famille, affrontant la haine, la trahison, les hommes qui voulaient me voir tomber.

Le pouvoir m’a forgée, mais aussi glacée. Je suis belle, oui, d’une beauté froide et tranchante, une silhouette élancée vêtue de noir, cheveux lisses encadrant un visage sans faille. Mon corps est une armure, sculpté par la volonté et la discipline.

Je ne laisse personne m’approcher, sauf lui. Mon bras droit, Luca, un homme loyal, impitoyable, qui connaît mes faiblesses sans jamais les montrer.

Il est là, près de moi, discret mais présent. Je sens sa main effleurer mon bras dans un geste de soutien silencieux. Un instant fragile dans ce monde de fer.

— Vittoria, dis-moi quand tu voudras parler, murmure-t-il à voix basse.

Je hoche la tête sans détourner le regard d’Adrian.

— Bientôt, Luca. Tout se jouera ce soir.

Luca acquiesce et s’efface dans l’ombre, tandis que moi, je me tiens prête, reine de glace, maîtresse de ce jeu dangereux où le cœur et le pouvoir s’entrelacent.

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