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Chapitre 2 — Ombres et chaînes

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-08-13 03:33:42

Adrian

Je gare ma voiture le long d’une ruelle étroite, encadrée par des façades de pierre usées par le temps. Je coupe le moteur et reste un instant immobile, les mains serrées sur le volant, comme pour retarder le moment d’affronter ce qui m’attend. Devant moi, le palais de justice se dresse, massif et impérieux, silhouette de pierre blanche tachée par les années. C’est le symbole de tout ce pour quoi j’ai choisi cette vie, et chaque pas vers ce bâtiment représente une victoire fragile contre la corruption rampante qui ronge cette ville.

Je descends, refermant la portière avec douceur. Mes chaussures claquent sur les pavés, brisant le silence nocturne. Pourtant, je ne perçois pas le léger écho d’un autre pas, plus discret, qui se calque sur le mien.

Ce que j’ignore, c’est qu’à quelques mètres, dans l’ombre, se tient Vittoria D’Amato. La reine incontestée de la mafia sicilienne. Une femme dont le nom seul suffit à faire taire une pièce entière. Sa réputation repose sur le sang et la peur, mais aussi sur un charme glacé qui désarme autant qu’il terrifie. Depuis des années, elle me suit, m’observe. Moi, Adrian Vega, procureur décidé à mettre à genoux les familles criminelles de Palerme. Ce que je considère comme un devoir, elle le voit comme un affront… et plus encore, comme un lien.

J’entre dans le hall du palais. La lumière blafarde souligne mes traits tirés par la fatigue. Dans mon esprit défilent encore les preuves que j’ai présentées aujourd’hui : documents compromettants, enregistrements… Autant de coups portés à la famille D’Amato. Ce soir, je me sens proche d’un aboutissement.

Mais pour elle, je ne suis pas un adversaire à éliminer. Je suis un but , un trophée.

Je quitte le bâtiment. La fraîcheur nocturne vient frôler ma peau, mais ce n’est pas le vent qui me fait lever la tête. Une sensation étrange, comme une présence invisible, s’ancre dans mon esprit. Je m’arrête une fraction de seconde. Trop tard.

Une portière claque à ma droite, et une silhouette surgit de l’ombre. Un bras puissant se referme sur mon poignet et me tire avec une force implacable vers l’intérieur d’un véhicule noir aux vitres teintées.

— Lâchez-moi ! grogné-je en me débattant, le souffle court.

Je donne un coup de coude, cherchant à me dégager, mais la prise est ferme, presque inhumaine.

— Tu ne comprends pas ? murmure Vittoria, sa voix glaciale comme un couperet.

— Lâche-moi, je ne suis pas ton jouet !

Je sens son regard perçant sur moi, défiant, obsédé.

— Tu es à moi, Adrian. Je t’ai attendu trop longtemps.

— Jamais je ne serai à toi, répliquai-je avec véhémence.

Je cherche la poignée de la portière, prêt à l’ouvrir et à m’échapper, mais elle me plaque contre le siège d’une force brutale.

— Tu as toujours fui, mais cette fois, il n’y aura pas d’échappatoire.

Un silence lourd s’installe, seulement troublé par le vrombissement du moteur qui démarre.

Je tourne la tête pour la regarder. Vittoria est là, calme, souveraine, mais au fond de ses yeux, une flamme brûlante, un feu dévorant qui m’effraie autant qu’il m’attire.

— Pourquoi ? demandai-je, ma voix cassée par le mélange de peur et de colère.

Elle ne répond pas immédiatement. Puis, doucement :

— Parce que tu es tout ce qui me manque.

Le poids de ses mots écrase ma colère. Je me raidis, refusant de céder.

— Je ne suis pas un prix à gagner.

— Peut-être pas. Mais tu es le seul dont je ne peux me passer.

La voiture démarre, avalant la nuit. Palerme disparaît derrière nous.

Je me recroqueville sur mon siège, le souffle court, sentant chaque seconde s’égrener dans cette cage mobile.

Le jeu vient de commencer, et je sais que je ne suis plus libre.

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