Chapitre 2 : Bel inconnu (2)

Deux jours plus tard, cette obsession ne l’avait toujours pas quittée. Elsa était dans le bus, observant les visages des conducteurs, cherchant des reflets d’un visage qu’elle ne pourrait reconnaître que si elle le voyait à nouveau. Cela devenait insupportable. Jamais elle ne s’était laissée envahir comme ça par des pensées inutiles. Habituellement, les beaux garçons étaient des épiphénomènes, vite oubliés dès qu’elle les croisait. Mais lui… il avait marqué quelque chose en elle qu’elle n’arrivait pas à comprendre.

"Bon sang, je deviens folle", se dit-elle en se frappant le front du revers de la main, accéléra le pas, et se dirigea vers l’appartement de Doriane.

Doriane, sa fidèle amie depuis le collège, était la styliste à qui elle devait une grande partie de sa carrière. Cette dernière avait fondé son agence *Dodo Look*, et Elsa faisait partie de ses mannequins les plus en vue. Doriane était une force de la nature, pleine de vie, avec une approche sans compromis du monde de la mode.

- Tu es en retard ! Ce n'est pas dans tes habitudes, réprimanda Doriane en la voyant entrer dans son bureau.

- Je sais, je m'excuse. Je crois que je deviens folle, Dodo. Je n’arrête pas de penser à un inconnu. Un homme que j’ai vu il y a deux jours et je ne comprends pas ce qui m’arrive.

Doriane la fixa un instant, son regard sérieux ne tardant pas à céder à une lueur taquine.

- Devenir folle ? Ça fait bien longtemps que tu l’es, ma vieille, lança-t-elle en rigolant.

Elsa la regarda, un air sombre dans les yeux. Doriane, sentant que son amie était sérieuse, s’assit près d’elle.

- Bon, vas-y, raconte tout à maman, soupira Doriane.

Elsa, bien que gênée, se lança. Elle narra l’histoire du début à la fin, les détails de la rencontre, le regard, la voiture, l’agacement de l’avoir vue mal garée, et surtout ce qui s'était passé dans son esprit depuis ce jour-là.

- Voilà ! Depuis, je ne cesse de penser à lui, et je ne peux pas m'en défaire. Pourquoi est-ce qu’il me hante comme ça ?

Doriane se tassa dans son fauteuil, amusée.

- Tu as eu le coup de foudre, ma chère ! Bienvenue dans le club des fous.

- C’est ridicule, on dirait un scénario de feuilleton, soupira Elsa.

- Eh bien, sache que parfois, le destin se moque de toi. Ce type a volé ton cœur sans même le savoir. Je dois absolument le rencontrer, pour le féliciter. Enfin, quelqu'un qui a touché le cœur de ma déesse célibataire et endurcie !

Elsa roula des yeux mais un sourire pointa à l’horizon. Malgré sa gêne, elle se sentait apaisée.

- Ce n’est pas drôle !

- Si, c’est même hilarant ! Tu as tellement repoussé les hommes que le destin a choisi de te rendre la monnaie de ta pièce. Il a fait en sorte que tu te prennes un béguin pour un inconnu. Un inconnu que tu n’es même pas sûre de revoir !

- Arrête Dodo, ce n’est pas drôle.

- Ben oui, c’est ça qui est drôle ! Bon, écoute, je vais te donner un conseil. Respire, détends-toi, concentre-toi sur ce que tu sais faire : tes études et ton travail. Et laisse ce mec filer. Un béguin n’a de valeur que s’il est réciproque. S'il n’y a rien derrière, ça ne sert à rien de t’acharner.

Elsa souffla, se sentant soudainement plus légère. Elle hocha la tête, se sentant un peu idiote d’avoir laissé ses émotions la submerger.

- Tu as raison. Pourquoi m’en faire pour ça ?

- Voilà ! Maintenant, prépare-toi. On a un shooting à faire. Je t’ai réservé que des robes magnifiques. Ça va te plaire !

Le shooting dura plusieurs heures, mais Elsa et Doriane s’amusèrent. Entre les photos et les conversations légères, Elsa se sentait un peu plus calme, mais l’image du bel inconnu restait, en fond sonore de ses pensées.

- Tu sais, lança Doriane, après avoir échangé quelques idées sur la collection, "je pense à créer une nouvelle ligne. Des tenues de couple."

Elsa la regarda, intriguée.

- Ah oui ? Et ça consisterait en quoi ?

- Des tenues coordonnées. C'est osé, mais ça pourrait marcher. Tu sais, ce genre de look auquel personne ne s'attend vraiment.

Elsa sourit, admirant l’audace de son amie.

- Tu vas déchirer avec ça. Comme toujours. C’est grâce à ton travail acharné que tout ça fonctionne. Tu le mérites.

- Merci, ma déesse.