Chapitre 4 - Traquée
Le silence de la nuit pesait lourd sur les épaules d’Elena.
Le souffle court, elle scrutait l’obscurité autour d’elle, son corps tendu comme un arc.
Quelque chose était là. Elle le sentait.
L’ombre tapie entre les arbres bougea à nouveau.
Un deuxième grondement résonna, plus proche cette fois.
Elena fit un pas en arrière, l’instinct lui hurlant de fuir. Mais vers où ? Son appartement était encore à plusieurs rues. Et retourner au diner ne servirait à rien.
Une paire d’yeux brillants apparut entre les branches.
Jaunes. Cruels.
Un loup.
Mais pas Damian.
Ce loup-là était plus massif, plus féroce, et l’hostilité qui émanait de lui lui glaça le sang.
Elena déglutit, cherchant un plan, une issue.
Mais avant qu’elle ne puisse bouger, la créature bondit.
Elle n’eut que le temps de lever les bras avant qu’un choc violent ne la projette au sol.
La douleur éclata dans son dos lorsqu’elle heurta le pavé. Le souffle coupé, elle tenta de ramper en arrière, mais la bête la surplombait déjà.
Une odeur de terre et de sang l’enveloppa.
Le loup grogna, ses crocs luisant à la lueur des réverbères.
Elena sentit la panique l’envahir.
Elle allait mourir.
Ici.
Seule.
Et personne ne saurait jamais ce qui lui était arrivé.
Puis un rugissement déchira la nuit.
Une ombre noire surgit de nulle part et s’abattit sur l’assaillant.
Le choc fit trembler le sol.
Elena roula sur le côté, le cœur battant à tout rompre, et leva les yeux à temps pour voir Damian, sous sa forme de loup, plaquer l’autre bête au sol.
Son pelage noir était hérissé, ses crocs scintillaient sous la lune, et ses yeux d’or brillaient d’une rage brûlante.
Le loup ennemi se débattit, tenta de mordre, mais Damian fut plus rapide.
Il referma ses mâchoires sur la gorge de l’autre et le souleva de terre avant de le projeter contre un arbre avec une violence inhumaine.
Un craquement sinistre retentit.
Le loup couina et s’effondra, son corps tordu de douleur.
Mais il n’était pas mort.
Il se redressa lentement, fixant Damian avec un mélange de peur et de haine.
Puis, sans un bruit, il tourna les talons et disparut dans l’obscurité.
Elena resta allongée sur le sol, incapable de bouger, son cœur cognant si fort qu’elle entendait son propre pouls dans ses oreilles.
Elle leva les yeux vers Damian.
Il se tenait devant elle, majestueux et terrifiant sous sa forme de loup.
Il s’ébroua, son pelage noir ondulant sous la brise nocturne, puis fit un pas vers elle.
Elena eut un mouvement de recul instinctif.
Damian s’arrêta.
Ses yeux dorés se fixèrent sur elle, scrutant la peur qu’elle ne pouvait cacher.
Puis, lentement, sous ses yeux incrédules, il commença à se transformer.
Ses membres rétrécirent, son pelage se fondit dans sa peau, ses traits changèrent…
Et en quelques secondes, Damian était là.
Humain.
Pieds nus sur le bitume, torse nu, son corps sculpté marqué de griffures qui guérissaient déjà sous ses yeux.
Il la regarda sans rien dire.
Elena sentit son souffle se bloquer.
C’était impossible.
Et pourtant, c’était là, sous ses yeux.
"Tu vas bien ?" demanda-t-il d’une voix grave.
Elle ne répondit pas immédiatement.
Ses pensées étaient en vrac.
Puis, enfin, elle balbutia :
"Il… il voulait me tuer. "
Damian hocha lentement la tête.
"Oui."
Un frisson la parcourut.
"Pourquoi ? "
Damian hésita.
Puis il s’accroupit devant elle, plongeant son regard brûlant dans le sien.
"Parce que tu m’as vu. "
Elena sentit une vague de froid envahir son corps.
"Quoi ?"
Damian passa une main dans ses cheveux sombres, comme s’il cherchait ses mots.
" Hier soir. Quand tu as assisté à ce combat… tu es devenue un problème. "
Elena blêmit.
"Tu veux dire que… ces… choses… ces loups… savent que j’étais là ? "
Damian acquiesça.
"Et certains d’entre eux n’aiment pas les témoins. "
Elena sentit son estomac se tordre.
"C’est une blague ?"
Damian ne sourit pas.
"Tu penses que j’ai l’air de plaisanter ? "
Elle se tut.
Non. Il n’avait pas l’air de plaisanter.
Et c’était encore pire.
Le silence s’installa entre eux.
Puis Damian soupira et se redressa.
"Viens. "
Elena le regarda, perdue.
"Où ? "
"Chez moi."
Son cœur rata un battement.
"Pardon ? "
Damian croisa les bras.
"Tu crois vraiment que tu peux retourner chez toi comme si de rien n’était ?"
Elena ouvrit la bouche, puis la referma.
Il avait raison.
Elle était en danger.
Et le pire, c’est qu’elle n’avait nulle part où aller.
Elle hésita, luttant contre cette réalité.
Puis elle inspira profondément et se releva, vacillante.
"Juste pour cette nuit, déclara-t-elle avec fermeté. "
Damian haussa un sourcil amusé.
"Bien sûr. Juste pour cette nuit. "
Mais au fond d’elle, Elena savait qu’elle venait de mettre le pied dans un monde dont elle ne pourrait peut-être plus jamais sortir.
La forêt reprenait lentement vie. Les bruits familiers, jadis étouffés par la peur et le sang, résonnaient à nouveau : le chant discret des oiseaux, le bruissement des feuilles, le cri lointain d’un renard. Le sol, retourné et abîmé par la guerre, portait les stigmates des affrontements, mais la nature, fidèle à elle-même, ne cessait jamais de guérir.Au cœur de la vallée, dans ce nouveau territoire qu’ils avaient baptisé « L’Éveil », les meutes avaient commencé à reconstruire plus qu’un abri : une civilisation.Des écoles de formation naissaient pour les jeunes loups, où l'on enseignait autant la stratégie de combat que la diplomatie, l’histoire des anciens que la lecture des étoiles. Des artisans, longtemps reclus dans leurs grottes, s’étaient mis à sculpter, bâtir, forger. Les totems des différentes meutes ornaient désormais une grande place circulaire : le Forum des Alliés.Mais si le peuple s'activait à rebâtir, certains esprits n’étaient pas encore apaisés.Damian était debout f
L’aube baignait la vallée d’une lumière dorée, douce, presque irréelle. Le ciel, autrefois si menaçant, semblait apaisé, comme s’il reprenait enfin son souffle. Et pourtant, tout n’était que ruines et silence. Des colonnes de fumée s’élevaient encore de certains recoins de la forêt, noires et épaisses, témoignant de l’ampleur de la bataille.Le sol était jonché de corps. Loups tombés au combat, alliés de différentes meutes, mais aussi les abominations créées par Viktor. Des silhouettes difformes, à peine humaines, dont l’existence elle-même n’aurait jamais dû être. On sentait encore l’empreinte du mal dans l’air, bien que le cœur du danger ait été arraché par la main même de Damian.Au sommet de la colline, un feu discret brûlait. Autour, les chefs de meute s’étaient réunis. Tous étaient marqués : blessures visibles, bandages sommaires, visages fatigués. Mais dans leurs yeux brillait quelque chose que la douleur ne pouvait éteindre : l’espoir.Damian se tenait debout au centre, silenc
Le ciel s’était obscurci, comme s’il pressentait l’approche de la guerre. Les nuages s’étaient amassés au-dessus de la vallée, lourdement chargés d’électricité, tandis que la forêt entière retenait son souffle. Un silence irréel régnait sur le camp. Chacun savait que les heures à venir décideraient de leur sort.Elena, debout face à la carte déployée sur la table en bois massif, traçait du doigt les lignes de la vallée. Elle marquait les zones à défendre, les cols à surveiller, les pièges naturels à exploiter. Ses yeux brillaient d’une intensité nouvelle, alimentée par le rituel du Pacte du Sang. Depuis qu’elle avait partagé ce lien avec Damian, elle sentait en elle une énergie inconnue, brute, presque animale. Comme si une bête dormait sous sa peau, prête à surgir.Damian entra dans la tente, suivi d’Aiden. Il portait une armure légère de cuir noir, gravée de symboles anciens. Son regard croisa celui d’Elena, et elle ressentit cette vibration familière : leur lien, vivant, pulsant en
Le vent sifflait à travers les arbres, portant avec lui les échos du chaos qui venait de se dérouler. Le sol était encore chaud du combat, la terre imprégnée d’odeurs de sang, de magie, et de peur. Dans ce décor ravagé, Damian se tenait debout, le regard fixe, les bras couverts de blessures qui peinaient à guérir. Elena, à ses côtés, peinait à reprendre son souffle, son visage pâle, ses yeux emplis d’une fatigue profonde. Mais il y avait dans son regard une lumière nouvelle : une résolution silencieuse."On n’a plus le temps, Damian," murmura-t-elle. "Viktor va frapper. Et cette fois, il ne laissera rien derrière lui."Damian hocha lentement la tête. "Il faut rassembler nos alliés. Tous. Même ceux qu’on espérait ne jamais revoir."Ils retournèrent au camp provisoire dressé dans la forêt, là où les survivants de la meute blessée reprenaient des forces. Aiden, le frère cadet de Damian, les attendait, l’air grave. Il avait assisté à l’éveil du pouvoir d’Elena, au déchaînement du Lien et
La nuit était tombée sur la Vallée Blanche. Les loups dormaient ou veillaient, selon leur nature. Mais dans le cœur de la forêt, un frisson anormal parcourut les branches. Quelque chose approchait. Quelque chose d’ancien, de silencieux, d’implacable.Un vent glacé souffla sur les cimes.Et dans l’ombre… il ouvrit les yeux.Au sommet de la tour d’observation, Kael sentait le changement. Il se tenait droit, le regard plongé dans l’obscurité mouvante de la forêt.« Tu le sens, toi aussi ? » demanda Elena en montant les marches.Kael hocha la tête. « Le vent a changé. Il ne vient plus du nord. Il vient de… dessous. »Elena frissonna. Elle s’approcha du bord. « On dirait… que la forêt retient sa respiration. »Kael gronda légèrement. « C’est comme si quelque chose la traversait. Pas un animal. Pas un loup. Quelque chose de plus fin, plus rapide. »Elena resta silencieuse. Son instinct criait. Elle le sentait, elle aussi. Une présence. Invisible, mais réelle. Une aura glaciale rampait dans
Le soleil se levait lentement derrière les cimes déchiquetées des montagnes rouges. Une lumière pâle, presque timide, glissait sur les ruines d’Atros, maintenant silencieuses. Le sanctuaire n’était plus qu’un amas de pierres effondrées, de statues brisées et de cendres noires.Damian fixait l’horizon depuis le sommet d’un pilier effondré. Son torse était marqué de griffures et de brûlures, mais il restait debout. Sa respiration était lente, contrôlée. Il ne fuyait pas la douleur. Il l’acceptait.Elena se tenait à ses côtés, sa main effleurant la sienne sans la serrer. Il n’y avait pas besoin de mots entre eux. Pas ce matin-là. Ils avaient survécu. Et ils avaient gagné.Mais le goût de la victoire était amer.Derrière eux, les survivants de l’escouade se rassemblaient. Il ne restait que huit d’entre eux. Sarya avait perdu un bras, mais elle souriait. Merek portait Lios sur son dos, inconscient mais vivant. Kael bandait une entaille profonde sur sa cuisse, tout en gardant son regard fix