LOGINEn vérité, leur mariage ne tenait plus qu’à un fil. Un fil rongé par les mensonges, l’infidélité et les humiliations répétées.
Elle avait reçu des messages anonymes, des captures d’écran, même des appels d’amis proches de Marc — des gens qui l’aimaient assez pour ne plus se taire face à l’évidence. Mais Seraleone… Elle avait choisi de croire en l’homme qu’elle aimait, plutôt que les preuves qui s’empilaient. Par amour. Par bêtise aussi. Et surtout pour Matthieu. Leur petit garçon. Elle voulait qu’il ait une famille "normale". Un père à la maison. Une mère présente. Des rires dans le salon… Même si, au fond, elle se noyait dans le silence de ses propres larmes. Elle avait fermé les yeux sur les signes. Et pardonné. Encore. Et encore. Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, c’était trop. C’était l’affront de trop. Il avait osé ramener sa maîtresse dans leur lit. Sous leur toit. Devant leur enfant. Il n’avait pas seulement brisé un mariage. Il avait écrasé tout ce qu’elle était. Tout ce qu’ils avaient construit. Plus rien à sauver. Plus rien à retenir. Elle divorcerait. Et cette décision, elle la porta comme une lame en plein cœur. Elle savait que ça allait la hanter. Mais elle préférait mille fois affronter la solitude que de vendre sa dignité à un vaurien sans cœur. Dans sa voiture, le regard embué par les larmes, elle roulait sans but précis. Juste fuir. Fuir le poison. Fuir cet homme indigne qui allait bientôt porter le titre d’ex-mari. Quand elle s’était mariée, elle avait imaginé une vie de complicité, de rires, de projets, de vieux jours ensemble. Mais les rêves des hommes ne sont pas toujours ceux du Créateur. Après près de quatre heures de route, elle aperçut un vieux motel deux étoiles en bordure de route. Rien de luxueux, mais elle s’en fichait. Elle voulait juste un toit. Un peu de calme. Un souffle. Elle gara sa voiture. Descendit. Ouvrit doucement la portière arrière. Matthieu dormait, le visage paisible, ignorant le chaos que vivait sa mère. Elle le prit dans ses bras, déposa un baiser sur son front, et se dirigea vers l’accueil du motel. Son cœur était brisé, mais dans ses bras, elle tenait la seule raison de ne pas sombrer. En arrivant au motel, Seraleone ne perdit pas une seconde. Elle s’approcha d’un pas fatigué mais décidé du comptoir d’accueil. — Bonjour monsieur, une chambre s’il vous plaît. — C’est pour combien de nuits, madame ? demanda le réceptionniste, un homme à l’air blasé derrière ses lunettes épaisses. — Trois jours, dit-elle sans même réfléchir. — 150 dollars. Elle sortit sa carte d’un geste automatique, la tendit. Le réceptionniste encaissa le montant sans un mot de plus, lui tendit la clé en ajoutant simplement : — Chambre 207. À l’étage, couloir de droite. Elle hocha la tête, remercia d’un sourire mécanique, et se dirigea vers la chambre en traînant derrière elle deux valises, son fils endormi dans les bras. Devant la porte noire marquée 207, elle souffla un coup avant d’entrer. Une fois à l’intérieur, elle déposa délicatement Matthieu sur le lit, l’enveloppa dans une couverture, puis s’effondra quelques secondes sur le bord du lit. Son téléphone vibra : un appel manqué de son patron. Elle le rappela. À la troisième sonnerie, il décrocha, le ton sec et impatient : — Où êtes-vous, madame Calvados ?! — Dans un motel, répondit-elle, la voix brisée. Sans même attendre qu’il insiste, elle déversa tout : la trahison, les cris, les pleurs de son fils, la honte, la douleur, la gifle de la vie qu’elle venait de recevoir. Mais son chef, visiblement plus intéressé par ses dossiers que par ses employés, coupa court d’un ton froid : — Écoutez, vous n’êtes ni la première femme trompée, ni la dernière. Si vous ne pouvez pas reprendre le travail immédiatement, signez votre lettre de démission. Puis il raccrocha. Un vide la saisit. Un de plus. La colère, la tristesse, l’épuisement. Tout se mélangeait dans sa poitrine comme un orage prêt à éclater. Elle se leva, déposa un baiser tendre sur le front de Matthieu, et sortit. À la réception, elle s’approcha doucement du comptoir : — Bonjour très cher monsieur... — Quoi ? Votre chambre ne vous plaît pas ? lança-t-il, soupçonneux. — Non, ce n’est pas ça... répondit-elle calmement. J’aurais une faveur à vous demander. — Laquelle ? — Je dois retourner travailler... pourriez-vous veiller sur mon fils le temps que je termine ma journée ? Je paierai bien sûr. Le réceptionniste la dévisagea comme si elle venait de lui demander la lune. — Euh… madame, ici c’est pas une crèche hein. Si vous n’êtes pas en mesure de... Il n’eut pas le temps de finir. CLAC ! Une gifle claqua dans l’air. Elle venait d’une vieille dame, jusqu’alors silencieuse, assise dans un coin du hall. C’était la mère du réceptionniste. — Tais-toi un peu, bon à rien ! grogna-t-elle. Puis elle se tourna vers Seraleone, adoucissant sa voix :Xavier esquissa un sourire amusé, puis coupa le moteur avant de tourner la tête vers elle. Son regard, à la fois calme et troublant, se planta dans le sien.— Regardez bien, je vais vous montrer, dit-il d’un ton posé, presque mystérieux.Il se pencha vers elle, sa main effleurant la sienne, puis attrapa la boucle de la ceinture. Il la fit coulisser lentement, avec une aisance presque exagérée, jusqu’à ce qu’un clic libère Seraleonne du siège.Elle le fixait, intriguée par la précision de son geste… et un peu plus par la proximité soudaine de leurs corps.— Et pourquoi faire un nœud aussi tordu ? demanda-t-elle, faussement agacée.— Je ne sais pas… répondit-il avec un sourire en coin. Peut-être parce que ça me donne une excuse pour me rapprocher de vous.Ses mots tombèrent avec une audace maîtrisée. Pas un mot de trop, pas un regard déplacé. Juste le bon dosage pour faire bondir le cœur de Seraleonne.Troublée, elle détou
Elle s’éveilla en sursaut, le cou raide, les muscles endoloris par la position inconfortable dans laquelle elle avait sombré. Dormir dans un camion-citerne n’était clairement pas une expérience qu’elle souhaitait réitérer. Son corps, déjà épuisé par les émotions, lui faisait payer chaque minute passée à dormir recroquevillée.Ses yeux mirent un moment à s’adapter à la lumière diffuse qui filtrait à travers les vitres. L’espace métallique autour d’elle, l’odeur de gasoil mêlée à celle du cuir, tout lui semblait irréel. Un instant, elle ne savait plus où elle était ni comment elle s’était retrouvée là. Puis, comme des éclats de verre, les souvenirs de cette matinée chaotique revinrent la transpercer : la trahison, l’humiliation, les larmes. Marc. L’entreprise. Le vide.En tournant légèrement la tête, elle le vit. Lui. Xavier. Étendu sur le siège conducteur, la casquette posée négligemment sur son visage, il dormait paisiblement, presque trop. Ce contraste entre son p
— Tenez, dit-elle en lui tendant la carte. Un petit plus. Pour votre transport, bien sûr... et pour vous prouver ma bonne foi. J’aimerais beaucoup échanger avec vous autour d’un café, si vous êtes tenté.Xavier la fixa, interloqué. Un rire bref, sec, lui échappa un mélange d’amusement et de profond agacement.— « Non mais elle est sérieuse ? En plein boulot ? » pensa-t-il.Il se redressa, inspira profondément, et répondit d’un ton froid et ferme :— Je ne suis pas intéressé, madame.Il retira l’excédent d’argent de l’enveloppe, déposa les billets sur le bureau, et ajouta d’un ton tranchant :— Gardez ce supplément. Je suis payé pour mon travail, pas pour autre chose.Il tourna les talons et quitta le bureau, le pas plus lourd, les nerfs tendus.Clotilde, elle, resta figée. Choquée. Frustrée.Son sourire s'effaça lentement, laissant place à un rictus amer.— « Tu veux jouer au héros ? Très bien,
Xavier sentit un pincement glacial lui traverser le cœur. La douleur de Seraleonne lui renvoyait brutalement son propre reflet. Il se revit, quelques années plus tôt, infligeant à Sandra son ex-fiancée les mêmes blessures, les mêmes trahisons. À force de la tromper sans scrupule, il avait brisé une femme qui ne demandait qu’à l’aimer… et ses erreurs l’avaient conduite tout droit vers sa fin tragique.Un frisson lui remonta l’échine. Il n’était pas mieux que ce Marc, cet homme qu’il ne connaissait pas encore, mais qu’il haïssait déjà viscéralement. Peut-être parce qu’en lui, il voyait ce qu’il avait été.Serrant doucement les bras de Seraleonne, il força un sourire :— Allez, Madame Grognon, debout.Sa voix était douce, teintée d’humour, mais aussi d’une compassion sincère. Il l’aida à se relever avec précaution, puis la fixa droit dans les yeux. Un regard profond, chargé de regrets, mais aussi d’une promesse silencieuse de ne jamais lui faire ce qu’un autre lui avait infligé.— Je vai
Elle était à genoux, le regard perdu dans le vide, le cœur en lambeaux, les larmes silencieuses roulant sur ses joues. En une fraction de seconde, elle avait tout perdu. Son emploi. Son mariage. Sa dignité, peut-être. Et même si ce mariage était un champ de ruines depuis longtemps, elle avait gardé, au fond d’elle, l’illusion fragile que Marc finirait par revenir à la raison… Qu’il essaierait, lui aussi, de sauver ce qu’il restait d’eux.Mais elle s’était lourdement trompée.Xavier, témoin impuissant de ce naufrage, resta figé un instant. Lui, qui l’avait toujours connue forte, indomptable, invincible… La voir ainsi, brisée, à terre, le priva lui-même de toute force. Son cœur se serra. Il s’approcha doucement, posa un genou à terre à ses côtés et souffla, avec une tendresse maladroite :— Euh… Miss Indépendante, tu tiens le coup ?Seraleonne leva les yeux vers lui. Elle tenta de ravaler sa peine, de garder la face. Mais sa carapace céda.
Elle accepta, la mâchoire serrée, et il la hissa hors du camion comme une plume… ou presque. Lorsqu’elle fut enfin au sol, elle resta un moment immobile, dos à lui, visiblement en guerre avec elle-même. Puis, dans un effort presque douloureux, elle se retourna, évita son regard, et lâcha, d'une voix sèche mais audible : — Merci. Xavier haussa un sourcil, surpris mais amusé. Il savait que ces deux syllabes lui avaient coûté cher, bien plus qu’elle ne voulait l’admettre. — Wouah… j’aurais dû enregistrer ça, plaisanta-t-il, un large sourire aux lèvres. Elle leva les yeux au ciel, soupira, et tourna les talons. — Ne vous habituez pas trop. Il la regarda s’éloigner, conquise sans vouloir se l’avouer. Et lui ? Il était définitivement piqué. Xavier afficha un large sourire, toutes dents dehors. Pour la première fois, elle venait de le remercier. Un simple mot, mais qui av







