La pluie tambourinait contre les vitres depuis des heures.
Assise en tailleur sur son vieux canapé élimé, Lila feuilletait pour la centième fois ce carnet à couverture en cuir. Celui dans lequel elle recopiait chaque lettre reçue. Des lettres anonymes. Toujours glissées sous sa porte. Toujours à 23h47. Jamais une minute avant. Jamais une minute après. Ce soir encore, elle attendait. Son appartement était plongé dans une semi-obscurité. Seule la lueur chaude d’une lampe de chevet éclairait le salon. Les murs, peints dans des tons pâles, semblaient respirer au rythme de l’orage. Une odeur d’humidité flottait dans l’air. Et le tic-tac de l’horloge résonnait plus fort que d’habitude. 23h46. Son regard se leva vers la porte. Elle n’avait jamais osé ouvrir pendant que la lettre était déposée. C’était devenu un rituel étrange. Un jeu. Ou peut-être… une obsession. Elle ne savait plus trop. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle attendait. 23h47. Un craquement discret. Une fine enveloppe glissa sous la porte. Lila se leva, le cœur battant, et s’en approcha comme si elle allait ouvrir une relique sacrée. Elle tendit la main, ses doigts frôlant le papier encore humide de pluie. Elle déchira délicatement le haut du papier. À l’intérieur, un petit mot, écrit à l’encre violette. « Ne regarde pas derrière toi ce soir. Fais-moi confiance. — L’Inconnu. » Lila fronça les sourcils. Lila (à voix basse) : — Ne regarde pas derrière moi ? C’est quoi encore ce délire… Elle sourit nerveusement. Ce n’était pas la première fois que l’auteur de ces lettres semblait… savoir. Savoir ce qu’elle pensait. Ce qu’elle faisait. Ou même ce qu’elle redoutait au plus profond d’elle. Soudain, un coup léger, presque imperceptible, résonna contre la porte. Une première. Il n’y avait jamais eu de bruit… jusqu’à maintenant. Lila (murmurant) : — C’est pas vrai… Sa main tremblante se posa sur la poignée. Mais elle hésita. Tout son corps criait de fuir, mais sa curiosité était plus forte. ??? (voix douce, presque trop calme) : — Ouvre pas, Lila. Elle se retourna brusquement. Personne. Elle aurait juré avoir entendu quelqu’un… dans son dos. Et cette voix… elle ne lui était pas totalement étrangère. Lila (plus fort) : — Qui est là…? Montrez-vous ! Pas un son. Elle approcha son œil du judas. Le couloir était vide. Vide… ou presque. Elle distinguait une ombre lointaine, immobile. Trop floue pour être claire… mais trop présente pour être ignorée. Lila : — Si c’est encore toi, Maxence, je te jure que je vais— CLAC. Le verrou venait de tourner tout seul. Lila (terrifiée) : — C’est quoi ce bordel…? Et puis, cette voix… plus claire cette fois. Dans la pièce. Ou dans sa tête ? Voix inconnue : — Tu n’es pas seule, Lila. Tu ne l’as jamais été. Lila (haletante) : — Qui êtes-vous ? Pourquoi vous m’écrivez toutes ces lettres ? Voix inconnue : — Tu n’es pas prête à connaître la vérité. Un éclair zébra le ciel, illuminant le salon d’une lumière blanche. À cet instant précis, la lettre dans ses mains avait disparu. Lila (choquée) : — Non… non, non, elle était là, je l’avais dans les mains ! Elle chercha partout. Retourna les coussins. Regarda sous la table. Rien. Aucune trace de l’encre violette. Puis, lentement, sur la vitre embuée, un message apparut… Comme écrit de l’intérieur : « Minuit. Parc de l’Est. Viens seule. » À suivre….PDV LILA Le vent soufflait doucement sur la plaine d’Argéline, caressant les hautes herbes d’or comme s’il feuilletait les pages d’un livre ancien. Lila marchait seule, sa plume à la main, son cœur calme. Autour d’elle, le monde respirait autrement. Le Vide n’existait plus, remplacé par une pulsation vivante, comme un chant que seul l’esprit pouvait entendre. Elle atteignit la pierre blanche où tout avait commencé — là où elle avait trouvé le premier fragment, là où le récit avait choisi de renaître à travers elle. — Kaelys, murmura-t-elle. Pas un appel. Pas une plainte. Une reconnaissance. Une prière. Elle s’agenouilla, toucha la pierre. Elle était tiède, vibrante, comme si elle abritait un cœur invisible. Lila ferma les yeux, leva la plume, et traça dans l’air une dernière ligne invisible. Pas pour sceller une histoire. Mais pour la transmettre. Car les récits ne
PDV LILALila sentait son cœur battre à un rythme démesuré. Le ciel au-dessus de la Tour de la Source s’était assombri, non pas d’orage ou de pluie, mais d’une matière étrange, comme si l’encre elle-même s’était échappée de récits oubliés pour recouvrir le monde.Ils savaient que ce moment viendrait.Mais ils n’étaient pas prêts pour son ampleur.— Maxence ! cria-t-elle, courant dans les couloirs de la Tour.Des fragments de mémoire s’effondraient autour d’elle, comme si les fondations du monde tremblaient. Des enfants s’étaient réfugiés dans la salle des Plumes, blottis les uns contre les autres, récitant à voix basse des passages anciens pour garder les ténèbres à distance.Maxence surgit d’un escalier latéral, couvert de poussière et tenant un manuscrit ancien dans les bras.— L’Arche… commence à se fissurer, dit-il, haletant. Ce n’est plus seulement la faille de Kaelys. Quelqu’un… ou quelque chose… essaie de tout eff
PDV LILALes jours qui suivirent la cérémonie de la Trame furent marqués par un calme étrange, presque sacré. Dans la Tour de la Source, le silence n’était plus une absence, mais une respiration collective.Les enfants venaient chaque jour s’asseoir autour de l’Arbre-Récit, écoutant les Porteurs leur transmettre les histoires anciennes, mais aussi celles qu’ils avaient eux-mêmes vécues. Des récits de peines, de luttes, de victoires fragiles.Lila observait l’un de ces cercles, le cœur battant.— C’est comme si nous étions devenus les personnages des contes qu’on nous lisait quand on était petits, souffla-t-elle à Maxence.Il hocha la tête.— Sauf que cette fois, ce sont nos mots qui protègent les leurs.Mais au fond de ses pensées, un murmure insistant s’était installé depuis la cérémonie : et si ce calme n’était qu’un prélude ?PDV LÉOLéo marchait seul près des anciennes ruines. Là où le tout avait co
PDV LILALes premiers mots écrits dans le nouveau manuscrit provoquèrent une onde invisible qui parcourut tout l’Arbre-Récit. Les branches vibrèrent, les feuilles s’illuminèrent, et les anciennes histoires se réajustèrent, comme si elles s’inclinaient devant ce qui allait venir.— Tu sens ça ? murmura Lila, la main tremblante.— Oui, répondit Maxence. C’est la Trame… elle nous écoute.Ils avaient appris, au fil du temps, que la Trame du monde n’était pas figée. Elle pouvait être influencée, corrigée… ou corrompue. Mais pour y accéder pleinement, il fallait passer l’Épreuve.Un cercle se dessina autour d’eux, formé de racines vivantes. Une voix ancienne, celle de l’Ancienne Source, résonna :« Celui qui voudra écrire la nouvelle ère devra d’abord affronter sa propre vérité. »PDV LÉOLéo fut le premier aspiré dans la lumière.Il se retrouva dans une salle d’encre noire. Face à lui, une silhouette : lui-m
PDV LILALe vent soufflait plus fort, chargé d’une énergie ancienne que Lila n’avait jamais ressentie auparavant. Elle se tenait à l’orée de la Vallée d’Encre, là où les mots non écrits flottaient dans l’air, suspendus entre l’oubli et la création.À ses côtés, Maxence relisait les dernières lignes du Codex des Fragments — une relique retrouvée dans la Salle des Voix. Le texte y évoquait une prophétie oubliée : le retour du Manuscrit d’Or, unique artefact capable de restaurer ou d’annihiler toute narration vivante.— On ne devrait peut-être pas chercher à le réveiller, murmura Maxence. Il y a des récits qui dorment pour de bonnes raisons.Lila garda le regard fixé sur la vallée. Elle sentait les présences, les échos de ceux qui avaient écrit avant eux. Des millénaires de rêveurs, de conteurs, de Porteurs.— On ne peut pas laisser l’équilibre reposer sur des ruines, répondit-elle. Il faut une clé. Une vérité plus grande que le silence.
PDV LILALe vent soufflait plus fort, chargé d’une énergie ancienne que Lila n’avait jamais ressentie auparavant. Elle se tenait à l’orée de la Vallée d’Encre, là où les mots non écrits flottaient dans l’air, suspendus entre l’oubli et la création.À ses côtés, Maxence relisait les dernières lignes du Codex des Fragments — une relique retrouvée dans la Salle des Voix. Le texte y évoquait une prophétie oubliée : le retour du Manuscrit d’Or, unique artefact capable de restaurer ou d’annihiler toute narration vivante.— On ne devrait peut-être pas chercher à le réveiller, murmura Maxence. Il y a des récits qui dorment pour de bonnes raisons.Lila garda le regard fixé sur la vallée. Elle sentait les présences, les échos de ceux qui avaient écrit avant eux. Des millénaires de rêveurs, de conteurs, de Porteurs.— On ne peut pas laisser l’équilibre reposer sur des ruines, répondit-elle. Il faut une clé. Une vérité plus grande que le silence.