ВойтиDamien avait passé la journée dans son bureau. Il avait essayé de se concentrer, mais rien n’y faisait : les mots de son épouse revenaient sans cesse dans sa tête. « Divorcer ? » C’était impossible. Même si elle le voulait, elle ne le pourrait pas. Pourtant, Damien avait eu un doute au point que, ce matin, il avait failli appeler chez lui juste pour vérifier si elle était bien là. Il avait bien ri de son attitude, mais il fallait l’avouer : Julia était intelligente. Elle avait réussi à captiver son attention rien qu’avec ces mots. Ses doigts tapotaient nerveusement sur le bois de son bureau. Il prenait un stylo, le posait, le faisait tourner entre ses mains, triait machinalement quelques papiers. Chaque geste trahissait son agitation intérieure. Il était 18h32 lorsqu’il posa les yeux sur sa montre. Sa journée de travail était terminée depuis un moment, mais il ne voulait pas rentrer chez lui. À quoi bon ? Cette maison était devenue un lieu qu’il ne supportait plus, et l’idée de franchir le seuil suffisait à le mettre de mauvaise humeur.
La relation entre Damien et Julia remontait bien avant leur mariage, à l’époque du lycée. Damien était alors en couple avec Rebeca, et, aussi loin qu’il s’en souvenait, il avait toujours été attiré par elle. Rebeca était une jeune femme magnifique, aux cheveux noirs tombant en cascade sur son dos, et ils étaient ensemble depuis le collège. Julia, quant à elle, restait dans l’ombre, se contentant de l’observer en silence. Au début, Damien trouvait cela presque flatteur : qu’une fille aussi belle que Julia s’intéresse à lui flattait son ego. Mais cette attention constante finit par l’agacer et provoqua de nombreuses disputes avec Rebeca. Celle-ci l’accusait de chercher volontairement à attirer Julia. Peut-être avait-elle raison… Après tout, cela renforçait sa réputation de séducteur. Pourtant, Julia ne lui avait jamais causé de tort direct. Elle savait qu’il était en couple et ne lui avait jamais avoué ses sentiments. Tout changea lorsque Rebeca partit terminer ses études à l’étranger. Après quelques mois de solitude, Damien se rapprocha de Julia, qui fréquentait alors la même université que lui. Les choses, du moins à ses yeux, étaient claires : il ne voulait qu’une relation physique. Il pensait que Julia l’avait compris, puisqu’il ne lui avait jamais demandé d’être sa petite amie. Mais ses gestes tendres après chaque rencontre, ses attentions, ses cadeaux… tout cela amena Julia à croire qu’il était amoureux. Lorsqu’il se rendit compte de son erreur et tenta de mettre fin à la relation, il était trop tard : Julia était enceinte. Les familles, voyant là une occasion de renforcer leurs liens, les marièrent devant le maire. Au fond, Damien savait qu’il portait aussi une part de responsabilité. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de ressasser ces maudits « si »… Si seulement elle n’était pas tombée enceinte, si seulement elle avait pris la pilule… ou choisi d’avorter. Ces pensées le rongeaient, le faisaient se sentir minable. Il aimait Lucas, leur fils, mais ne savait pas comment l’exprimer. Au début, il avait essayé. Mais Julia, fidèle à elle-même, utilisait chaque prétexte pour se rapprocher de lui, comme si l’enfant devait les unir davantage. Et chaque fois qu’il la voyait, une rage sourde montait en lui. Elle représentait, à ses yeux, l’obstacle qui l’avait séparé de la femme qu’il désirait réellement. Et Lucas, malgré son affection pour lui, restait le rappel constant de cette trahison envers Rebeca. Rebeca… qu’est-ce qu’il l’aimait. Il l’avait toujours aimée, et il savait qu’il l’aimerait sans doute jusqu’à son dernier souffle. Son retour, deux ans plus tôt, avait ravivé une douleur qu’il croyait endormie. Elle était devenue une femme sublime, toujours aussi sauvage et rebelle. Contrairement à lui, elle était restée fidèle à ce qu’ils avaient été. Damien ne savait plus quoi faire. Il aimait encore Rebeca follement. Chaque fois qu’il croisait son regard, son cœur s’emballait. Peut-être par fierté. Peut-être par orgueil. Ou simplement parce qu’il craignait ce que cela dirait de lui… mais il ne pouvait pas. Damien referma doucement la porte de son bureau, laissant derrière lui l’odeur familière du cuir et du bois ciré. Dans le couloir désert, le cliquetis régulier de ses pas résonnait comme un compte à rebours. En bas, il traversa le hall marbré de l’immeuble, saluant distraitement le réceptionniste avant de gagner le parking privé. Assis au volant, il resta quelques instants immobile, observant son reflet dans le rétroviseur. Son visage semblait plus marqué que d’ordinaire, comme si les dernières semaines avaient laissé une empreinte invisible. Il inspira profondément, mit le moteur en marche et quitta les lieux. La ville scintillait sous les réverbères, les phares des voitures traçant des lignes dorées dans la nuit. Après quelques virages, il gara sa berline devant la façade d’un hôtel cinq étoiles. Un portier en uniforme s’empressa de lui ouvrir la portière. Damien lui adressa un signe de tête, puis entra. À l’intérieur, l’atmosphère était feutrée, presque confidentielle. Un piano jouait doucement dans un coin, et les conversations se perdaient dans le murmure discret des lieux. Damien rejoignit le lounge privé où ses amis l’attendaient autour d’une table basse en marbre, verres déjà servis. — Damien ! lança Pierre en levant un verre de cognac. Tu sembles sérieux ce soir… trop sérieux pour un vendredi. Damien esquissa un sourire bref, s’assit et attrapa le verre posé devant lui. — Disons que… la semaine a été longue. Paul, accoudé au dossier de son fauteuil, eut un sourire en coin. — Longue ? Tu veux dire que Julia t’a encore rendu fou ? Damien détourna les yeux, un rire forcé aux lèvres. — Non. C’est juste… la vie. Un serveur élégant s’approcha, déposa un plateau garni de petites assiettes, puis s’éclipsa sans un mot. Pierre leva de nouveau son verre. — Alors, ce soir, on oublie tout. Damien fit tinter son verre contre le sien. — À oublier, alors.La soirée était déjà bien avancée lorsque Rebeca fit son entrée. La pièce sembla changer. Ses cheveux noirs tombaient en cascade sur ses épaules, légèrement ondulés à la lumière des lampes. Son regard vif cherchait Damien, et lorsqu’il croisa ses yeux, il sentit un frisson familier parcourir sa colonne vertébrale. Ses lèvres esquissèrent un sourire, ses mains ajustèrent son manteau d’un geste rapide, élégant, et elle s’installa à côté de lui avec cette assurance qui l’avait toujours troublé. — Salut toi, dit-elle doucement, comme si elle savait exactement ce qu’il avait sur le cœur. Damien sentit son souffle se raccourcir, ses doigts se crispaient légèrement sur le verre. Elle posa sa main sur la sienne, juste un instant, et il eut un vertige. — Rebeca… murmura-t-il, incertain. Elle se pencha vers lui, rapprochant leurs visages de manière subtile, ses yeux pétillants d’une certitude qui lui faisait battre le cœur. — Tu sembles fatigué, répondit-elle en inclinant la tête, et… inqu
Damien avait passé la journée dans son bureau. Il avait essayé de se concentrer, mais rien n’y faisait : les mots de son épouse revenaient sans cesse dans sa tête. « Divorcer ? » C’était impossible. Même si elle le voulait, elle ne le pourrait pas. Pourtant, Damien avait eu un doute au point que, ce matin, il avait failli appeler chez lui juste pour vérifier si elle était bien là. Il avait bien ri de son attitude, mais il fallait l’avouer : Julia était intelligente. Elle avait réussi à captiver son attention rien qu’avec ces mots. Ses doigts tapotaient nerveusement sur le bois de son bureau. Il prenait un stylo, le posait, le faisait tourner entre ses mains, triait machinalement quelques papiers. Chaque geste trahissait son agitation intérieure. Il était 18h32 lorsqu’il posa les yeux sur sa montre. Sa journée de travail était terminée depuis un moment, mais il ne voulait pas rentrer chez lui. À quoi bon ? Cette maison était devenue un lieu qu’il ne supportait plus, et l’idée de franch
La journée était déjà bien entamée lorsque Julia déposa son fils à l’école et lui dit au revoir. La jeune femme reprit la route et retourna chez elle. Elle remarqua un silence presque solennel. Aucun bruit de vie ne venait troubler la maison, comme à son habitude. Depuis son mariage, Julia vivait ainsi, presque recluse. Ce silence alarmant lui rappelait tout ce qu’elle avait dû supporter. Julia n’avait pas toujours été seule. Au contraire, après son mariage avec Damien, nombreuses jeunes femmes de leur milieu avaient tenté de se rapprocher d’elle, cherchant à entretenir de bonnes relations avec la famille Morel. Mais dès que les autres avaient compris le désintérêt de Damien, elles s’étaient retirées. Damien, certes, assumait pleinement ses responsabilités d’époux : Julia ne manquait jamais de rien. Voitures, bijoux, confort… il lui fournissait tout, et elle baignait dans un luxe presque démesuré.Cependant, dès que les gens constatèrent son absence d’influence sur son mari, pire, qu
Damien franchit les portes de l’entreprise, le pas calme, presque mécanique. Il salua d’un signe de tête les employés qui l’apercevaient, puis se dirigea vers son bureau. Dès qu’il posa les yeux sur Marc, son meilleur ami et associé depuis des années, il sentit le regard scrutateur qui pesait déjà sur lui. — Salut, dit-il d’un ton léger. Mais son regard s’attarda un instant de trop, comme s’il cherchait à lire au-delà d’un simple visage. — Tu as l’air… un peu ailleurs ce matin. Tout va bien ? Damien fronça légèrement les sourcils, ce petit signe qu’il faisait toujours quand quelque chose clochait. Marc connaissait suffisamment son ami pour remarquer ce que personne ne voyait : la façon dont ses yeux évitaient les siens, ou le battement nerveux de ses doigts contre la lanière de son sac. Damien haussa un sourcil, sans se départir de son calme habituel. — Comme d’habitude, répondit Damien, la voix calme. Pourquoi ? Marc haussa un sourcil et s’approcha, croisant les bras. —
La porte s’ouvrit sans bruit. Damien entra, le visage fermé, fatigué, comme d’habitude après sa longue journée. Julia sentit immédiatement l’odeur d’une autre femme, subtile mais persistante, qui flottait autour de lui. Cette odeur elle ne le connaissait que trop bien, cela faisait deux ans qu´elle etait obliger de vivre avec. Son estomac se noua, elle avait déjà supporté plus que nécessaire. — Salut… murmura-t-elle, sans lever les yeux. Il hocha simplement la tête, marcha jusqu’au fauteuil, retira sa veste et la laissa tomber négligemment sur le dossier, sans un regard pour elle. Julia serra les poings. — Damien… je veux… commença-t-elle. Il ne l’écoutait pas. Il s’assit, se débarrassa de sa cravate, et continua ses gestes mécaniques comme si elle n’avait rien dit. La colère monta en Julia, brûlante. — Damien ! répéta-t-elle, plus fort cette fois. Je veux divorcer. Il leva à peine les yeux, comme si elle avait dit quelque chose d’insignifiant. Puis, calmement, presque fro
Julia en avait assez. Après six ans de sacrifices et de compromis, elle savait qu’elle ne pouvait plus continuer. Jamais elle n’aurait cru que l’idée de divorcer, de quitter Damien et de prendre sa vie en main, franchirait un jour son esprit. Et pourtant, elle y était. Aujourd’hui, c’était le point de non-retour. Il y a six ans, elle était tombée enceinte alors qu’elle était encore à l’université. À l’annonce, Damien n’avait pas hésité : il lui avait demandé sa main. Julia avait accepté, croyant naïvement que toutes ces années de soutien et d’amour discret avaient enfin fait naître des sentiments réciproques chez lui. Mais après le mariage, la vérité s’était imposée avec brutalité : Damien ne l’avait jamais aimée. Ce mariage n’avait été pour lui qu’une obligation, imposée par sa famille, et la première à payer le prix de cette union forcée, c’était elle… et leur fils. Au début, tout semblait “normal”, du moins assez pour que Julia puisse espérer. Damien n’était pas cruel, simpleme







