Élise ouvrit les yeux sur une chambre plongée dans une lumière grise. L’aube peinait à filtrer à travers les rideaux épais, projetant des ombres diffuses sur les murs. Elle inspira profondément. L’odeur familière de l’alcool flottait encore dans l’air, imprégnant les draps, les coussins, chaque recoin de leur espace intime.
Elle savait ce qu’elle allait trouver en sortant du lit.
D’un mouvement lent, presque mécanique, elle se leva et enfila son peignoir. Dans le couloir, elle s’arrêta un instant devant la porte du salon. À travers l’entrebâillement, elle distingua Antoine, affalé sur le canapé, un bras pendant mollement sur le bord, sa respiration lourde et irrégulière.
Les bouteilles vides étaient alignées sur la table basse, vestiges silencieux d’une nuit de trop.
Un amour mis à l’épreuve
Élise s’avança à pas feutrés, ramassa les bouteilles une par une, les déposant dans un sac en évitant tout bruit. Elle redressa les coussins, rabattit une couverture sur Antoine, puis se dirigea vers la cuisine. Chaque matin était une répétition du précédent. Une routine d’amour et de désespoir.
Elle l’aimait, elle n’en doutait pas. Elle aimait encore l’homme qu’il avait été, celui qu’il pouvait redevenir.
Mais chaque matin était une épreuve.
Elle mit de l’eau à chauffer, sortit du pain, beurra quelques tartines. Un rituel silencieux, porteur d’un espoir tenace. Peut-être qu’aujourd’hui serait différent. Peut-être qu’aujourd’hui, Antoine ouvrirait les yeux avec autre chose qu’une lassitude froide dans le regard.
Elle voulait croire que la douceur pouvait réparer ce que l’alcool détruisait.
Le réveil difficile d’Antoine
Un bruit sourd derrière elle la fit sursauter. Elle se retourna et vit Antoine se redresser lentement sur le canapé, une main sur le front, les traits tirés.
— Bonjour, mon amour, murmura-t-elle en s’approchant de lui avec un sourire tendre.
Elle se pencha et déposa un baiser sur sa joue mal rasée. Il sentait l’alcool et la sueur.
Il grogna en guise de réponse, esquissant un mouvement pour se lever. Son corps était lourd, fatigué d’avoir trop bu, trop dormi dans une position inconfortable.
Sans se laisser décourager, Élise lui tendit une tasse de café fumant.
— Tiens, ça va te faire du bien.
Antoine la prit sans un mot, sans même un regard. Ses doigts tremblaient légèrement autour de la céramique chaude.
Il porta la tasse à ses lèvres, but une gorgée et poussa un soupir las.
Des souvenirs qui s’effacent
Élise s’assit en face de lui, les mains jointes sur la table. Elle chercha son regard, en vain.
— Tu te souviens… commença-t-elle doucement. Quand on s’est installés ici, on buvait du café sur le balcon tous les matins, en parlant de tout et de rien. Tu riais tout le temps.
Un silence.
Antoine fixa le liquide sombre dans sa tasse, comme si elle n’avait rien dit.
— C’était bien, non ? insista-t-elle, une lueur d’espoir dans la voix.
Il haussa les épaules.
— C’était y a longtemps.
Puis il se leva, laissant sa tasse à moitié vide, et s’enferma dans la salle de bain.
Une prière muette
Élise resta immobile, les doigts crispés autour de sa propre tasse.
Elle savait qu’elle ne pourrait pas le forcer à redevenir celui qu’il avait été. Elle savait aussi que, chaque matin, elle s’accrochait à un espoir fragile, à une illusion qui s’effritait sous ses yeux.
Mais elle n’était pas prête à abandonner.
Elle ferma les yeux et serra la tasse plus fort, priant en silence.
Priant pour que son amour suffise à le sauver.
-
Elle espère encore, mais chaque matin, la désillusion gagne du terrain.Victor referma la porte de la salle de bain, déjà habillé pour partir. Il jeta un regard à Camille, toujours assise sur le canapé, le téléphone en main.
— Bonne journée, lança-t-il en attrapant ses clés sur la console de l’entrée.
Un simple souhait, un rituel quotidien, mais qui sonnait de plus en plus vide.
Camille leva à peine la tête.
— Ouais, toi aussi.
Sa voix était plate, mécanique, comme une réponse automatique qu’on donne sans y penser. Déjà, son regard était retourné à l’écran de son téléphone, absorbé par un monde qui semblait toujours plus intéressant que lui.
Victor resta une seconde immobile, hésitant.
Un matin de plus où elle ne lui adressait qu’une fraction de seconde d’attention.
Un matin de plus où il partait avec ce goût amer dans la bouche.
Il poussa un soupir discret et sortit, refermant doucement la porte derrière lui.
Élise et Antoine – Une illusion d’effort
Dans l’appartement voisin, Élise servit une dernière tasse de café à Antoine. Il s’était douché, habillé rapidement et s’apprêtait à partir pour la journée.
Elle, fidèle à elle-même, essaya une dernière fois de maintenir une connexion, un lien, aussi ténu soit-il.
Elle s’approcha et posa une main légère sur son bras.
— Tu seras là pour le dîner ce soir ?
Sa voix était douce, presque suppliant une confirmation qui la rassurerait.
Antoine, déjà debout, hocha vaguement la tête en enfilant sa veste.
— Ouais, sûrement.
Aucune promesse. Aucune certitude.
Il se détourna, attrapa ses affaires, et partit sans un regard en arrière.
Élise resta seule, la main suspendue dans l’air, comme si elle espérait encore le retenir.
Comme chaque matin.
Deux départs, un même vide
Victor et Élise descendirent les marches de leur immeuble presque au même moment, sans se croiser.
Deux portes qui se ferment.
Deux soupirs échappés dans le silence matinal.
Chacun monta dans sa voiture, insérant machinalement la clé dans le contact.
Deux moteurs qui ronronnent.
Deux visages figés dans la même mélancolie.
La radio se mit en marche, mais ni l’un ni l’autre ne l’écouta vraiment.
Leurs regards fixaient la route devant eux, mais leurs pensées restaient accrochées à ce qu’ils laissaient derrière.
Le poids invisible d’un mariage qui s’effrite.
Deux cœurs pleins d’amour.
Deux âmes qui souffrent du désintérêt de l’autre.
Deux destins parallèles, glissant lentement vers une solitude qu’ils n’avaient jamais imaginée.
Il est 20h10 quand Victor gare sa voiture devant la maison. Il descend sans empressement, les traits tirés par une journée lourde et un cœur chargé de déceptions accumulées.La porte d’entrée grince légèrement quand il l’ouvre. Il ne cherche même pas à savoir si Camille est là. Il pose calmement ses clés sur le meuble de l’entrée, retire ses chaussures, puis traverse le salon sans un mot.Camille, assise sur le canapé, lève les yeux vers lui. Elle feint un sourire.— Bonsoir Victor. Tu veux qu’on parle un moment ? demande-t-elle d’une voix faussement douce.Victor ne répond pas. Il continue son chemin, va directement dans la salle de bain. L’eau coule, le bruit masque son silence. Il se lave rapidement, puis revient dans la cuisine. Il ouvre le réfrigérateur, sort ce qu’il y trouve et se sert un repas simple, sans même jeter un regard vers Camille.Elle se lève lentement, un peu surprise par son silence.— Victor, je t’ai dit que je voulais parler. Tu vas continuer à m’ignorer comme s
Il est 19h30. Lyna ferme la caisse, range ses derniers vêtements pliés avec soin, puis baisse la grille de sa boutique. Elle pousse un soupir léger, satisfaite de sa journée. Elle a eu de bons clients, quelques ventes importantes. Et surtout, Victor est passé. Sa journée ne pouvait pas être meilleure.Son amie Myriam l’a quittée plus tôt. Elle est donc seule pour fermer. La rue est calme, trop calme peut-être. Un soir ordinaire dans un quartier d’affaires. Lyna tourne la clé, met son sac sur l’épaule et commence à marcher vers sa voiture garée un peu plus loin.Elle ne remarque pas tout de suite la voiture noire, vitres teintées, stationnée de l’autre côté de la rue.Quand elle ouvre la portière de sa voiture, une voix l’interpelle dans le noir.— Mademoiselle Lyna ?Elle se retourne. Deux hommes. L’un grand, sec, avec une casquette enfoncée jusqu’aux yeux. L’autre plus costaud, le visage couvert partiellement par une écharpe noire.Elle recule instinctivement.— Oui ? Qu’est-ce que v
Voici la suite de la scène entre Lyna et Victor, pleine de douceur mais aussi teintée d’un soupçon de danger inconnu :Dans le fond de la boutique, le temps semblait suspendu.Victor observait Lyna ranger une étagère avec soin. Chaque geste qu’elle faisait était délicat, précis, comme si tout ce qu’elle touchait méritait de l’attention. Il se surprenait à la regarder souvent, simplement pour s’assurer qu’elle était bien réelle.— Tu veux quelque chose à boire ? demanda Lyna en se retournant vers lui.— De toi ? Toujours. répondit-il avec un petit sourire malicieux.Lyna rit doucement, puis disparut un instant dans l’arrière-boutique. Elle revint avec deux verres de bissap frais.— Je te garde en vie avec mes boissons maison maintenant ?— Tu fais plus que ça. Tu me rappelles que je peux encore respirer.Ils s'assirent à nouveau, leurs genoux se frôlant. Lyna posa sa main sur celle de Victor.— Tu n’as pas à dire ce que tu vis chez toi. Je le sens. Mais je veux que tu saches… ici, tu p
Le silence de la maison était lourd lorsque Camille entra dans le salon. Victor, assis sur le canapé, venait de rentrer du travail. Il avait desserré sa cravate, son visage fatigué, mais calme.Camille s’arrêta devant lui, les bras croisés, les yeux chargés d’un mélange de colère et de défi.— Victor, regarde-moi.Il releva les yeux, surpris par son ton.— Tu me trompes déjà, n’est-ce pas ? Tu as une maîtresse.Victor fronça les sourcils, pris de court par la violence directe de l’accusation. Il ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de la fixer, les lèvres entrouvertes, comme s’il cherchait les mots justes.— Pourquoi tu ne dis rien ? lança-t-elle plus fort.— Tu crois que je suis stupide ? Tu rentres tard, tu souris tout seul, tu es distant. Et maintenant tu veux jouer au muet ?Victor soupira doucement, puis prit son téléphone sur la table basse.— Camille, je crois qu’il vaut mieux qu’on parle calmement…Mais à peine avait-il effleuré son téléphone que Camille s’interposa v
18h30 – Retour à la maisonÉlise ouvre la porte de leur maison. Elle porte encore le parfum léger du café où elle a ri quelques heures plus tôt. Son sourire s’estompe dès qu’elle entre.L’odeur de l’alcool est omniprésente. Le salon est en désordre : bouteilles vides, cendriers pleins, vêtements jetés à même le sol. Antoine est affalé sur le canapé, les yeux rouges, le visage tiré.— T’étais où ?! grogne-t-il en la voyant entrer.— Je suis sortie. J’avais besoin d’air.Elle tente de contourner la discussion, de passer dans la cuisine, mais Antoine se lève brusquement, instable.— Besoin d’air ? Ou besoin de voir un autre homme, c’est ça ?!— Tu es ivre, Antoine. Repose-toi. On en parlera quand tu seras lucide.— Tu te fous de moi ! hurle-t-il. Il saisit un verre sur la table et le jette au sol. Il éclate en mille morceaux.Élise recule, apeurée.— Antoine, arrête ! Tu n’es plus toi-même !— Moi-même ? C’est toi qui changes, Élise. Depuis quand tu me parles comme ça ? Tu crois que tu p
Il était 6h30 quand le téléphone de Victor vibra sur sa table de nuit. Il ouvrit les yeux doucement, encore enveloppé par les bribes de son rêve, et tendit le bras.Lyna : Bonjour à l’homme qui me donne le sourire dès le matin.Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Victor. Il prit quelques secondes avant de répondre, touché par la simplicité de ces mots.Victor : Et bonjour à celle qui me le redonne sans le savoir. Tu m’as réveillé en douceur. Tu as bien dormi ?Lyna : Oui, je me suis endormie en repensant à hier soir… et j’espère que ce n’était pas qu’un moment de passage pour toi.Victor resta un moment à relire cette phrase. Il sentit quelque chose bouger en lui. De la tendresse. Une paix qu’il n’avait pas connue depuis longtemps.Victor : C’était réel. Sincère. Tu es comme un souffle d’air pur dans un monde qui étouffe.À 7h30, il était déjà assis à la table de la cuisine. La bonne lui servit un petit déjeuner simple, et il mangea en silence, serein. C’est alors que Camill