Chapitre 3 – L'Obscurité en Héritage
Je pourrais essayer de me débattre. Me jeter sur la portière, tenter de sauter. Mais une pression froide contre ma tempe me dissuade immédiatement.
Homme armé : « Ne bouge pas. »
Son ton est calme, presque nonchalant. Comme si tout cela était une routine. Le canon du pistolet contre ma peau est une menace silencieuse, bien plus terrifiante que des cris ou des ordres hurlés.
Devant, l’homme en costume reste silencieux. Il ne daigne même pas se retourner vers moi. Il observe la route, imperturbable. Je serre les poings. Mon cerveau carbure à toute vitesse. Qui sont-ils ? Pourquoi moi ? Je n’ai rien à voir avec leurs affaires. Puis, un détail me frappe. L’homme en costume. Je l’ai déjà vu quelque part. Son visage, sa posture. Ce n’est pas un simple criminel de bas étage.
Je repense à mon temps à l’agence. Aux rapports que j’ai épluchés sur les organisations criminelles. Et soudain, tout s’éclaire. Mon estomac se noue. Cet homme… Ce n’est pas n’importe qui.
C’est Rafael Castillo. Le mafieux le plus puissant du continent.
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La voiture ralentit enfin. Une grille massive s’ouvre devant nous, et nous pénétrons dans une immense propriété. Les lumières s’allument progressivement, dévoilant une demeure imposante, flanquée de gardes armés. Une forteresse. Impossible de s’enfuir d’ici. Le véhicule s’immobilise. La portière s’ouvre brutalement, et on m’extirpe de la voiture.
Homme armé : « Avance. »
Je ne résiste pas. Pas maintenant. Je marche, mon regard balayant les lieux, enregistrant chaque sortie, chaque caméra, chaque détail qui pourrait m’être utile.Rafael marche devant moi, toujours aussi calme. Il se dirige vers l’intérieur de la demeure sans un regard en arrière. Il sait que je vais suivre. Parce que je n’ai pas le choix.
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L’intérieur est somptueux. Marbre, bois précieux, œuvres d’art. Tout respire la richesse. Mais c’est une richesse froide, calculée. Pas un luxe ostentatoire, mais celui d’un homme qui contrôle tout.
Je suis conduite dans une vaste pièce. Un salon aux fauteuils de velours, une cheminée crépitant doucement. Rafael s’installe dans un fauteuil et croise les jambes, comme s’il était chez lui – ce qui est le cas.
Rafael : « Assieds-toi. »
Je ne bouge pas. Nos regards se croisent enfin. Ses yeux sont sombres, insondables. Un abîme sans fond.
Rafael : « Tu es plus intelligente que je ne le pensais. »
Je fronce les sourcils.
Rafael : « Tu as compris qui je suis, n’est-ce pas ? »
Je ne réponds pas. Son sourire est imperceptible.
Rafael : « Bien. Cela m’évitera de perdre du temps. »
Il fait signe à un de ses hommes, qui sort un dossier et le pose sur la table devant moi. Je fixe la chemise cartonnée, mon cœur battant plus fort. Rafael l’ouvre et fait glisser une photo vers moi.
Rafael : « Toi. »
Je tressaille. C’est une photo de moi. Pas une image publique. Une photo prise récemment. Très récemment.
Rafael : « Tu sais ce que cela signifie ? »
Je déglutis. Ils me surveillaient. Depuis combien de temps ? Pourquoi ?
Rafael : « Quelqu’un dans ton agence a vendu ton dossier. »
Je relève la tête brusquement. Mon agence ? Non. Impossible.
Rafael : « Tu n’es pas ici par hasard, Gloria. »
Mon prénom dans sa bouche sonne comme une sentence. Je secoue la tête.
Rafael : « Je pensais que tu étais une menace. Une espionne infiltrée. »
Mon souffle se coupe.
Rafael : « Mais tu n’es qu’une femme brisée, abandonnée par les tiens. »
Le coup est aussi cruel que la vérité qu’il porte. Je serre les poings.
Rafael : « Et pourtant, tu pourrais m’être utile. »
Mon cœur rate un battement. Utile ? Moi ?
Qu’est-ce que cela signifie ?
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Un silence pesant s’installe. Rafael me fixe toujours, son regard transperçant chaque barrière que j’essaie d’ériger. Je suis coincée. Et pour la première fois de ma vie, je ne sais pas comment m’en sortir.
L'air est lourd, chargé d’une tension que je ne peux ignorer. La cheminée projette une lumière vacillante sur les murs du salon luxueux, mais aucune chaleur ne se dégage de cette pièce. Seulement le froid du pouvoir et du contrôle.
Je suis assise, dos droit, fixant Rafael Castillo. Rafael, lui, est parfaitement à l’aise. Son regard scrute chaque réaction sur mon visage, comme s’il disséquait mes pensées avant même que je ne les formule.
Rafael : « Tu ne sembles pas surprise d’apprendre que ton agence t’a trahie. »
Je ne réagis pas. Je refuse de lui donner la satisfaction de voir à quel point ses mots m’ébranlent. Mais au fond…
Toute ma vie, je me suis sacrifiée pour cette agence. J’ai risqué ma peau, obéi à chaque ordre, même les plus absurdes. Et voilà où j’en suis aujourd’hui : réduite au silence, mise à l’écart… et maintenant vendue comme une marchandise à un criminel. Un rire amer menace de franchir mes lèvres, mais je le ravale. Je refuse d’être brisée. Pas devant lui.
Rafael : « Rien ? Pas même un regard offusqué ? »
Chapitre 86 – Le Conseil InvisibleRafaelRome ne dort jamais. Même sous la pluie, même sous les menaces, elle respire. Une bête antique au cœur d’un monde moderne, où le pouvoir se cache dans les ruelles silencieuses et les regards qui glissent. Je la connais. Trop bien. Trop mal.C’est ici que j’ai appris à frapper sans laisser de trace. C’est ici que j’ai failli me perdre. Et ce soir, c’est ici que tout peut basculer.Gloria conduit. Ses mains sont stables sur le volant, mais ses yeux trahissent la tension. On ne va pas simplement espionner une réunion. On entre dans le cœur du monstre. Le comité restreint du Cercle. Cinq noms. Cinq ombres. Cinq assassins en costume qui ne tuent jamais eux-mêmes.Mais qui désignent.Et parmi eux, celui qui a signé mon arrêt de mort.—Le lieu : Via dei Coronari, 43. Une ancienne loge notariale restaurée en résidence privée. Façade anonyme. Fenêtres plombées. Aucun accès direc
Chapitre 85 – Retourner la LameGloriaIl a dit : Je veux le retourner.Et je n’ai rien répondu. Parce qu’au fond, je savais que ce jour viendrait. Le moment où on ne se contenterait plus d’entailler les veines du Cercle. Le moment où on viserait la tête.Mais ce que Rafael n’a pas dit, c’est ce que ça implique.Retourner un arbitre, ce n’est pas seulement percer la cuirasse d’un réseau tentaculaire. C’est injecter un venin dans son propre cœur. C’est jouer à un jeu où personne ne fait confiance, où même les loyautés sont des masques. Et lui, Rafael, il le sait mieux que quiconque.Car il en a été un, autrefois.Un outil du Jugement. Un exécuteur choisi, formé, façonné par ceux qu’il veut désormais abattre.Et maintenant, on s’apprête à faire tomber l’un des leurs. Pas pour le tuer.Pour le forcer à choisir.—Deux jours plus tard. Naples.La pluie rince les rues. Sale, collan
Chapitre 84 – Écorcher l’Hydre RafaelLe bruit des pas est feutré, régulier. Trois hommes. Deux armés, un en costard. On les observe depuis la lucarne arrière d’un immeuble abandonné, en face du bâtiment cible. J’ai des jumelles nocturnes, Gloria une tablette avec les flux de caméras piratées.— Horaire respecté, je murmure.— 21h47. Entrée Est. Ils changent toutes les 6 heures. Mais jamais le circuit. Trop sûrs d’eux.Trop arrogants, surtout.Je plisse les yeux. Le logo sur la porte en métal : Viridis Group S.R.L. Une société de transport maritime. Officiellement spécialisée dans les produits pharmaceutiques.Officieusement ? Un hub logistique du Cercle. Relais entre Trieste, Athènes, Casablanca. Un couloir discret pour blanchir des millions et échanger des informations trop sensibles pour passer par un réseau classique. Des disques durs, des microfilms, parfois même des documents manuscrits, comme au siècle dernier.
Chapitre 83 – Le Maillon FaibleRafaelRome.La ville est une façade. Belle, ancienne, indifférente. Mais sous le marbre et les ors, il y a les fondations. Le réseau. Les artères cachées. Et c’est là que je veux frapper.Il y a une règle que Marco m’a apprise, même s’il n’a jamais prononcé les mots : on ne gagne pas contre l’hydre en lui tranchant une tête. On gagne en lui faisant croire qu’elle s’est empoisonnée elle-même.Et ce poison commence avec Domenico Bellini.Bellini est discret. Trop. Vice-président d’une banque privée ayant des ramifications jusqu’à Varsovie. Propriétaire de deux galeries d’art. Parrain officieux de plusieurs campagnes politiques. Officiellement propre, officieusement inattaquable.Mais il a une faille.Il pense qu’on ne sait pas.—Gloria et moi logeons dans un petit appartement du Trastevere, à deux rues d’une église désaffectée. À l’intérieur, j’ai monté un mini-c
Chapitre 82 – Le Berceau des TraîtresRafaelJe descends les marches lentement, chaque pas résonnant contre les murs de béton. Derrière moi, Gloria garde la lampe braquée droit devant, le souffle court. L’odeur est celle de l’humidité, du métal, et du passé. Pas de poussière. Pas d’oubli. Ce lieu vit encore.Le couloir s’élargit. Un sas en acier nous fait face, gravé d’un code alphanumérique : 219-F.Je m’arrête. L’adresse du document retrouvé à Tornio.Je tape le code.Le verrou claque. La porte s’ouvre avec un grincement lent, sinistre.On entre.Le silence est absolu.Devant nous, une salle froide, souterraine, éclairée par des néons grésillants. Des dizaines de classeurs. Des casiers verrouillés. Des étagères pleines de vieux dossiers en cuir, numérotés. Pas d’électronique. Tout est papier. Tout est manuel.Gloria s’approche d’un tiroir. L’étiquette dit “Opérations silencieuses, 1970-1998”.
Chapitre 81 – Le Jardin des MortsGloriaLe soleil ne se lève pas. Pas vraiment. Il s'étire à peine à travers les nuages, comme s’il hésitait à venir éclairer ce jour-là. Et je le comprends. Il y a des vérités qui préfèrent l’ombre. Des vérités qui tuent.Rafael n’a presque pas dormi. Moi non plus. Nous sommes enfermés dans cette chambre d’hôtel miteuse depuis des heures, le carnet et les documents étalés sur le lit défait, comme les fragments d’un crime ancien. J’ai préparé du café. Fort. Inutile. Ce qu’on lit nous tient bien plus éveillés que la caféine.Sur le carnet, des dates, des lieux, des codes. Des noms. Certains barrés d’un trait rouge. D’autres cerclés d’encre noire. Et au centre, un mot répété plusieurs fois : Le Jardin.— Ce n’est pas un vrai jardin, je murmure. C’est un nom de code. Une métaphore, peut-être.Rafael tourne les pages avec des gestes lents, précis, comme s’il avait peur de briser quelque chose. Ou quel