Chapitre 2 – Le Mauvais Endroit, Au Mauvais Moment
Je fixe mon téléphone. Aucun appel. Aucune mission. Rien du tout j'étouffe dans mon appartement. Puis, un jour, un simple malentendu. Un quiproquo stupide. Et ma vie bascule à jamais.
Le temps s’étire dans une monotonie suffocante. Une semaine que je suis mise à pied. Une semaine à errer dans mon appartement, à ne rien faire d’autre que me perdre dans mes pensées.
Je suis une lionne en cage. L’adrénaline me manque. L’action me manque. Même le danger me manque.
J’ai refusé de répondre aux appels de Marco. Il voudra me convaincre d’accepter le poste à l’administration. Il ne comprend pas. Personne ne comprend. Comment pourrais-je accepter de passer mes journées derrière un bureau après des années à risquer ma vie sur le terrain ?
Le pire, c’est le silence. Plus de conversations. Plus de voix. Seulement moi, enfermée dans mon propre mutisme, devenu ma nouvelle vie.
Je me passe une main sur le visage. Il faut que je sorte. J’attrape mon manteau et sors dans la rue. Il est tard, mais je m’en fiche. J’ai besoin d’air, de mouvement, de me sentir vivante.
—
Un bar. Pas un de ces endroits chic où les clients viennent pour paraître importants. Non. Un bar sombre, bruyant, à l’ambiance lourde et électrique. L’endroit parfait pour oublier, ne serait-ce qu’un instant.
Je me glisse dans un coin, observant la foule. Les conversations me parviennent par vagues indistinctes. Des rires, des murmures, des négociations clandestines. Cet endroit grouille de types louches, et c’est exactement ce dont j’ai besoin.
Je commande un verre et me contente de regarder. L’analyse, c’est mon instinct. Identifier les menaces, repérer les détails qui trahissent une intention cachée… C’est presque un jeu.
Un homme attire mon attention. Grand. Élégant malgré l’ambiance délabrée du bar. Un costume impeccable, trop cher pour ce genre d’endroit. Il ne boit pas. Il observe. Comme moi.
Un détail m’alerte. Sa posture, sa manière de fixer un groupe au fond de la salle. Il n’est pas ici pour se détendre. Mon instinct crie qu’il est dangereux. Je détourne les yeux et prends mon verre. Ce n’est pas mon problème. Pas ce soir.
—
La situation bascule en une fraction de seconde. Un cri. Une table qui vole. Je me retourne brusquement. Un homme vient de s’effondrer, du sang coulant de son nez brisé.
Une bagarre éclate. Les clients se lèvent précipitamment, certains s’éloignant, d’autres prêts à se joindre à l’affrontement.Le type en costume ne bouge pas. Il observe toujours, mais cette fois, il semble… amusé.
Je fronce les sourcils. Puis, je le vois faire un signe discret. À peine perceptible. Une embuscade. Avant même que je puisse réagir, trois hommes armés surgissent de nulle part. Tout s’enchaîne trop vite. Le premier tire un coup en l’air.
Homme armé : « Que personne ne bouge ! »
Le bar plonge dans un silence glacé. Je serre les dents. Bordel. L’homme en costume se lève enfin. Il avance d’un pas mesuré, parfaitement calme malgré la tension.
??? : « Vraiment ? Tirer en l’air ? C’est ainsi que vous espériez impressionner ? »
Sa voix est posée, mais tranchante. Les types armés échangent un regard. Ils ne s’attendaient pas à ça. Le chef du groupe pointe son arme sur lui.
Chef : « Reste où tu es. C’est toi qu’on veut. »
L’homme en costume sourit.
??? : « Vous avez fait une erreur. »
Et en une fraction de seconde, tout bascule.
—
Je réagis par pur instinct. L'homme en costume bouge avec une rapidité fulgurante, désarmant le premier assaillant en un éclair. Le coup de feu part, mais il frappe le plafond. Les clients paniquent, certains se précipitent vers la sortie. Moi, je ne bouge pas. Mauvaise décision. Un des hommes me repère.
Homme armé : « Hé, toi ! »
Trop tard. Il m’agrippe par le bras et me tire en avant. Je me débats, mais mon corps manque encore de réactivité après ma blessure.
Chef : « Un otage. Voilà qui devrait nous éviter plus de complications. »
Les battements de mon cœur s’accélère.L’homme en costume s’arrête, son regard se posant sur moi. Il m’observe comme s’il me jaugeait. Puis, il penche légèrement la tête.
??? : « Mauvais choix. »
Et soudain, tout explose.
—
L’action est brutale, rapide. Le coup que je reçois derrière la tête me fait perdre l’équilibre. Ma vision se brouille un instant. Je sens qu’on me traîne dehors.
La nuit est froide, l’air glacé contre ma peau brûlante d’adrénaline. Un moteur rugit. Une voiture noire.
“Merde.”
Les portières claquent. Je suis dedans. Je réalise trop tard que je viens d’être enlevée.L’homme en costume prend place à l’avant, impassible.
??? : « Conduis. »
Le véhicule démarre en trombe, m’arrachant définitivement à ma vie d’avant. Le moteur gronde. La voiture fend la nuit comme une ombre tranchante, avalant les rues désertes avec une fluidité maîtrisée.
Je suis plaquée contre le siège arrière, mon cœur battant à un rythme effréné. L’odeur du cuir neuf mêlée à un parfum boisé emplit l’habitacle. Luxe et danger. Deux choses qui ne vont jamais sans l’autre.
Chapitre 86 – Le Conseil InvisibleRafaelRome ne dort jamais. Même sous la pluie, même sous les menaces, elle respire. Une bête antique au cœur d’un monde moderne, où le pouvoir se cache dans les ruelles silencieuses et les regards qui glissent. Je la connais. Trop bien. Trop mal.C’est ici que j’ai appris à frapper sans laisser de trace. C’est ici que j’ai failli me perdre. Et ce soir, c’est ici que tout peut basculer.Gloria conduit. Ses mains sont stables sur le volant, mais ses yeux trahissent la tension. On ne va pas simplement espionner une réunion. On entre dans le cœur du monstre. Le comité restreint du Cercle. Cinq noms. Cinq ombres. Cinq assassins en costume qui ne tuent jamais eux-mêmes.Mais qui désignent.Et parmi eux, celui qui a signé mon arrêt de mort.—Le lieu : Via dei Coronari, 43. Une ancienne loge notariale restaurée en résidence privée. Façade anonyme. Fenêtres plombées. Aucun accès direc
Chapitre 85 – Retourner la LameGloriaIl a dit : Je veux le retourner.Et je n’ai rien répondu. Parce qu’au fond, je savais que ce jour viendrait. Le moment où on ne se contenterait plus d’entailler les veines du Cercle. Le moment où on viserait la tête.Mais ce que Rafael n’a pas dit, c’est ce que ça implique.Retourner un arbitre, ce n’est pas seulement percer la cuirasse d’un réseau tentaculaire. C’est injecter un venin dans son propre cœur. C’est jouer à un jeu où personne ne fait confiance, où même les loyautés sont des masques. Et lui, Rafael, il le sait mieux que quiconque.Car il en a été un, autrefois.Un outil du Jugement. Un exécuteur choisi, formé, façonné par ceux qu’il veut désormais abattre.Et maintenant, on s’apprête à faire tomber l’un des leurs. Pas pour le tuer.Pour le forcer à choisir.—Deux jours plus tard. Naples.La pluie rince les rues. Sale, collan
Chapitre 84 – Écorcher l’Hydre RafaelLe bruit des pas est feutré, régulier. Trois hommes. Deux armés, un en costard. On les observe depuis la lucarne arrière d’un immeuble abandonné, en face du bâtiment cible. J’ai des jumelles nocturnes, Gloria une tablette avec les flux de caméras piratées.— Horaire respecté, je murmure.— 21h47. Entrée Est. Ils changent toutes les 6 heures. Mais jamais le circuit. Trop sûrs d’eux.Trop arrogants, surtout.Je plisse les yeux. Le logo sur la porte en métal : Viridis Group S.R.L. Une société de transport maritime. Officiellement spécialisée dans les produits pharmaceutiques.Officieusement ? Un hub logistique du Cercle. Relais entre Trieste, Athènes, Casablanca. Un couloir discret pour blanchir des millions et échanger des informations trop sensibles pour passer par un réseau classique. Des disques durs, des microfilms, parfois même des documents manuscrits, comme au siècle dernier.
Chapitre 83 – Le Maillon FaibleRafaelRome.La ville est une façade. Belle, ancienne, indifférente. Mais sous le marbre et les ors, il y a les fondations. Le réseau. Les artères cachées. Et c’est là que je veux frapper.Il y a une règle que Marco m’a apprise, même s’il n’a jamais prononcé les mots : on ne gagne pas contre l’hydre en lui tranchant une tête. On gagne en lui faisant croire qu’elle s’est empoisonnée elle-même.Et ce poison commence avec Domenico Bellini.Bellini est discret. Trop. Vice-président d’une banque privée ayant des ramifications jusqu’à Varsovie. Propriétaire de deux galeries d’art. Parrain officieux de plusieurs campagnes politiques. Officiellement propre, officieusement inattaquable.Mais il a une faille.Il pense qu’on ne sait pas.—Gloria et moi logeons dans un petit appartement du Trastevere, à deux rues d’une église désaffectée. À l’intérieur, j’ai monté un mini-c
Chapitre 82 – Le Berceau des TraîtresRafaelJe descends les marches lentement, chaque pas résonnant contre les murs de béton. Derrière moi, Gloria garde la lampe braquée droit devant, le souffle court. L’odeur est celle de l’humidité, du métal, et du passé. Pas de poussière. Pas d’oubli. Ce lieu vit encore.Le couloir s’élargit. Un sas en acier nous fait face, gravé d’un code alphanumérique : 219-F.Je m’arrête. L’adresse du document retrouvé à Tornio.Je tape le code.Le verrou claque. La porte s’ouvre avec un grincement lent, sinistre.On entre.Le silence est absolu.Devant nous, une salle froide, souterraine, éclairée par des néons grésillants. Des dizaines de classeurs. Des casiers verrouillés. Des étagères pleines de vieux dossiers en cuir, numérotés. Pas d’électronique. Tout est papier. Tout est manuel.Gloria s’approche d’un tiroir. L’étiquette dit “Opérations silencieuses, 1970-1998”.
Chapitre 81 – Le Jardin des MortsGloriaLe soleil ne se lève pas. Pas vraiment. Il s'étire à peine à travers les nuages, comme s’il hésitait à venir éclairer ce jour-là. Et je le comprends. Il y a des vérités qui préfèrent l’ombre. Des vérités qui tuent.Rafael n’a presque pas dormi. Moi non plus. Nous sommes enfermés dans cette chambre d’hôtel miteuse depuis des heures, le carnet et les documents étalés sur le lit défait, comme les fragments d’un crime ancien. J’ai préparé du café. Fort. Inutile. Ce qu’on lit nous tient bien plus éveillés que la caféine.Sur le carnet, des dates, des lieux, des codes. Des noms. Certains barrés d’un trait rouge. D’autres cerclés d’encre noire. Et au centre, un mot répété plusieurs fois : Le Jardin.— Ce n’est pas un vrai jardin, je murmure. C’est un nom de code. Une métaphore, peut-être.Rafael tourne les pages avec des gestes lents, précis, comme s’il avait peur de briser quelque chose. Ou quel