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Chapitre 2 : La Cartographie des Silences 1

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-12-03 20:43:56

LÉA

Sa main autour de la mienne n’est pas une prise, c’est une fusion. Nos paumes se collent, nos doigts s’entrelacent avec une précision parfaite, comme si cette jointure avait été prévue, attendue. Il ne me tire pas, il m’entraîne, et je me laisse guider, mon autre main serrant le bord de mon manteau contre moi. Les rues défilent, sombres et anonymes, nos pas frappant le trottoir en un rythme syncopé, urgent. Nous ne parlons pas. Le baiser a scellé un pacte plus éloquent que tous les discours.

Il s’arrête devant un portail en fer forgé, défraîchi, donnant sur une petite cour pavée. Une bâtisse ancienne s’y dresse, silencieuse. Il sort une clé, la tourne dans la serrure avec un bruit de métal fatigué. Le portail grince.

— C’est ici ? je murmure, ma voix me semblant étrangère dans le silence de la cour.

—Pour le moment.

Sa réponse est courte, son regard déjà tourné vers la lourde porte en bois au fond. Nous montons deux marches, puis il ouvre. L’entrée est sombre, sent le vieux parquet ciré et les livres. Je perçois l’escalier de bois à ma droite, ses marches qui grincent sous nos poids. Nous montons. Chaque marche est un battement de cœur, chaque respiration que j’entends de lui dans l’obscurité est une promesse. Au deuxième étage, il ouvre une autre porte.

Son appartement n’est pas ce que j’imaginais. Pas un repaire d’homme minimaliste et froid. C’est vivant, et désordonné d’une manière qui semble organique. Des piles de livres sur une table basse, une guitare contre un fauteuil défoncé, des feuilles de musique éparses. Une grande fenêtre sans rideaux laisse entrer la lueur laiteuse de la ville, dessinant des rectangles pâles sur le sol. L’air est tiède, empreint d’une odeur de bois, de tabac froid et de lui. Une odeur que je reconnais déjà.

Il lâche ma main pour enlever son manteau qu’il jette sur le dossier d’une chaise. Le geste est simple, mais sous le pull moulant, la carrure de ses épaules, la ligne de ses bras, deviennent soudain le seul point de focus dans la pièce. Il se tourne vers moi, restant à distance, les mains dans les poches de son jean.

— Tu veux boire quelque chose ?

—Non.

La réponse est trop rapide, trop franche. Un sourire presque imperceptible effleure de nouveau ses lèvres. Il comprend. Il ne bouge toujours pas, son regard parcourant mon visage, descendant le long de mon cou, prenant la mesure de ma silhouette sous mon manteau. C’est un examen. Un inventaire. Sous ce regard, je me sens nue, et pourtant, je n’ai jamais été aussi excitée de ma vie.

Je dégrafe lentement mon manteau, le laissant glisser de mes épaules. Il tombe à mes pieds dans un froissement d’étoffe. Je reste là, en jean et simple pull noir, les bras le long du corps. L’air de la pièce caresse ma peau, mais c’est son regard qui m’échauffe.

— Tu es sûre ? demande-t-il, sa voix encore plus basse, plus rauque.

—Ethan. Arrête de parler.

C’est la première fois que je prononce son nom. Il résonne dans la pièce, chargé de tout ce qui n’a pas été dit. Il semble en être physiquement affecté. Ses yeux se ferment une seconde, comme s’il goûtait le mot. Quand il les rouvre, la retenue a cédé.

En deux enjambées, il est sur moi. Mais il ne m’embrasse pas tout de suite. Ses mains se posent sur mes hanches, lourdes, chaudes à travers le tissu de mon jean. Il penche la tête, son front contre ma tempe, son souffle brûlant la peau de mon cou.

— Je ne sais même pas qui tu es, murmure-t-il, les lèvres contre la coque de mon oreille. Et j’ai l’impression de mourir d’envie de toi depuis cent ans.

Un frisson violent me parcourt. Ses mots, le ton désemparé, la vérité crue qu’ils contiennent, font céder les derniers remparts. Je me tourle légèrement, cherche sa bouche. Cette fois, le baiser n’est plus une découverte, c’est une affirmation. Une faim mutuelle, avouée. Sa langue rencontre la mienne avec une impatience qui me fait chanceler. Mes mains remontent sous son pull, trouvent la peau chaude et ferme de son dos. Il a un gémissement étouffé, un son animal, et ses mains quittent mes hanches pour remonter, glissant sous mon pull à moi.

Le contact de ses doigts sur la peau nue de mon ventre est un électrochoc. Je m’arrache à son baiser pour reprendre mon souffle, la tête rejetée en arrière. Il en profite pour plaquer ses lèvres sur mon cou, une traînée de feu humide qui descend jusqu’à la clavicule. Ses doigts trouvent l’attache de mon soutien-gorge, la défont d’un geste expert. Le tissu se détend. Il écarte doucement mon pull, le fait glisser de mes épaules avec une lenteur exaspérante, jusqu’à ce qu’il tombe, lui aussi.

Je reste là, à demi-nue devant la fenêtre, la lumière de la ville dessinant des ombres sur ma peau. Son regard se pose sur moi, et l’intensité qu’il y lit m’arrête net. Ce n’est pas juste du désir. C’est de l’émerveillement. De la faim. De la peur, aussi.

— Tu es… incroyable, souffle-t-il, comme s’il

s’agissait d’une évidence douloureuse.

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