ÉLISEJe crois qu’il ne respire plus.Ou peut-être que c’est moi.Tout se brouille. Ma nuque sous sa main brûlante. Mes lèvres encore douloureuses de son baiser. Le martèlement furieux de mon cœur, si fort qu’il résonne jusque dans mes tempes.Marcus me regarde. Non… il me dévore.Ses yeux sont noirs, profonds, et quelque chose de sauvage s’y agite, prêt à tout dévorer. Sa mâchoire est tendue à s’en fendre. Sa respiration est plus rauque, plus rapide. Il ne dit rien, mais tout son corps crie la possession.Je devrais reculer. Reprendre le contrôle. Mais mes doigts tremblants s’agrippent à sa chemise, comme pour s’assurer qu’il ne s’éloigne pas. Je le tire à moi.— Marcus…Mon souffle tremble en prononçant son nom. Une prière ou un défi ? Je n’en sais rien. Mais c’est suffisant pour déclencher l’étincelle.Sa main glisse lentement de ma nuque à mon épaule, ses doigts caressent ma clavicule, redescendent jusqu’à la naissance de ma poitrine. Son autre main se pose sur ma hanche, ferme, p
ÉLISELe silence est une arme.Adrien attend ma réponse, son souffle chaud au creux de mon oreille, mais je ne l’entends plus. Toute mon attention est happée par l’ombre adossée à la balustrade.Marcus.Il ne bouge pas, et pourtant il emplit tout l’espace. Ses yeux m’écrasent, ses poings fermés racontent la rage qu’il tente encore de retenir. C’est une bombe, prête à éclater.Je le voulais jaloux. Je l’ai.Mais soudain, je comprends que je viens peut-être de jouer avec une force qui me dépasse.Adrien rit doucement, sûr de lui, ignorant le danger.— Alors ? Dois-je m’inquiéter ?Ses doigts effleurent ma taille, descendent un peu plus bas. Trop bas. Un geste trop audacieux. Un geste de trop.Et tout bascule.Marcus n’attend plus. En deux pas, il est sur nous. Sa main s’abat sur le poignet d’Adrien avec une brutalité qui me fait sursauter. Le rire s’étrangle dans la gorge du brun, remplacé par un grognement de douleur.— Enlève tes mains d’elle.Sa voix est basse, glaciale, mais chaque
ÉLISEJe suffoque.Chaque rire de cette femme blonde est un coup de dague. Chaque sourire de Marcus, un poison.Alors quand un homme s’approche de moi, je ne recule pas.Il est grand, brun, les épaules larges, le costume sombre parfaitement taillé. Ses yeux gris se posent sur moi avec une intensité qui ne cherche pas à se cacher. Son sourire est sûr de lui, presque insolent.— Vous semblez vous ennuyer, murmure-t-il, la voix basse, grave.— Et vous semblez persuadé de pouvoir y remédier, je réplique, glaciale.Il rit doucement, pas déstabilisé le moins du monde. Ses doigts frôlent mon coude pour m’attirer légèrement à l’écart, vers un coin plus tranquille de la salle.Je devrais refuser. Mais je le laisse faire. Parce que je sens déjà le regard de Marcus sur moi. Et cette fois, c’est moi qui veux le voir craquer.L’homme se présente Adrien, héritier d’un empire pharmaceutique. Le genre de parti que beaucoup de familles rêveraient de mettre dans leur poche. Il parle bien, trop bien. Se
ÉLISEJe croyais pouvoir respirer à nouveau. Qu’il s’était éloigné pour me laisser le répit dont j’avais besoin. Mais non.À peine ai-je repris mes esprits que je le vois, là-bas, près du grand escalier. Marcus. Et elle.Une femme blonde, robe rouge sang, silhouette élancée, lèvres peintes avec la même précision que les traits d’une arme. Tout en elle semble avoir été calculé pour séduire. Le genre de femme qui ne doute jamais de son pouvoir.Elle rit à ce qu’il lui murmure. Un rire cristallin, trop parfait, trop facile. Ses doigts effleurent son bras, comme si ce geste lui était naturel, comme si ce territoire lui appartenait déjà.Mon ventre se contracte. Une morsure acide.Je me déteste de sentir ça. Cette brûlure ridicule. Ce venin qui rampe dans ma poitrine et menace d’éclater en plein milieu de cette salle trop brillante.Autour de moi, les conversations continuent, tissées de phrases polies et de rires calculés. Les lustres projettent leurs éclats cruels, les miroirs reflètent
ÉLISELa chaleur d’août s’est transformée en moiteur du soir. À peine rentrée, je me suis glissée sous une douche brûlante, frottant ma peau comme pour effacer la poussière du chantier, effacer aussi… lui. J’ai enfilé une robe noire sobre, coupée droit, sans fioritures. Une armure discrète. Et me voilà.La réception se déroule dans l’hôtel particulier des Delaunay, une bâtisse dont les dorures étincellent même de nuit. Les grilles en fer forgé, les parterres taillés au millimètre, les vitres hautes comme des promesses tout transpire la puissance tranquille de ceux qui n’ont jamais eu à la mendier.À l’intérieur, les lustres de cristal diffusent une lumière presque cruelle. Trop parfaite, trop brillante. Le parquet craque à peine sous les pas élégants des invités, tous vêtus de noir, de rouge sombre, de bleu nuit. Le parfum entêtant des femmes se mélange aux cigares discrets des hommes. Chaque rire semble répété, poli, maîtrisé.Je prends une coupe, j’ajuste ma robe, et j’endosse mon s
ÉLISELe gravier crisse sous mes talons alors que je traverse le chantier. Le soleil tape déjà fort pour un matin d’août. L’air sent le béton chaud, la poussière et la sueur ce mélange qui m’est devenu presque familier.Je garde la tête haute, les pas sûrs, même si tout, à l’intérieur, tangue.Il est là.Je l’ai vu dès que j’ai passé le portail. Il était penché sur un plan, debout à côté d’un camion de livraison, le t-shirt noir tendu sur ses épaules larges, taché de peinture, de ciment et de quelque chose de plus brut encore. Sa nuque luisait de sueur. Il a levé les yeux une demi-seconde.Et m’a ignorée.Volontairement.Mon cœur cogne trop fort. Une alarme sourde dans ma poitrine. Une douleur familière.Je l’ai mérité, sûrement. Mais ça n’aide en rien.Je serre la mâchoire, ajuste mon casque, et me force à marcher droit. Professionnelle. Intouchable. Je me fonds dans les ordres, les instructions, les relevés, les bruits métalliques du chantier. Tout pour éviter de croiser ses yeux.M