AlmaLe silence retombe comme une chape après la tempête. Autour de nous, la maison grince, se fissure, comme si elle avait retenu son souffle pendant ce combat. Chaque craquement du bois résonne dans mes oreilles, amplifié par l’angoisse qui serre ma poitrine. Le poids des heures passées à fuir, à lutter, à survivre, pèse lourdement sur nous.Mon cœur bat encore la chamade, mes mains tremblent, mais je serre toujours celle d’Élias. Il est là, à mes côtés, vivant, mais quelque chose a changé. Dans ses yeux, une fatigue profonde, presque désespérée, mêlée à une lueur nouvelle — une détermination plus forte. Cette étincelle farouche, cette rage contenue, me redonne un souffle d’espoir. Je devrais être épuisée, prête à m’effondrer, pourtant, je sens une énergie froide monter en moi, comme si cette nuit nous forgeait dans le feu de l’adversité.Je regarde les traces de lutte sur ses bras, les cernes sous ses yeux, et je comprends que cette nuit ne sera pas notre dernière bataille. Pas enc
ÉliasLa voiture glisse dans la nuit, ses phares perçant à peine l’obscurité épaisse qui recouvre la ville. Alma est à mes côtés, silencieuse, la mâchoire serrée. Nos mains ne se lâchent pas, comme pour se rappeler qu’on est encore là, ensemble, malgré tout ce qui menace de nous déchirer.Je sens son regard sur moi, chargé d’une confiance que je n’ai plus l’habitude de recevoir. Elle ne sait pas tout. Elle ne connaît pas la totalité des horreurs qu’on va retrouver là-bas. Mais elle n’a pas reculé.Nous approchons de cette vieille maison, un vestige fatigué au bout d’une ruelle, presque caché derrière les ombres. Ses murs suintent la décrépitude, des fenêtres à moitié cassées comme des yeux aveugles dans une face rongée par le temps. C’est là que Tomasz nous attend. Là qu’il a planté ses racines dans mon passé, dans ma vie. Là où il a essayé de m’effacer.Je descends du véhicule, l’arme à la main, le cœur battant à tout rompre, chaque battement résonnant comme un coup de marteau dans m
AlmaLa nuit est tombée trop vite, sans prévenir. Le jour s’est évaporé comme un souffle, laissant place à un ciel noir, écrasant, où chaque étoile semble à la fois lointaine et impuissante.Je n’ai pas allumé les lumières. Pas besoin d’éclairer ce qui, dans cette pièce, est déjà assez sombre. Je reste là, immobile, près de lui, à la limite du contact. Nos épaules se frôlent à peine, mais chaque minuscule frôlement est un signal d’alarme dans ma poitrine. Mes doigts cherchent les siens, se replient, hésitent.Élias est figé, mais je sais que dans sa tête, c’est une tempête. Il réfléchit, ou plutôt, il revit. Ces souvenirs qu’il essaie de fuir, qui remontent avec la violence d’un raz-de-marée. Ses démons sont là, tapis dans l’ombre, ils marchent à ses côtés, toujours présents, implacables. Je sens leur poids sur ses épaules. Ils ne disparaîtront jamais vraiment.Je veux lui dire que je ne le crains plus, que ce qu’il a été ne me fait plus peur.Mais ce qui m’effraie, c’est ce qu’il est
ÉliasLe soleil est haut quand on sort enfin. Elle porte ma chemise comme une promesse, les jambes nues et l’allure insolente. Elle rit pour un rien, pour tout. Et moi, je me surprends à me dire que peut-être, on a une chance. Une vraie.Mais dans le creux de mon ventre, il y a cette tension sourde. Un pressentiment. Comme un nuage noir à l’horizon d’un ciel trop bleu.On marche sans but, main dans la main. On parle de tout, sauf de nous. Comme si en nommant ce qu’on est en train de devenir, on risquait de l’effrayer. Alors on reste dans les marges. On se frôle. On s’effleure. Et c’est assez.Jusqu’à ce qu’un détail vienne fendre la surface.Un regard.Un homme, immobile au coin d’une ruelle. Grand. Silencieux. Un visage qui me dit quelque chose. Trop longtemps fixé sur elle. Pas sur nous. Sur elle.Alma— Tu le connais ?Élias serre ma main un peu plus fort. Trop fort.Il ne répond pas.Il ne regarde plus que lui. Cet homme. Ce silence. Cette tension soudaine dans tout son corps. Ses
ÉliasIl y a ce moment précis, suspendu, où tout paraît simple.Ses cheveux encore humides de la douche tombent en cascade sur mes draps, ses doigts s’attardent sur ma clavicule comme s’ils traçaient une prière muette. Alma ne parle pas, mais je sens que ça tourne dans sa tête. Elle pense trop. Comme moi.Je veux lui dire de rester là. De ne pas replonger dans les abîmes. Mais je sais que les ombres ne nous quittent jamais vraiment. Elles attendent, juste derrière la lumière.AlmaIl y a cette alerte sur son téléphone. Un son bref, mécanique. Un rappel que dehors, le monde existe encore.Il hésite, tend la main. Ses traits se figent à la lecture du message. Et dans ce silence tendu, je comprends : la paix est déjà menacée.— Quelque chose ne va pas ?— Élias ? Dis-moi.ÉliasJe fixe l’écran. Et je sens le sol s’ouvrir sous mes pieds. Un prénom. Un seul. Suffisant pour tout faire vaciller.Soren.Il m’a envoyé un message. Trois mots, sans ponctuation : On doit parler.Pas de menace. Pa
AlmaQuand j’ouvre les yeux, la lumière est douce. Un rideau danse lentement dans le souffle d’un vent léger. Les draps froissés gardent la chaleur de la nuit, et je sens sa main sur ma hanche. Ses doigts endormis, chauds, ancrés. Présents.Je ne bouge pas. Pas tout de suite. J’écoute son souffle contre ma nuque, régulier, paisible. Comme si le monde avait cessé de tourner pendant la nuit. Comme si cette chambre, ce lit, ses bras, étaient devenus mon centre de gravité.Je pourrais rester là. Des heures. Des jours. Une vie.Mais l’écho du monde s’infiltre déjà par les interstices des murs. Les souvenirs d’hier. La peur de demain. Et malgré tout, je veux que ce moment dure. Encore un peu.ÉliasJe la sens avant de vraiment émerger. Sa chaleur. Sa peau nue contre la mienne. Sa respiration lente, presque timide, comme si elle hésitait à déranger la paix fragile de l’instant.Je garde les yeux fermés. Parce que j’ai peur que ce ne soit qu’un rêve. Mais je sens son dos se soulever à chaque