Chapitre 6 Rivalité d’enfance (2)

« C'est drôle d'entendre ça de toi. Tu adorais ça avant, non ? Tu en profitais tellement, et maintenant tu te plains que les femmes sont comme des sangsues. Ces sangsues ne sont-elles pas celles qui te rendaient heureux tous les jours ? »

Christian a secoué la tête face à son frère cadet. Il comprenait très bien les relations joueuses et sans engagement entre les beaux papillons sociaux et son frère.

« Je l'admets… mais après un long moment, ça devient ennuyeux, tu sais, Christian. Je comprends comment tu te sentais quand Rubis te suivait toujours comme une ombre. »

Théo n'a pas pu s'empêcher de mentionner la fille de la maison voisine. Son frère aîné a marqué une légère pause en entendant le nom de Rubis.

« Pourquoi tu sembles si intéressé par Rubis, toi ? »

« Je ne suis pas intéressé, ne dis pas de bêtises. » Même maintenant, l'expression de Théo paraissait amusée d'une façon qui a fait hausser un sourcil à son frère aîné de surprise.

« Où étais-tu à l'instant ? Je t'ai vu entrer par la porte d'entrée. »

Christian a changé de sujet.

« Je suis allé voir Rubis. »

Christian a aussitôt tourné le regard vers lui.

« Et tu dis que tu n'es pas intéressé… »

« Je voulais juste voir cette gamine. On ne s'est pas vus depuis longtemps. Elle devrait avoir autour de… » Théo a compté sur ses doigts en parlant.

« Vingt ans ? »

« Vingt-cinq. » a corrigé Christian. Théo a marqué une pause un moment, surpris que la personne qui se souvenait le plus précisément de l'âge de Rubis soit son propre frère.

« Ah oui… vingt-cinq. Tu t'en souviens vraiment bien… » a-t-il murmuré en s'enfonçant dans le canapé, les yeux fixés au plafond.

« … Et tu l'as vue ? » Il a fallu un bon moment à Christian pour demander, puisqu'il avait attendu, et son frère cadet n'avait toujours pas parlé.

« J'ai seulement vu Amber. Rubis dormait - soi-disant épuisée par le ménage hier. Tu imagines ? Rubis faisant le ménage ? À mon avis, Amber a tout fait toute seule. »

« Non. Rubis a vraiment tout nettoyé hier, elle-même. » a confirmé Christian.

« Oh, tu étais à la maison aussi. Alors, elle est comment ? Est-elle la même qu'avant ? Toujours collée à toi ? »

Théo semblait particulièrement intéressé par sa jeune rivale. Il y avait une pointe de ressentiment dans ses yeux.

Souvenir :

‘Pourquoi attendre pour aller nager avec Christian ? Tu peux y aller avec moi. Christian n'est pas libre, et moi je suis libre aujourd'hui.'

‘Je ne veux pas y aller avec toi. Je veux seulement y aller avec Christian.'

Combien de fois Théo avait-il été embarrassé par Rubis ?

Combien de fois Rubis l'avait-elle ignoré ?

Combien de fois l'avait-elle fait passer pour un idiot ?

Combien de fois ses bonnes intentions s'étaient-elles transformées en source d'amusement pour elle ?

Combien de fois cela l'avait-il agacé… simplement parce qu'il voulait capter son attention ?

Aujourd'hui encore, cette vieille rivalité l'a effleuré - assez pour réveiller la même envie qu'autrefois : la conquérir.

Elle avait marqué son adolescence.

…

« Je ne l'ai vue que quelques minutes. Je ne peux pas vraiment dire comment elle est… j'ai besoin de temps. »

« Je pense que Rubis montrera bientôt sa vraie nature. Pour l'instant, elle fait peut-être encore semblant. Les gens ne changent jamais vraiment. Christian, ne sois pas trop doux. Je ne veux pas que ma future belle-sœur soit ce diable. »

« Ça n'arrivera jamais, Théo. »

Christian était assez confiant là-dessus - et cette certitude a parfaitement comblé les attentes de son frère.

« Parfait, très bien. »

Théo a fait un clin d'œil à son frère aîné avant de siffler et de monter les escaliers d'humeur joyeuse.

…

De l'autre côté, Rubis, qui s'était réveillée tard, s'est étirée sur son lit pour chasser la raideur de son corps. Quand elle a baissé les yeux sur elle-même, elle a légèrement sursauté, car son T-shirt avait glissé assez bas pour révéler complètement sa poitrine. Elle se souvenait qu'elle était tombée de sommeil la veille. Elle ne portait jamais de soutien-gorge pour dormir - trop inconfortable. Elle l'enlevait toujours avant de se coucher.

Mais son T-shirt préféré, un peu usé et large, s'était encore élargi à l'encolure. Il dévoilait beaucoup trop facilement ce qu'il devrait cacher. Malgré cela, c'était son vêtement de nuit favori : il était ample et, dans ce vieux tissu doux, elle dormait toujours bien mieux que dans ses jolis pyjamas neufs.

Elle s'est levée et a ouvert la fenêtre en grand. Elle aimait regarder la pelouse de la maison voisine, où tous les arbres, grands et petits, étaient touffus luxuriants et verts.

Elle a accidentellement levé les yeux vers le deuxième étage de la maison et savait que la chambre aux fenêtres hermétiquement fermées et aux rideaux jamais tirés était la sienne. Celle de Christian.

Si jamais Christian ouvrait sa fenêtre à cet instant et se penchait… leurs regards se croiseraient sûrement.

[Quelle idée idiote, Rubis. Christian n'a plus le temps de jouer à se fixer comme quand on était gamins.]

À l'époque, leurs chambres étaient situées exactement à la même hauteur, pas décalées comme ça. Souvent, quand Christian ouvrait sa fenêtre, il tombait sur une grimace espiègle qui l'attendait juste là, dans l'encadrement opposé.

En repensant à cela, elle a passé une main dans ses longues mèches ondulées. Et avant que la gouvernante de Paula ne revienne, il fallait encore que sa mère et elle nettoient deux fois cette maison.

Elle a filé sous la douche, puis s'est habillée rapidement avant de descendre rejoindre Amber.

« Tu es déjà là ? Viens manger, j'ai préparé quelques desserts avant le repas. » a annoncé Amber en dressant la table du petit-déjeuner.

« Je pensais t'aider un peu, maman, mais je me suis réveillée tard. »

« Ce n'est rien, Rubis. Je m'y suis habituée. Et aujourd'hui, il n'y avait pas beaucoup de commandes de desserts alors j'ai fini en un rien de temps. Viens, mangeons. »

« D'accord, maman. Je vais te prendre des œufs. »

Elle s'est dépêchée pour mettre l'œuf sur l'assiette de sa mère tout en lorgnant le flan à la noix de coco.

« Maman, tu as fait du flan à la noix de coco deux jours d'affilée ? »

« Oui, il n'y avait que des commandes pour du flan à la noix de coco, alors je n'ai préparé que ça. Mais j'ai changé la garniture. »

« Voilà ton œuf, maman. »

Rubis a posé l'assiette devant sa mère. Elle a contemplé la cuisine de sa mère avec fascination avant de fermer les yeux et d'inspirer profondément l'arôme.

« On dirait que tu n'as jamais mangé ma cuisine. Pourquoi tu fais cette tête-là ? »

Les mots d'Amber ont fait naître une petite pointe de culpabilité chez sa fille.

« Ça fait tellement longtemps que je ne suis pas venue te voir, maman. Tu m'en veux ? »

« Mais bien sûr que non. On se voit presque tous les jours de toute façon, non ? »

Amber et sa fille restaient en contact régulièrement par appels vidéo. Et Amber allait parfois la retrouver, mais elle ne restait jamais chez son ex-mari - préférait l'hôtel, pour éviter tout malaise avec la nouvelle famille.

« Ah, Théo est venu te chercher tout à l'heure. »

« Théo ? Ce Théo ? »

Rubis a plissé les yeux avec méfiance. Normalement, elle et lui ne s'entendaient pas très bien, alors pourquoi voudrait-il la voir aujourd'hui ?

« Oui. Il a dit vouloir te voir. Je lui ai répondu que tu dormais encore, alors il est reparti. »

« Il est sûrement venu pour se disputer avec moi. » a marmonné la jeune femme.

« Vous ne vous êtes pas vus depuis sept ans, et tu penses encore à une dispute ? Rubis, je ne crois pas que ce soit ça. »

« Tu ne sais pas, maman. Théo me déteste presque. S'il est venu ici, ça veut définitivement dire qu'il voulait causer des problèmes. »

Rubis était assez confiante dans ses pensées négatives.

« Non, ne dis pas ça. Théo voulait sûrement juste te rendre visite. Je l'ai même invité à prendre un dessert, mais il a dit qu'il avait des choses à faire. »

« Tant mieux alors. Je n'avais pas vraiment envie de le voir de toute façon. »

« D'accord. Si tu ne veux pas le voir, alors tu n'as pas à le faire. Continuons juste à manger. »

« Oui, maman. »

Ce petit-déjeuner était rempli de la chaleur entre mère et fille. Combien de temps cela faisait-il que Rubis n'avait pas souri du fond du cœur comme aujourd'hui ? Elle avait déjà décidé qu'à partir de maintenant, elle ferait tout pour prendre soin de sa mère… et préserver ce bonheur le plus longtemps possible.