Chapitre 5 Rivalité d’enfance (1)

Paula est rentrée le soir, apportant le dîner pour ses deux fils. Elle venait d'apprendre que Christian avait pris sa journée. Quant à Théo, le benjamin, il n'était revenu que dans la journée, après avoir disparu pendant plusieurs jours avec une fille, d'une beauté inconnue.

« Christian, tu étais là ce matin. Tu l'as vue ? » a-t-elle demandé avec un air ravi.

« Qui ? On a un invité ? » a demandé Théo, en mâchant son steak.

« C'est Rubis. Tu te souviens d'elle ? La fille d'Amber, notre voisine. Elle est revenue vivre ici, avec sa mère. J'ai aussi appris qu'elle avait perdu son père… Elle a laissé la maison et les terres à la nouvelle épouse de celui-ci et elle a choisi de revenir auprès d'Amber. »

À la mention du nom de Rubis, un sourire amusé s'est étiré aussitôt sur le visage du séduisant Théo. Il a tourné la tête vers son frère aîné, les yeux pétillant de malice.

« Là, Christian est sûrement dans le pétrin. Le démon est de retour : notre tranquillité est officiellement morte. »

« Théo ! Comment peux-tu parler de Rubis comme ça ? Elle a grandi, elle n'est plus cette petite qui courait partout derrière ton frère. »

« Maman, ce petit démon, je le connais par cœur. Devant toi, elle est polie, mignonne, adorable… mais si tu voyais sa vraie nature, tu prendrais tes jambes à ton cou. Je l'ai vue des dizaines de fois à l'œuvre. Pas vrai, Christian ? » Théo s'est tourné et a fait un clin d'œil à son frère aîné.

« Je ne sais pas. On verra bien. » a simplement répondu Christian. Après sept ans, il n'arrive plus à la cerner. Sept ans de séparation, tout avait changé.

« Arrête, Christian, tu la connais sûrement mieux que n'importe qui. Fais attention : surtout, ne la laisse pas entrer dans ta chambre. Sinon, tu peux dire adieu à tes nuits tranquilles. »

« Théo, assez, pourquoi parles-tu de Rubis comme ça ? Laisse tomber, mangez juste votre repas. » Paula n'a pas pu réprimander assez son fils. Elle l'a vite interrompu, s'assurant qu'ils se concentrent sur leur nourriture au lieu de cancaner sur la fille des voisins.

« Maman, je te jure… Tu ne comprends jamais ses manigances. » a marmonné Théo doucement à son frère aîné, tandis que leur mère continuait à les regarder sans pause.

« Je les comprends très bien, Théo. Et Rubis, au fond, est adorable. Pas aussi infernale que tu le crois. »

« Ouais, bah… tu continues de tomber dans ses pièges, c'est tout. »

« Ça suffit, Théo. Arrête de parler des autres et mange juste ton repas. » a tranché Christian en soutenant sa mère. Il comprenait les sentiments de son frère, mais il compatissait aussi avec leur mère, qui avait été trompée par les tours de Rubis.

Une fois le dîner terminé, les deux frères ont fait un pierre-papier-ciseaux… et Théo a perdu. À lui la vaisselle. Christian refusait que leur mère les serve encore, surtout pour un détail pareil. Pendant que Théo soupirait dans la cuisine, il a profité d'un moment avec Paula.

« Christian, je peux te demander quelque chose ? »

« Quoi donc, maman ? Pourquoi cet air-là ? » Il a froncé les sourcils.

« C'est au sujet de Rubis. »

« Pourquoi… encore Rubis ? » Christian s'est demandé quand Rubis avait recommencé à tracasser sa mère.

« Cela fait des années, mon chéri. Quoi qu'elle ait pu faire… essaie d'oublier. Je pense qu'elle est assez grande aujourd'hui pour distinguer le bien du mal. »

« Qu'est-ce que tu veux dire, maman ? »

« Pourrais-tu ne pas lui en vouloir pour le passé, mon chéri ? Sois gentil avec elle. Ne la déteste plus. Elle vient de perdre son père… Essaie d'avoir un peu de compassion, Christian. »

Il reste silencieux un instant, tiraillé.

« Je ne sais pas, maman… Si Rubis est toujours la même qu'avant, je ne sais pas si je pourrai être gentil avec elle. »

« Ouvre les yeux… et ton cœur. Regarde la nouvelle Rubis. »

« Je vais essayer, maman. »

Il lui a adressé un sourire - mais il n'a pas promis qu'il pourrait être affectueux envers Rubis tout de suite. Sa colère et sa rancune persistantes couraient encore profond. Elle l'avait tellement épuisé, autrefois…

Théo, âgé de vingt-huit ans, après avoir obtenu son diplôme, a rejoint son frère aîné dans l'entreprise, qui traitait de produits liés au fitness. Grâce à son physique avantageux, Théo est devenu le mannequin de la marque, presque plus connu que Christian qui gère plutôt les affaires dans l'ombre.

Autrefois, Théo jalousait souvent son frère… à cause de Rubis. Il adorait sa petite bouille, mais elle, elle n'avait d'yeux que pour Christian. Cette affection ignorée avait fini par se tordre en aversion. Il s'était mis à traquer tout ce qui pouvait la contrarier, la faire râler, juste pour se marrer en la voyant s'énerver.

Sept longues années sans elle. Et voilà qu'elle revenait.

Théo en ressentait une excitation mauvaise : il brûlait d'envie de tester cette Rubis « adulte », de la provoquer, la troubler… la faire tourner en bourrique. Après tout, il était assez attractif pour les femmes lui-même. Flirter et puis les jeter négligemment sans s'en soucier serait probablement assez divertissant.

Il se disait, sûr de lui :

« Tu me regardais de haut ? Voyons à quel point tu es fière maintenant. »

L'homme, confiant en son apparence, pensait avec arrogance. Il a commencé à comploter « un coup » en allant sonner à la porte de la maison d'Amber le lendemain.

…

« Bonjour, Amber. »

« Théo ? Tu es là si tôt. Tu veux me parler de quelque chose ? » Amber a été assez surprise : depuis que sa jolie fille avait emménagé chez son père, Théo n'avait presque jamais sonné à sa porte.

« J'ai entendu dire que Rubis est revenue ici, alors je suis venu lui rendre visite. Et puis, ma mère m'a demandé d'apporter le paiement pour le ménage. »

En réalité, Paula n'avait rien demandé du tout : c'était Théo qui avait proposé l'argent de sa mère à Amber lui-même.

« Merci. Entre donc. Rubis ne s'est pas encore réveillée. Elle a dû être très fatiguée après avoir nettoyé toute seule hier. Je pensais lui donner une partie du paiement aussi. »

« D'accord. »

Théo a paru légèrement déçu de ne pas voir le visage de Rubis. Pourtant, il n'a pas pu s'empêcher d'être étonné qu'elle sache faire le ménage. Dans ses souvenirs, Rubis était une fille capricieuse et irresponsable, qui n'aidait jamais aux affaires de ménage ni ne montrait de convenance. Maintenant, il commençait à vouloir la voir manier un balai et nettoyer la maison.

« Tu veux entrer, Théo ? Je prépare des desserts pour les clients. Tu veux goûter ? »

« Euh, non, merci Amber. J'ai des choses à faire. Je reviendrai un autre jour pour goûter tes desserts, d'accord ? »

« Bien sûr. Tu peux venir quand tu veux, comme quand tu étais petit. Je serai toujours heureuse de t'accueillir. »

« Merci. J'y vais alors. »

Théo l'a saluée de la main et est parti.

Amber a esquissé un léger sourire. Cela faisait longtemps que les deux familles ne s'étaient plus rendues visite comme autrefois. Peut-être à cause de la disparité croissante de statut social, ou peut-être parce que les relations entre leurs enfants avaient changé - tout le monde avait grandi, prenant chacun une direction différente. Pourtant, aujourd'hui, elle a senti que les liens commençaient doucement à se renouer, grâce au retour de sa fille.

Théo est rentré chez lui, un peu déçu de ne pas avoir vu Rubis comme il l'espérait. Il a vu son frère aîné assis en train de regarder la télévision dans le salon, alors il s'est approché pour entamer une conversation.

« Christian, où est maman ? Je n'ai pas vu sa voiture ce matin. »

« C'est son jour de congé. Elle est partie à son club, avec ses amies. Il y a une activité caritative avec des enfants défavorisés, je crois. » a répondu Christian sans détourner les yeux du documentaire qu'il regardait.

« Rien à faire les jours de congé… Quelle vie ennuyeuse. »

« Tu agis bizarrement aujourd'hui. Tu restes à la maison ? D'habitude, tu as des sorties avec des filles, tous les jours. »

« Les filles dernièrement… aucune n'est intéressante. »

« Déjà ennuyé ? »

« Peut-être. Je ne rencontre que des filles qui se collent à moi comme des sangsues. Si ennuyeux. »