Chapitre 10

« Attends-moi ici, je reviens vite », a murmuré Silvain à Lucrèce avant d'entraîner Mélissa hors de la salle.

Elle n'a opposé aucune résistance et s'est laissée guider jusqu'à un bureau.

Seuls, face à face, le silence s'est installé de nouveau entre eux.

Silvain observait longuement la femme qui lui était à la fois si familière et si lointaine. D'une voix rauque, il a fini par rompre le silence : « Et si nous ne divorcions pas ? Je peux rompre avec Lucrèce. »

Mélissa lui a souri amèrement en secouant la tête : « Si tu en étais vraiment capable, tu ne m'aurais pas parlé ici, à l'écart. Tu ne le vois peut-être pas encore… mais moi, si. Tu as déjà des sentiments pour elle. »

Lucrèce n'était qu'un commencement. Même sans elle, il y aurait un jour Lucie, Lucienne, ou quelque autre…

Les jointures de Silvain ont blanchi. Il a insisté, malgré tout : « Je peux l'envoyer vivre à l'étranger. Vous ne vous verriez plus, jamais. D'accord ? »

Le cœur trop lourd pour supporter davantage, Mélissa a répondu simplement : « Non. »

Les yeux de Silvain se sont empourprés, son regard est devenu presque meurtrier : « Pourquoi refuses-tu tout compromis ? Pourquoi veux-tu absolument me quitter ? »

N'y tenant plus, Mélissa l'a giflé.

« Silvain, JE NE T'AIME PLUS. Comprends-tu ? » a-t-elle articulé distinctement, « À partir du moment où tu m'as trahie, il n'y avait plus de retour en arrière possible. »

Un silence mortel s'est abattu soudain dans la pièce.

Silvain, la tête tournée de côté, fixait le sol avec une incrédulité furieuse. Quand il a relevé finalement les yeux, son regard était rougeoyant, presque effrayant.

Il a levé la main presque instinctivement, mais la gifle n'est venue jamais. Sa main a tremblé, s'est refermée en un poing blanc et dur, puis est retombée.

« Bien ! Tu veux divorcer ? Alors divorçons ! » a-t-il rugi.

Il a arraché le contrat des mains de Mélissa, a signé sans même le lire, puis le lui a jeté violemment au visage : « Satisfaite maintenant ?!! »

La joue de Mélissa, frappée par les documents, a rougi instantanément.

Reculant d'un pas, elle a mis un moment à se ressaisir avant de ramasser le contrat qu'elle a serré contre sa poitrine avec une douceur presque sacrée.

« Enfin libre… » a-t-elle murmuré dans un souffle.

Silvain, exaspéré par son attitude, a senti sa rage monter d'un cran.

« Tu le regretteras ! » a-t-il grondé entre ses dents avant de se retourner pour partir.

« Silvain ! » Mélissa l'a retenu par le bras. Ses yeux, encore humides, avaient perdu toute colère et n'exprimaient plus qu'une tristesse résignée, « Veux-tu m'accompagner une dernière fois dans la forêt d'érables, là-bas sur la colline ? Pour nous dire adieu. »

L'homme a hésité une fraction de seconde, puis a libéré sa main avec brusquerie : « Non. Désormais, ta vie ne me regarde plus. »

Sur ces mots, il est parti sans un regard en arrière.

Le cœur engourdi par la douleur, Mélissa a regardé s'éloigner sa silhouette et a murmuré pour elle-même : « Ainsi, plus rien de moi ne le touchera ? »

Peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être que lorsqu'il apprendrait sa mort, il ne souffrirait pas.

La nuit était déjà tombée.

Sous la lueur pâle de la lune, elle a serré le contrat contre elle et s'est dirigée seule vers le bois d'érables. Les feuilles rouges semblaient scintiller dans l'obscurité, d'une beauté à couper le souffle.

Elle a erré longuement parmi les arbres.

À 23h58, elle a sorti son téléphone et a rédigé un message à Silvain : « Je ne regrette pas de t'avoir aimé. Ce que nous avons vécu était vrai, et ces bonheurs aussi. Mais si je pouvais tout recommencer, je choisirais de ne jamais te rencontrer, car je ne supporterai jamais cette fin. »

Au moment où elle a appuyé sur « envoyer », minuit a sonné au clocher du château. Les notes graves ont résonné dans la nuit silencieuse.

Mais son écran affichait déjà un symbole froid et implacable :

« Message non délivré. »

Il l'avait bloquée.

Sous la clarté lunaire, elle a fermé les yeux, a poussé un ultime soupir… puis a disparu sans laisser de trace.

Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, près d'un égout nauséabond, on signalait à la police la découverte du corps méconnaissable d'une jeune femme...