Chapitre 4

Je suis allée prendre congé de Berthee, mais elle a insisté pour que je reste, affirmant avoir à me parler après la fête.

Ne pouvant lui refuser cette requête, je me suis retirée dans un coin tranquille pour attendre.

À voir la façon dont Berthe s'efforçait de séparer Justin et Marissa, elle devait craindre que nos relations déjà tendues ne deviennent irrémédiables.

Elle surveillait son fils tout en le présentant aux invités, multipliant les conversations pour l'empêcher de s'éclipser.

Le résultat : Marissa s'est retrouvée seule.

Un Delta ivre d'une meute voisine, Silas Waltz, s'est mis à la harceler, insistante pour « faire connaissance ».

« Détends-toi. Tu es une Oméga, c'est un honneur que je te remarque », a-t-il articulé pesamment.

Marissa a commencé à pleurer.

Soudain, Justin s'est frayé un chemin à travers la foule. D'un coup de poing, il a envoyé Silas à terre.

Ce dernier, humilié, a rugi : « Justin ! Tu as perdu la raison ? Flora est ta compagne destinée, je sais qu'elle est intouchable, mais cette louve, qui est-elle pour toi ? »

Justin a hésité, son regard cherchant le mien par réflexe.

Puis il a déclaré : « Marissa est celle que je marquerai. »

Mon expression est restée de marbre, imperturbable.

Mon absence de réaction a semblé l'exaspérer. Il a attiré Marissa contre lui et l'a embrassée avec une intensité théâtrale.

À la fin du baiser, Marissa s'est affaissée contre lui, les joues empourprées.

Dans le silence stupéfait, Justin a levé la tête : « Désormais, quiconque ose toucher à un seul de ses cheveux, je le prends comme une déclaration de guerre. »

Le vent a tourné. Ceux qui, moments plus tôt, me soutenaient et s'indignaient pour moi, se sont précipités pour flatter Marissa.

N'y tenant plus, je me suis enfuie aux toilettes. Les doigts plaqués sur mes lèvres pour étouffer mes sanglots, j'ai laissé mes larmes crever sur le marbre glacé.

Une fois ma respiration apaisée, j'ai envoyé un message à Berthe : « Malaise soudain. Je dois partir. »

J'ai refait mon maquillage, ai lissé les plis de ma robe et ai arboré une sérénité factice. Mais à peine avais-je fait quelques pas qu'une poigne vigoureuse a agrippé mon poignet.

C'était Silas, le Delta que Justin avait frappé.

Son sourire s'est fait malsain, son regard parcourant mes courbes : « À vrai dire, ton parfum est bien plus envoûtant que celui de cette Oméga. Justin te gardait toujours si jalousement… Maintenant qu'il t'a remplacée, pourquoi ne pas découvrir ce que je peux t'offrir ? »

J'ai froncé les sourcils, la voix glaciale : « Lâche-moi. Nous sommes sur les terres de la Meute de l'Ombre. Je te conseille de te modérer. »

Irrité, Silas a resserré son étreinte : « Tu crois que Justin me fait peur ? À l'heure qu'il est, il doit être en train de flirter avec son Oméga. Et toi ? Il t'a jetée ! »

Son regard s'est fait dangereux. Il m'a tirée brutalement contre lui, tentant de m'embrasser de force.

Je me suis débattue de toutes mes forces, et dans un ultime recours, je me suis ruée sur le lien mental qui m'unissait à Justin.

La voix brisée par l'angoisse, j'ai imploré : « Justin, ce Delta… Il ne me lâche pas. Viens, s'il te plaît... »

Sa réponse était immédiate. Mais ce n'était pas l'inquiétude que j'espérais. Un ricanement glacial m'a cinglé l'esprit : « D'abord Marissa, maintenant toi ? Flora, tu en es réduite à ces pitreries pour attirer mon attention ? Tu me prends pour un naïf ? »

Silas était sur le point de me traîner dans les toilettes hommes. J'ai crié, désespérée : « Non, il est vraiment... »

Mais la connexion s'est interrompue net. Il m'avait rejetée.

Un froid mortel m'a envahie.

D'un élan imprévisible, j'ai attrapé le lourd chandelier d'argent accroché au mur et en ai asséné un coup violent à la tête de Silas.

Profitant de sa douleur, je me suis engouffrée dans les toilettes femmes, ai verrouillé la porte et ai contacté Berthe.

Elle est arrivée aussitôt.

Pendant que les gardes emmenaient Silas, ses imprécations résonnaient dans le couloir. Je me suis effondrée contre la porte, les jambes tremblantes.

La réception n'était pas encore terminée. Berthe m'a réconfortée brièvement, puis a demandé à une servante de me conduire à l'étage pour me changer. Elle a promis de me raccompagner après le départ des invités.

Craignant que Silas ne rôde encore, je suis restée dans la chambre qui m'avait été assignée, sans oser en sortir.

Une fois changée, la plupart des invités étaient partis.

En me rendant chez Berthe, je suis passée devant la chambre de Justin. Sa porte entrouverte a laissé filtrer des voix.

L'un de ses partisans a demandé : « Tu n'es pas inquiet ? Silas est un salaud. S'il s'en prenait vraiment à Flora ? »

Justin a poussé un petit rire en faisant tourner son verre : « Flora est la fille de Charles. Je doute que Silas ose s'attirer des ennuis. »

Il a marqué une pause, indifférent : « Et même s'il allait trop loin, nous sommes sur mes terres. Je maîtrise la situation. Une leçon lui ferait du bien, de toute façon. Ce ne sera pas fatal. »

« Au moins, ça la calmera. Qu'elle cesse de menacer de rompre notre lien… et de harceler Marissa. »

Son partisan a plaisanté : « Donc Marissa compte davantage ? »

Justin a ri, une note inhabituelle de tendresse dans la voix : « Flora restera toujours la première. Mais Marissa… Je lui dois trop. »

Un sourire ironique a retroussé mes lèvres.

J'étais donc toujours « la première » ? Pourtant, il avait offert la maison de nos noces à Marissa.

J'occupais cette place d'honneur ? Mais il avait sans cesse repoussé notre union pour elle.

Selon sa logique, j'étais sa priorité. Alors pourquoi, face à la mort, avait-il choisi de la protéger, elle ?

Il traitait sa prétendue priorité comme un vieux souvenir, tout en chérissant une louve qui ne me valait pas.

Quelle cohérence parfaite !

Seul un futur Alpha de la Meute de l'Ombre pouvait-il se targuer d'une telle logique ?

J'en avais assez entendu. J'ai tourné les talons et suis descendue l'escalier.

Ma louve restait anormalement silencieuse, le signe d'une rupture définitive.

Berthe m'attendait dans le hall désert. M'apercevant, elle m'a pris la main et m'a guidée vers un canapé.

« Flora, mon enfant », sa voix s'est faite pressante, « je ne cherche pas à l'excuser, mais vous avez grandi ensemble. Il jurait ne marquer que toi. Ne peux-tu lui accorder une dernière chance ? »

J'ai plongé mon regard dans le sien.

Toute colère s'était éteinte en moi, ne laissant qu'une lucidité froide.

« Berthe, avant Marissa, moi aussi je croyais notre destin scellé pour l'éternité », d'une voix douce, je lui ai raconté chaque renoncement, chaque fois qu'il m'avait délaissée pour elle.

Quand j'ai achevé mon récit, elle a fermé les yeux, un long soupir lui échappant : « Demain, je te ferai rendre les gages de tes fiançailles avec Justin. »

J'ai serré ses mains glacées : « Berthe, je n'oublierai jamais votre bonté. J'ai accepté d'épouser l'Alpha de la Meute de la Tramontane pour servir notre meute. Justin et moi… c'est terminé. »

Son regard s'est obscurci, mais elle n'a pas insisté.

« Reviendras me voir, une fois unie à cet Alpha. D'accord ? » Sa voix était fragile tandis qu'elle lissait une mèche de mes cheveux.

J'ai hoché la tête. Après un dernier remerciement, je me suis levée pour partir.

Ainsi, j'ai quitté cette demeure qui avait porté tous mes rêves, sans une hésitation.