Chapitre 2

Le visage de Justin s'est assombri et son regard s'est fait tranchant.

Autrefois, face à cette colère, j'aurais plié. J'aurais murmuré des mots d'amour, supplié qu'il reste. Lui aurait alors soupiré, m'offrant comme une aumône quelques douceurs apaisantes.

Mais ce jour était différent. Je ne lui ai offert que le silence.

Je suis passée près de lui sans un regard, parcourant chaque pièce pour effacer ma présence de son monde.

Dans cette maison qui devait incarner notre avenir, je me déplaçais comme une spectre, emballant mes affaires avec une froide mécanique.

En pénétrant dans la chambre principale, je me suis figée net : le lit était défait, le matelas creusé en plusieurs endroits, taché de traces impossibles à ignorer.

Pourtant, ce n'était pas cela qui m'a brisé. C'était cette odeur sucrée, envoûtante et agressive, le parfum caractéristique d'un Oméga en chaleur !

Mon estomac s'est retourné. J'ai porté une main à ma bouche pour étouffer un haut-le-cœur.

Enfin, j'ai compris : leur trahison avait franchi la ligne bien avant cette nuit. Bien avant notre conversation, bien avant ma décision de rupture.

J'avais été aveugle, fidèle et trop stupide.

Serrant les dents, j'ai accéléré le rangement, m'obligeant à terminer.

Pendant ce temps, Justin et Marissa restaient au salon, affichant sans pudeur leurs ébats moqueurs. Leur volume était calculé pour être entendu.

J'ai ignoré leurs voix, achevant mes bagages sans une expression. En partant, je suis allée même jusqu'à pousser la porte derrière moi.

Alors qu'elle était sur le point de se refermer, la voix de Justin m'a rattrapée :

« Flora. Te souviens-tu de ta promesse ? Celle de m'accorder une faveur, sans condition ? »

J'ai marqué une pause, et ma main est restée sur la poignée.

Lors de la chasse initiatique, à nos dix-huit ans, j'avais glissé au bord d'un précipice. C'était Justin qui m'avait retenue au péril de sa vie.

La roche lui déchirant les bras, il n'avait pas relâché son étreinte. Pour apaiser ma culpabilité, il avait même minimisé ses blessures.

Ce jour-là, je lui avais promis une dette.

À l'époque, il avait souri en déclarant que son seul vœu était de me voir heureuse, toujours à ses côtés.

Et aujourd'hui, que voulait-il ?

Je suis restée immobile, écoutant sa demande formulée avec une froideur administrative : « Marissa désire des baies de la forêt du Sud. Cueille-les pour elle. »

Je l'ai fixé, acquiesçant d'un signe : « D'accord. »

Ainsi, la promesse que je lui devais, ni pour moi, ni pour lui, servirait finalement Marissa.

Tant mieux. La boucle serait bouclée.

Dehors, la tempête faisait rage.

J'ai pris le volant, m'engageant sur la route du Sud sous l'assaut des rafales. La neige cinglait le pare-brise, le vent lacérait la carrosserie.

Peu habituée à conduire sous ces conditions, j'ai poursuivi pourtant sans m'arrêter, les doigts engourdis, les vêtements trempés, les poumons brûlants.

J'ai fini par trouver les baies. Mais quand je les ai rapportées, elles étaient déjà glacées.

Marissa en a croqué une, puis l'a recrachée avec dégoût : « Beurk ! Froides, elles sont immondes. »

Sans un regard pour moi, Justin a jeté le panier à la poubelle et l'a soulevée dans ses bras : « Viens, je t'emmène en cueillir des fraîches. »

Il l'a installée sur le siège passager de ma voiture. Son chauffeur étant absent, il a pris alors mes clés sans même me consulter.

Quand son regard s'est posé enfin sur moi, ce n'était que pour lancer, agacé : « Ne reste pas plantée là. Monte. »

Épuisée par cette épreuve, je n'avais plus la force de protester et je me suis installée à l'arrière.

Durant le trajet, leurs rires et leurs chuchotements complices ont empli l'habitacle. Affaissée contre la vitre, la tête lourde, je tentais d'ignorer leur complicité.

Soudain, un camion a dérapé sur la chaussée verglacée, filant droit vers nous.

D'un réflexe vif, Justin a braqué le volant pour dévier l'impact de son côté à elle.

Quelques secondes avant le choc, il s'est jeté sur Marissa pour la protéger de son corps.

Le fracas de la collision a résonné. Du sang coulait sur mon front. À travers ma vision brouillée, je les ai vue émerger de l'épave : Justin portait Marissa, inspectant fiévreusement son état.

Pas une seconde, son attention ne s'est tournée vers moi.

Un rire amer m'a échappé.

Mon esprit est revenu ainsi à cette autre nuit neigeuse, quand Justin, pour sa première patrouille solo, m'avait secrètement emmenée avec lui.

Ce soir-là aussi, notre véhicule avait dérapé, heurtant la falaise.

Il n'avait pas hésité. Il m'avait protégée, absorbant seul le choc, me serrant contre lui comme si me perdre avait été insupportable.

Et cette fois ? Il avait choisi d'offrir ma vie en gage de la sécurité de Marissa.

Au plus profond de mon âme, ma louve a poussé un gémissement agonisant. Puis les ténèbres m'ont engloutie.

Un membre bienveillant de la meute m'a conduit à l'infirmerie.

Pendant la semaine que j'y est passé, Justin n'est jamais venu. Marissa, en revanche, a mis un zèle acharné à m'étaler son bonheur par tous les canaux possibles.

« Il m'a choisie, moi, quand la mort rôdait. Tu dois rager. »

« Il allait te rendre visite, mais j'ai eu mal à la tête… Il est resté. »

« Patiente, Flora. Bientôt, il ne sera plus qu'à moi. »

« ... »

J'ai lu chaque message, puis les ai effacés. Je les ai bloqués, elle et Justin, sur toutes les plateformes.

Jusque-là, j'avais espéré qu'après la rupture, nos années partagées sauveraient au moins une amitié.

Désormais, je ne souhaitais qu'une chose : disparaître à jamais de la vie de Justin.