Home / Romance / L'OMBRE D'UN MIRACLE / Chapitre 6 — Là où le feu se déchaîne

Share

Chapitre 6 — Là où le feu se déchaîne

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-07-18 23:19:25

Gabriel

Je reste figé, immobile dans la pénombre de mon bureau, tandis que la lumière blafarde de la ville glisse sur le verre épais de la baie vitrée. Dehors, le béton et l’acier s’étirent à perte de vue, dessinant un paysage urbain froid et impersonnel. Pourtant, au milieu de cet océan de froideur, c’est elle qui embrase mon esprit : Élise.

On dit de moi que je suis maître de tous les secrets, inébranlable, implacable. Et pourtant, ce matin, le sol semble se dérober sous mes pieds. Pas à cause d’un danger extérieur, mais parce qu’elle a réveillé une quelque chose que je croyais scellée à jamais. Cette jeune femme, si fragile en apparence, porte en elle un feu qui me trouble. Elle a osé me regarder autrement que comme un monstre froid. Elle a vu ce qui se cache derrière le masque, derrière l’acier de Gabriel De Rohan.

Je pose doucement le dossier sur mon bureau ces formalités, ces chiffres, ces CV sans même l’ouvrir. Rien ne capture ce qu’elle représente. Ce n’est pas une candidature, c’est une énigme. Une clé, peut-être, pour ouvrir la porte verrouillée de mon âme.

Je perds mon regard sur la porte qu’elle a franchie il y a quelques minutes. Si petite, si fragile, dans ce palais de verre et de pouvoir, elle semble pourtant plus vivante que n’importe qui ici.

Je me lève et fais quelques pas dans la pièce aux murs bardés d’œuvres d’art choisies pour impressionner, pas pour réchauffer. Je respire profondément, tentant d’apaiser la tempête qui gronde en moi.

La vérité est simple, et pourtant terriblement complexe : j’ai peur. Pas d’elle, mais de ce qu’elle réveille en moi. Cette part enfouie, ce souvenir d’un homme capable d’aimer, d’espérer. Cette part que j’ai enfouie sous les cendres d’un passé que je refuse d’affronter.

Le regard d’Élise, cette flamme mêlée de vulnérabilité, m’a bouleversé. J’ai senti un poids s’alléger, et en même temps une douleur plus vive, plus profonde.

Je me remémore cette nuit sur le toit. Le silence lourd de tension, les non-dits, les regards lourds de promesses et de blessures.

Elle croit en moi.

Je secoue la tête, amer. Je ne veux pas être celui qui offre des rêves. Je suis l’homme qui contrôle, qui impose, qui exige.

Et pourtant… pour la première fois depuis longtemps, j’envisage autre chose. Une possibilité. Une lumière douce qui s’immisce dans l’obscurité de mon existence.

Je songe à tout ce qu’il faudrait changer, sacrifier, affronter pour ne pas la perdre dans ce monde de glace et de pouvoir. Cette idée me terrifie autant qu’elle me fascine.

Je détourne les yeux de la fenêtre et passe une main dans mes cheveux, dérangeant l’image parfaite que je cultive. Je ne suis plus seulement un dirigeant, un conquérant. Je suis un homme vulnérable, déchiré entre mes démons et ce que je pourrais devenir.

Un long soupir m’échappe.

Je murmure pour apaiser la tension qui me consume.

— Elle ne sait pas encore à quel point tout cela est fragile… À quel point tout peut basculer.

Je reporte mon regard sur le dossier que je n’ai pas ouvert. Une étrange détermination m’envahit. Je veux la connaître. Comprendre cette force qui brille en elle.

Peut-être même l’aimer.

Mais avant tout, je sais que je dois être patient et prudent.

Clara

Assise sur le bord de mon lit, je fixe le vide, mes mains posées sur mon ventre, doucement arrondi. Chaque battement de mon cœur résonne comme un tambour sourd dans ma poitrine, emportant avec lui un flot de questions, d’angoisses.

Comment leur dire ? À maman, à mamie ? Comment leur avouer que je suis enceinte, que ce bébé pousse en moi, qu’il va tout changer ? Leur regard, leurs attentes, leurs espoirs… Tout me semble à la fois lourd et fragile, comme si un mot de travers pouvait tout briser.

Je repense aux repas silencieux où leurs yeux semblaient chercher une vérité que je n’osais pas révéler. Je sais que cette nouvelle ne sera pas facile à entendre. Peut-être même qu’elle va les bouleverser, les décevoir.

Et pourtant, ce petit être est là. Il est la promesse d’un avenir, malgré tout.

Je ferme les yeux, imagine leur visage. Maman, douce et inquiète, tentant de masquer sa peur derrière un sourire tremblant. Mamie, plus dure, mais avec cette tendresse rugueuse qui transparaît quand elle croit que personne ne regarde.

Je me répète les mots dans ma tête, comme un mantra fragile : « Je suis enceinte. Je veux votre soutien. » Mais la gorge se noue, les larmes menacent de monter.

Je sais que je dois être forte. Pour moi, pour ce bébé. Mais je me sens si seule, perdue dans ce silence qui grandit entre nous.

Et si elles ne comprenaient pas ? Et si elles m’en voulaient ? Et si tout basculait ?

Je prends une profonde inspiration, serre les poings.

Il est temps. Il faut que je leur parle. Avant que ce secret ne devienne un fardeau trop lourd à porter.

Je me lève, le cœur battant, prête à affronter le regard de celles que j’aime.

Prête à ouvrir la porte à une vérité qui changera tout.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 26 — Le Matin du Doute

    GabrielJe me réveille avant l’alarme, avec cette lourdeur sourde dans la poitrine, comme si la nuit avait été trop courte, trop encombrée de rêves qui refusent de dire leur nom. À côté de moi, elle dort encore. Ma femme. Ses cheveux éparpillés sur l’oreiller, son souffle régulier qui soulève à peine la couverture. Elle est paisible, presque étrangère dans cette immobilité.Je la regarde longtemps. Plus longtemps que je ne l’aurais cru. Je cherche à ressentir. À retrouver quelque chose. Est-ce que je l’aime encore ? Le mot lui-même me paraît glissant. Il me file entre les doigts comme de l’eau. J’essaie de rassembler les images — nos débuts, le rire facile, les soirées à deux — mais tout semble appartenir à une autre vie. Comme si l’homme que j’étais alors avait cessé d’exister.Je tends la main, frôle presque son épaule nue. Un geste d’habitude, de tendresse mécanique. Mais mon bras retombe. Je ne peux pas. Pas aujourd’hui. Pas avec cette brûlure encore présente dans mon corps, cette

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 25 — La revanche et la morsure

    AdelineJe n’ai jamais mieux aimé que lorsque la scène se déroule exactement comme je l’ai prévue. Les lustres s’éteignent un à un, la pièce retombe dans cette obscurité feutrée qui m’appartient. J’ai choisi la robe pour son pli, pour la façon dont elle colle à mes hanches quand je marche, pour le malaise qu’elle instille chez les autres. Tout est millimétré : la lumière tamisée, le verre presque vide posé sur la table, la chaise renversée qui rappelle à voix basse qu’ici c’est moi qui décide.Il rentre, plus fermé qu’à l’accoutumée, comme un livre dont on aurait arraché les pages les plus tendres. Il pose son regard sur moi , hésitation, reproche, désir brouillé et ça me réjouit. Le désir désarçonne. Le reproche rend plus facile la chute. J’avance, lente, calculée, et j’arrête juste assez près pour que son souffle frôle ma joue. Il tremble ou feint de trembler et je sens sous mes doigts l’ampleur de ce qu’il retient.« Viens », dis-je sans lever la voix. Ce n’est pas une injonction.

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 24 — Le lit et les miroirs

    ÉliseJe suis allongée dans mon lit, la lampe de chevet allume une lueur fragile qui tremble contre les murs. La chambre est trop calme. Trop sage pour ce qui bouillonne en moi. Je tire la couverture jusqu’à mon menton mais la chaleur qui m’envahit n’a rien à voir avec le coton. Elle vient de mes pensées, qui refusent de se taire.Je pense à lui. À Gabriel.Je ne devrais pas. Je le sais. Mais ses yeux reviennent sans cesse, comme une flamme derrière mes paupières fermées. Ce bleu fatigué, abîmé, qui cache plus qu’il ne dit. Je revois la crispation de ses mâchoires, la tension de ses épaules, ses silences lourds. Tout en lui retient quelque chose. Tout en lui brûle d’un feu qu’il refuse de laisser sortir.Je soupire et je revois nos gestes plus tôt dans la cuisine. Mes rires trop vifs, les siens étouffés, ce moment fragile qui aurait pu durer… et qui s’est brisé aussitôt. Je m’y accroche malgré tout. Comme si un fil invisible reliait encore mes doigts aux siens. Comme si je pouvais, pa

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 23 — Le poids du silence

    GabrielJe me laisse tomber dans le fauteuil du salon, les coudes appuyés sur les genoux, la tête entre les mains.Derrière moi, j’entends ses pas précipités à l’étage, des portes qui claquent, ses sanglots étouffés. Mais je n’ai plus la force. Pas ce soir.Pourquoi faut-il toujours qu’elle gâche tout ?Pourquoi ces soupçons, ces reproches, cette jalousie suffocante ?Je ferme les yeux.J’avais presque oublié. Juste un instant, dans cette cuisine trop petite, au milieu des odeurs de farine et des éclats de rire, j’avais cru qu’une vie différente était possible.Une vie où je ne serais pas enchaîné à ce vide permanent.Mais ses cris me ramènent brutalement.La vérité me gifle à nouveau.Je n’aurai jamais d’enfant.Jamais.Ce mot martèle ma tête, implacable.Un homme qui ne laisse rien derrière lui. Pas de descendance. Pas d’avenir. Rien qu’un présent gris, froid, partagé avec une femme qui ne voit que ses propres blessures.Je redresse la tête, fixe le plafond.Comment aller de l’avant

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 22 — Les éclats du foyer

    GabrielJe reste debout, la veste encore à la main. Elle, plantée devant moi, les bras croisés, comme un juge prêt à prononcer une sentence.Le silence est lourd, trop lourd. Il s’installe entre nous comme une paroi invisible, et je sais qu’il ne durera pas.— Tu crois vraiment que je vais gober ça ? lâche-t-elle enfin, la voix sèche, tranchante comme une lame. “Dehors.” Quelle excuse lamentable.Ses mots claquent dans l’air. J’entends plus que je ne comprends. Je sais que tout ce que je dirai ne fera que l’attiser davantage.Je ne réponds pas. Si je parle, je m’enfonce. Si je me tais, je lui donne raison.Je suis piégé.Elle avance d’un pas.— Avec qui étais-tu ? Dis-moi son nom.Ses yeux plantés dans les miens me fouillent, me déshabillent, cherchent à arracher une vérité que je ne peux pas lui donner.Je soutiens son regard, mais je sens déjà ma mâchoire se crisper.— Personne, dis-je.Elle éclate d’un rire bref, acide.— Personne ? Tu rentres à minuit, les vêtements imprégnés d’od

  • L'OMBRE D'UN MIRACLE   Chapitre 21 — Le retour

    GabrielLe repas s’éternise.La mère a rempli mon assiette une deuxième fois sans même me demander mon avis. J’ai protesté, faiblement :— Vraiment, c’est suffisant…Elle m’a fusillé du regard, comme si refuser son plat revenait à l’insulter. Alors j’ai cédé.La grand-mère, elle, ne me lâche pas. Ses yeux vifs me scrutent, comme si j’étais une énigme à déchiffrer. Chaque bouchée devient un examen.— Vous mangez trop vite, grommelle-t-elle soudain.— Mamie… soupire Élise en secouant la tête.— Je dis ce que je vois ! Les hommes pressés, c’est pas bon signe.Je retiens un soupir amusé. Moi, pressé ? Voilà bien la première fois qu’on me reproche ça. Cela fait plus d’une heure que je suis là, assis à écouter des histoires de marché, de voisins querelleurs, de souvenirs d’un autre temps.Et je reste.Je ne comprends pas pourquoi.Moi, qui ne supporte pas d’être contredit, moi, qui impose toujours ma volonté, me voici chahuté, interrompu, ramené à l’insignifiant… et j’aime ça.J’aime cette

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status