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Chapitre 7

Author: Mia Leroy
De retour de l'hôpital, Solène s'est enfermée dans l'appartement d'Estelle.

Ces cinq dernières années lui semblaient un cauchemar grotesque et confus. Perdue dans le brouillard, elle s'est laissée dormir pendant un jour et une nuit entiers.

À son réveil, elle a pris son téléphone et, sans la moindre hésitation, a supprimé et a bloqué Ludovic, Mélissa, et tous les contacts associés. Méthodiquement, comme on nettoie les fichiers inutiles d'un téléphone.

Une fois le dernier contact effacé, elle a senti enfin le brouillard oppressant qui pesait sur son cœur se dissiper complètement.

Estelle est entrée, portant un bol de soupe de fruits de mer fumante. Voyant son amie relativement stable, elle a poussé un soupir de soulagement : « Tu as faim ? Bois ça tant que c'est chaud. »

Solène a pris le bol et a bu à petites gorgées. Le liquide chaud a glissé dans son estomac, chassant le froid qui l'habitait.

« Estelle », a-t-elle levé la tête, le regard d'une clarté et d'une détermination nouvelles, « j'ai pris ma décision. Je veux ouvrir mon propre atelier.

« Formidable ! » a crié Estelle, excitée, « Il était grand temps ! Avec ton talent, tu aurais dû voler de tes propres ailes depuis longtemps. Tu as déjà pensé à un nom ? »

Solène a regardé son reflet dans la vitre et a murmuré : « Exsolène, ça irait ? Pour symboliser que moi et mon talent sommes EXCELLENTS ! »

Elle voulait donner son nom à cet atelier. Elle allait créer une vie excellente pour elle-même !

Les jours suivants, elle s'est plongée corps et âme dans la recherche d'un local.

L'endroit idéal ne serait pas qu'un simple lieu de travail, mais un havre où elle pourrait apaiser son cœur et recommencer.

Estelle, au volant de sa flamboyante voiture de sport rouge, l'a emmenée à travers toute la ville.

Elles ont commencé par les quartiers d'affaires réputés. Les tours de verre qui griffaient le ciel en étaient l'emblème.

L'agent immobilier a débité avec volubilité les mérites exceptionnels de l'emplacement et le prestige des entreprises déjà installées.

Solène se tenait devant l'immense baie vitrée. La réflexion aveuglante du soleil sur le verre, la vue plongeante sur les flux de voitures et de fourmis humaines en contrebas... tout cela l'oppressait.

Vraiment, cet endroit était trop clinquant, trop froid, trop imprégné de l'odeur de l'argent et du désir, terriblement similaire à la famille Gérin qu'elle cherchait désespérément à fuir.

« Non, cet endroit ne me convient pas », a-t-elle secoué la tête.

Estelle a compris immédiatement : « Allez, direction le suivant ! »

Elles se sont rendues ensuite au quartier des arts de Beaumont. Un ancien site industriel reconverti, baignant dans une atmosphère loft industriel et d'art post-moderne. Les murs étaient couverts de graffitis imaginatifs, on croisait des jeunes branchés avec leurs caméras et des artistes aux tenues excentriques.

C'était branché, plein d'énergie.

Mais Solène, en s'y promenant, s'est sentie comme une intruse, ne parvenant pas à s'y fondre.

L'endroit était trop bruyant, trop agité, débordant d'une exubérance individualiste, à l'opposé de la sérénité dont elle avait tant besoin.

Elle a refusé à nouveau : « Ici non plus. »

Estelle, bien qu'un peu découragée, a fait preuve de patience : « Ce n'est pas grave, on continue de chercher. Je refuse de croire que dans toute cette ville, on ne trouvera pas un endroit qui te plaise. »

Elles ont visité presque toutes les zones commerciales et les pépinières d'entreprises à la mode, sans jamais trouver LE bon endroit. Jusqu'à un après-midi, une semaine plus tard, où Estelle a eu une inspiration.

Elle a emmené Solène dans un vieux quartier en lisière du centre-ville, un monde à part, isolé du flot incessant de la circulation.

De hauts platanes découpaient le ciel en fragments de lumière, des murs décrépits étaient recouverts de lierres verdoyants. Le temps semblait s'écouler plus lentement ici.

Elles ont garé la voiture à l'entrée de la rue et ont continué à pied. Dans les ruelles étroites, des bribes de conversations et des effluves de repas de midi flottaient.

À un coin de rue, Estelle s'est arrêtée soudainement, pointant du doigt une porte en bois vermillon fermée : « Solène, regarde ! »

C'était une vieille maison avec un écriteau « À Vendre ». Les murs de brique jaunie, les tuiles du toit un peu anciennes mais toujours élégantes... Mais ce qui a attiré surtout l'attention de Solène, c'était la branche de rose jaune éclatante qui dépassait du mur. Comme attirée par une force mystérieuse, elle s'est dirigée machinalement vers elle.

L'agent immobilier de la propriété se trouvait justement à proximité. Les voyant intéressées, il s'est approché rapidement pour s'enquérir de leurs intentions.

Après avoir confirmé leur intérêt, cet homme d'âge moyen, à l'apparence distinguée et portant des lunettes, a ouvert la lourde porte en bois.

Et le spectacle qui s'est offert à elles a coupé le souffle :

C'était une maison pas très grande, mais pleine de charme. Des rosiers luxuriants s'épanouissaient librement le long du mur d'enceinte du jardin, leurs boutons jaunes couvrant les branches, diffusant un parfum envoûtant.

Devant ce mur floral, un banc en bois, lissé par le temps, était baigné de taches de lumière et d'ombres mouvantes. Dans un coin, de la mousse brillait, humide, sous la lumière.

Sur la gauche se dressait une bâtisse de deux étages en pierre, d'un style médiéval évocateur, comme tout droit sortie de la Renaissance. Les fenêtres conservaient leurs anciens cadres en bois rouge, dont la couleur vive s'était adoucie avec les années.

Ici, tout était silencieux, tel un tableau oublié par le temps.

Solène a tendu la main pour effleurer une branche de rosier et a fermé les yeux.

Dans son enfance, chez sa grand-mère Natalie, il y avait un mur de roses similaire. Chaque automne, devant ce mur, cette femme bienveillante installait une table et des bancs en bois pour lui apprendre à identifier les outils de restauration d'antiquités.

Elle récoltait les pétales de roses fraîchement tombés pour en faire des gâteaux, des confitures, du vin. À ces moments-là, la maison tout entière s'imprégnait d'un parfum à la fois enivrant et frais.

Natalie disait toujours : « Que ce soit pour la pâtisserie ou la restauration d'objets anciens, il faut garder l'esprit calme. Ce n'est que lorsque le cœur est serein que les mains sont stables. Ce jardin, ce mur de roses, nous aident à trouver cette paix. »

Solène a rouvert les yeux, émergeant de ses souvenirs, une lueur d'émotion dans le regard.

Elle avait trouvé un endroit où elle pourrait retrouver la sérénité. Un lieu capable de réveiller les souvenirs les plus chaleureux de son enfance, de lui rappeler de ne jamais oublier ses racines.

Elle n'a pas jeté un coup d'œil au reste de la maison, n'a pas demandé la superficie exacte ni le prix. Elle s'est tournée simplement vers Estelle et l'agent derrière elle, et a déclaré d'un ton qui ne souffrait aucune contradiction : « Je la prends ! »
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