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Chapitre 3 — Retour à la réalité 

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-07-17 22:13:50

Léa 

La clochette tinte derrière lui.

Kayden Wolfe est parti. Mais il a laissé quelque chose derrière.

Un poids dans ma gorge. Un courant sous ma peau.

Un frisson qui n’a rien à voir avec le froid.

Je ferme le fast-food à minuit pile, comme tous les soirs.

Je sors les poubelles, nettoie la friteuse, compte la caisse avec les doigts engourdis.

Et j’éteins, dans le silence.

Personne pour m’attendre.

Pas de voiture. Pas de colocation sympa. Pas de baiser dans un hall d’immeuble propre.

Juste moi, ma veste trop fine, un sac de restes tièdes et un ticket de bus.

La pluie a cessé, mais les flaques noires sur l’asphalte brillent sous les réverbères défaillants. J’attends le bus ligne 22, dernier départ.

Direction le sud-est.

Là où les vitres sont cassées, les rêves trop chers, et les hôpitaux trop loin.

Le bus arrive, fatigué, comme tout dans cette ville après minuit. Tôle cabossée, phares qui clignotent, moteur au bord de l’asphyxie.

Je monte, badge ma carte presque vide.

Le chauffeur me jette à peine un regard. Il connaît mon visage. Pas mon nom.

Je m’enfonce dans le fond du bus, m’assieds côté fenêtre.

Je respire. Je ferme les yeux.

Et je pense à lui.

À Kayden Wolfe.

Mais au regard. À la façon dont il me regardait.

Comme si j’étais plus que cette fille qui sent le gras et qui compte ses pièces rouges.

Mais dès que je me laisse glisser dans cette pensée, le visage de Liam remonte.

Et tout s’écroule.

Je l’ai laissé à l’hôpital ce matin.

Pâle. Les lèvres bleues. Les doigts trop maigres, tremblants.

Un masque d’oxygène sur la bouche et ce bip régulier qui perce les silences comme une alarme de fin du monde.

J’ai dû courir au boulot après avoir parlé deux minutes à l’infirmière de nuit. Pas eu le temps de rester. Pas le droit non plus.

Il n’a que quinze ans.

Mais ses poumons en ont cent , il souffre de Fibrose kystique.

Un mot long, cruel, que je déteste plus que tout.

Une maladie qui ne prévient pas. Qui s’installe , qui grignote.

Et que personne, jamais, ne viendra guérir pour nous.

C’est pour lui que je travaille.

C’est pour lui que je trime chaque soir.

C’est pour lui que je serre les dents, que je dis non aux sourires, aux invitations, aux tentations.

Alors non, je ne peux pas me laisser troubler par Kayden Wolfe.

Peu importe qu’il ait un sourire à faire fondre les murs.

Peu importe ce que sa voix fait à mon ventre.

Peu importe qu’il m’ait regardée comme si j’étais réelle.

J'ouvre les yeux . Le bus traverse les quartiers oubliés : vitrines brisées, devantures graffées, immeubles décapés par le vent et la misère.

Ce monde-là, c’est le mien et personne ne vient le sauver.

Pas même les beaux gosses aux sourires ravageurs .

Le bus me dépose à cinq rues de mon immeuble.

Il ne reste plus que moi et la nuit.

Je descends , le sac serré contre moi.

Mes pas résonnent dans le vide.

Pas d’éclairage ici. Un néon grésille à moitié. Un autre clignote comme un battement cardiaque à l’agonie.

J’accélère.

Un chien fouille dans une poubelle. Une femme gueule à sa fenêtre.

Je passe devant un gars recroquevillé sous une couverture de survie.

Mon immeuble ? Un bloc gris et humide, comme abandonné par la ville.

Six étages. Pas d’ascenseur , une cage d’escalier qui pue la pisse, le vieux plastique et la défaite.

Je grimpe en silence.

Je suis trop fatiguée pour avoir peur.

En haut, je glisse la clé dans la serrure.

J’entre, sans bruit.

Il n’y a pas de lumière dans le petit salon.

Juste la lampe de chevet posée au sol. Une veilleuse bricolée pour que Liam ait l’impression d’être encore là, quand il reviendra.

Sur le canapé, un sweat froissé.

Le sien.

Mon odeur encore dessus.

Mais ce soir, le canapé est vide.

Je reste là, un moment.

Juste à fixer ce vide.

Puis j’enlève mes chaussures. Je me dirige vers la cuisine. Je range le sac de restes dans le vieux frigo qui grince. Quelques boîtes, deux yaourts, pas grand-chose.

Je vais dans la salle de bain.

J’enlève mes fringues.

Je regarde mon reflet.

Fatigue, cernes, cheveux ternes.

Rien d’attirant.

Rien qui mérite un regard comme celui de Kayden Wolfe.

Et pourtant.

Je pense à ses yeux.

À sa voix.

À sa manière de dire mon prénom, comme s’il l’avait inventé.

Je pense à sa main qui a frôlé la mienne.

Et je me demande ce qu’elle ferait si elle remontait ma cuisse.

Si je le laissais me renverser.

Je me hais pour penser ça.

Pour m’autoriser une seule seconde d’évasion, alors que mon petit frère se bat pour chaque souffle.

Je coupe l’eau glacée.

Je m’enveloppe dans une serviette rêche.

Je vais jusqu’à ma chambre.

Je m’effondre dans le lit.

Et là, dans le noir, entre les draps rêches, avec le cœur trop bruyant… je me répète :

Il ne reviendra pas.

Et s’il revient… je le repousserai.

Mais une voix intérieure, celle que je combats chaque soir, chuchote encore :

Tu mens, Léa.

Et tu le sais , je dois me laver et aller dormir auprès de mon frère à l'hôpital .

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