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Chapitre 7 — La vérité à l’arrière du silence

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-07-25 20:07:06

LÉA

Le balai racle le sol pour la dernière fois de la nuit.

Les miettes s’accrochent aux poils comme si elles refusaient de partir. Comme moi, incapable de lâcher ce jour, incapable d’affronter ce qui m’attend dehors.

Je traîne. Chaque geste est vide, automatique. Un bras qui bouge, un pied qui glisse, un soupir qui s’échappe. Le corps avance, mais la tête, elle, est restée là-haut, dans la chambre 412. Là où le temps ne fait que ralentir.

Je range le balai. Je ferme la caisse. Je vérifie les loquets, deux fois. Puis une troisième.

Je sais ce que j’essaie de faire.

Gagner du temps.

Parce que je sais qu’il est là.

Kayden Wolfe.

Il a cette manière de hanter les choses. Pas comme un fantôme non, pire. Comme une pulsation. Une présence que tu ne vois pas, mais que tu ressens sous la peau.

Depuis qu’il a mis les pieds dans mon monde, tout est devenu plus… nerveux. Plus flou. Plus vrai.

Je sors.

Et l’air de la nuit me gifle.

Le bitume est humide. Les néons vomissent une lumière pâle sur les trottoirs sales. La ville a cette odeur d’huile rance et de rêve pourri.

Et il est là.

Adossé contre sa voiture noire. Capuche rabattue. Bras croisés.

Silhouette calme. Mais regard en feu.

Il ne dit rien.

Moi non plus.

Je marche lentement vers la sortie, comme si je pouvais encore l’éviter. Mais ce n’est pas possible.

Pas quand son regard me fixe avec cette intensité. Ce mélange de tristesse et d’orage.

— Tu me suis maintenant ? je lâche, cassante.

Ma voix claque plus fort que prévu. Défense automatique.

— Je t’attendais, répond-il simplement.

— Pourquoi ? Je t’ai rien demandé.

Il hausse les épaules.

Pas d’arrogance. Juste un fait.

— Je sais.

Je serre les dents.

Je ne veux pas de douceur. Pas de ça. Pas de ce ton qui me fait douter de tout.

— Alors dégage, Kayden. J’ai un truc important. Et j’ai pas le temps pour tes jeux.

— Je t’emmène.

Il ne demande pas. Il déclare.

Je le fixe.

Mon cœur s’emballe, mais mon visage reste figé. C’est devenu une habitude.

— Où ça ? Tu sais même pas où je vais.

— Hôpital Sainte-Marguerite.

Il marque une pause.

— Chambre 412. Liam.

Un silence violent tombe entre nous.

Je sens mes doigts trembler. Je croise les bras pour les cacher.

— T’as fouillé ma vie ?

Il secoue la tête. Lentement.

— Non. C’est toi qui parles. Même quand tu crois que tu ne dis rien, tu balances tout. Avec tes silences, tes regards… tes absences. Tu crois être invisible, Léa. Mais t’es une sirène en feu.

Je déteste sa façon de me voir.

Je déteste à quel point c’est juste.

— Je ne veux pas que tu viennes. Tu comprends pas. Tu n’as rien à faire là.

— Et toi, tu veux marcher jusque là-bas ? Toute seule ? À une heure du matin ? Avec ce sac qui pue la friture et tes cernes jusqu’au menton ? T’as même pas de veste. Tu trembles déjà.

— J’ai l’habitude, je siffle.

— Et moi, j’ai pas l’habitude de laisser les gens comme toi rentrer seuls dans la nuit.

Je ris. Un son amer, presque un aboiement.

— Les gens comme moi ? Tu me connais pas.

Il s’approche. Lentement.

Ses bottes résonnent sur le trottoir comme une menace douce.

Mais sa voix, elle, est tendre. Trop tendre.

— Monte, Léa. C’est pas un piège. Je ne te kidnappe pas. Je ne veux juste pas que tu cours un danger . 

Je le regarde.

Et je déteste ce qu’il provoque en moi.

De l’envie.

De l’envie de monter.

De m’effondrer.

De dire ok.

Mes jambes décident pour moi.

Je monte. Je claque la portière.

Il démarre.

Et le silence entre nous est énorme.

Pas vide. Juste… saturé. De ce qu’on ne dit pas.

Les rues défilent. Lumières floues, ombres trop longues.

Ses doigts sur le volant sont crispés. Il fait semblant d’être calme. Mais je le sens vibrer.

— Pourquoi tu fais ça ? je murmure.

Il tourne la tête.

Nos regards se croisent.

— Parce que j’en ai marre de fuir ce qui me bouscule.

Je fronce les sourcils.

— Tu veux être bousculé ?

— Par toi, ouais.

Et je détourne vite les yeux.

Je veux pas qu’il voit ce que ça allume en moi.

On arrive devant l’hôpital.

Ce bâtiment gris, immense, silencieux comme une tombe pleine de machines.

Je descends.

Il sort aussi.

Je me retourne.

— T’attends quoi, là ?

— Que tu m’acceptes.

— Kayden, là-haut, c’est un gosse qui peut crever demain. Mon petit frère. Mon tout. Tu crois que j’ai envie de mêler ta gueule d’ange et tes répliques de film à ça ?

— Je veux pas entrer dans sa chambre. Je ne veux juste… pas rester loin de toi . Je veux rester pour toi.

Il le dit sans minauder. Sans mentir.

— Tu restes en bas. Je veux pas qu’il te voie.

— Promis.

Je monte.

Et chaque marche est plus lourde que la précédente.

Je pousse la porte.

Liam est là.

Plus pâle que la lune.

Des fils partout. Sa respiration assistée par des machines trop bruyantes.

Je m’assieds.

Je lui prends la main.

Je lui parle doucement.

Je mens.

Je lui dis que ça ira.

Que je suis forte. Que je reviens vite.

Mais en moi, je m’écroule.

Je reste là. Longtemps.

À caresser ses cheveux comme maman le faisait, avant.

Puis je redescends.

Et Kayden est toujours là.

Capuche baissée. Assis sur un rebord de pierre. Une bouteille de soda à la main.

Il me voit. Il se lève.

Je m’approche.

Plus lentement que je le voudrais.

— Il dort, je dis. Comme si ça suffisait à résumer le chaos.

Il hoche la tête.

Puis il tend la bouteille vers moi.

— Bois. Ça fait pas tout passer. Mais ça aide.

Je prends la bouteille.

Et j’avale une gorgée.

Trop sucrée , bien fraîche , je me régale .

— Merci.

Je m’apprête à tourner les talons.

Mais il parle. Doucement.

— Tu as le droit de pleurer, Léa. Même les filles fortes ont des hauts et des bas . 

Je ferme les yeux.

Et je sens la fissure.

Mais je ne pleure pas.

Je fais ce que je sais faire :

Je tourne les talons.

Je fuis. Encore.

— Merci… pour le trajet.

Je commence à marcher.

Mais il suit. À distance.

Et dans mon dos, sa voix glisse, comme une promesse.

— Je te laisse ce soir.

Mais je reviendrai.

Je n’ose pas me retourner.

Parce que cette fois… j’ai envie qu’il revienne.

Et ça, c’est plus dangereux que n’importe quelle maladie.

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