Il couine d’un petit bruit discret et presque inaudible, puis ses narines frémissent encore une fois parce qu’il continue de me renifler lentement, et pendant un très long moment… Pendant trop longtemps. Je ne bouge pas, je n’ose même plus respire, car d’un coup c’est lui qui bouge, ce qui fait que mon corps se crispe, un peu comme mon cœur aussi. Je ne le lâche pas des yeux, je le regarde avancer contre la clôture : Il la renifle encore et encore , puis lève l’une de ses pattes et urine contre… juste quelques gouttes. Alors , j’imagine que c’est pour marquer son territoire, et que c’est parce que je suis une étrangère pour lui, il se retourne ensuite à nouveau vers moi et ses yeux montent jusqu’aux miens. Ils sont toujours aussi rouges, toujours aussi intense, et je jure… qu’il me regarde vraiment, je veux dire… pas comme un animal regarde un humain, ni comme un loup observe une menace. Non, non… Il me regarde juste comme moi je le regarde, avec cette même insistance et cet
Et quand on atteint enfin le bas, haletantes et couvertes de poussière, il n’a toujours pas franchi le trou, il n’a pas encore sauté derrière nous. Il reste juste là, tout en haut des rochers, raide, droit, fier, et il nous fixe… Non, non ! Il me fixe moi. Ses yeux sont noirs… Enfin c’est son regard est noir , parce que ses yeux eux sont toujours de ce rouge vif qui me transperce : Durs, presque haineux, et il les garde carrément figé sur les miens. Il ne bouge pas, il attend, il jauge peut être même la distance qui nous sépare, alors on enfourche immédiatement nos vélos et on détale, mais malgré moi je ne peux pas m’empêcher de jeter un dernier regard en arrière, je ne peux pas m’empêcher de le regarder une dernière fois. Peut-être que c’est pour être certaine que je ne rêve pas, et que tout ceci est bien réel… Et ça l’est, je ne rêve pas, c’est bel et bien la réalité que j’ai en face de moi, alors je pédale à fond. Le souffle court, les jambes tremblantes, les arbres qui d
Alors sans même pouvoir me retenir, je le crache: — Pourquoi ? — Pourquoi cette famille n’est pas fréquentable ? — Pourquoi est-elle à éviter ? Un malaise s’installe, presque immédiatement. Ils se regardent brièvement, comme pour chercher une réponse toute faite, une excuse, et comme pour le reste, mais aussi comme je m’en doute , ils restent vagues. Beaucoup trop vagues. — Disons… — Que le père n’aime pas trop qu’on traîne dans ses pattes. — Ni qu’on s’approche de trop près des limites de sa réserve. Mamie baisse les yeux, juste avant que papi n’ajoute : — C’est lui qui fait la loi ici, tu sais. — Tout ce qui touche à la réserve appartient à cette famille. — Il vaut mieux éviter de les côtoyer. — Voilà tout. Pas suffisant, trop flou, aucune vraie raison pour cette éviction. Je secoue la tête, un peu sans le vouloir, et je les fixe parce que c’est ce moment-là que je choisis pour lâcher une bombe. — J’ai vu le loup. — Le gros. — Le noir aux yeux rouges. Je les
Je tourne doucement la première page du carnet intime, les premières lignes sont remplies de souvenirs d’une époque que je n’ai pas connue. Tout d’abord une partie de sa quatorzième année , puis une de ses quinze ans, rien de fou, rien de bizarre ou ni même d’étrange. Je tourne les pages, je passe mon regard brièvement sur certaines des phrases, et enfin , cela devient un peu plus intéressant . Elle parle d’un garçon de la réserve, celui qu’elle a rencontré quand elle n’avait qu’à peine que 17 ans. Un jeune homme sans famille elle écrit, seul, mais pas étranger à l’île, il l’intrigue, il semble mystérieux à ses yeux. Elle le décrit peut-être même comme quelqu’un d’un peu sauvage, mais elle le décrit aussi comme quelqu’un qu’elle a immédiatement apprécié. Je me demande tout de suite quel genre de lien ils ont pu avoir, mais je n’ai pas de réponse dans les lignes qui suivent. Alors, je tourne la page. Les mots se font plus sombres à cet endroit : * Je le déteste, je le hais
Quand je pénètre dans la pièce, mes grands-parents sont déjà installés à table, ils attendent probablement que je prenne place pour commencer. Tout semble calme, mais je sens immédiatement la tension qui est déjà palpable dans l’air. C’est un peu comme si ils jouaient à faire semblant. À tenter de paraître le plus normal possible, je le remarque tout de suite, un peu comme le nez en plein milieu de la figure. Je m’assois sans rien dire, je préfère garder le silence pour le moment, mais…Leur regard est déjà fixé sur moi. Mamie serre les assiettes, et très rapidement le repas commence dans un calme froid. Chacun attend que l’autre parle, mais personne n’ose visiblement le faire en premier. Ils essaient de rester détendus, de sourire, mais je vois bien que leurs esprits sont ailleurs. Suspendus à mes lèvres, mais aussi aux prochaines questions que je pourrais éventuellement poser. Ils savent très bien que ce silence ne va pas durer. Je mange lentement, une bouchée après l’a
Très rapidement , je me perd dans mes pensées , et je raisonne, j’analyse la situation : Ce qu’il vient de dire ne colle pas, il y a trop d’incohérences… Il affirme que chaque personne ayant croisé ce loup disparaît peu de temps après. Mais… Sasha ? Son père ? Mais aussi les autres gardes forestiers ? Ils s’occupent tous de la réserve, des enclos, et ils sont tous là, eux…Bien vivants, et puis, il a aussi dit qu’il ne vient que lorsque la lune est rouge, sauf que moi, je l’ai vu bien avant, et Sasha m’a dit qu’elle le voyait toute l’année, et puis nous avons aussi trouvé un petit cimetière d’ossement : Preuve qu’il sort beaucoup plus souvent qu’ils ne le pensaient. Je le fixe, car ça ne colle pas, et qu’il y a un problème dans ses explications, et puis mon cœur tape fort dans ma poitrine, mais ma voix reste tout de même calme quand je lui dis. — Mais papi ? — Les gardes forestiers… et Sasha aussi… eux, ils le voient tout le temps, ce loup. — Il vit sur la réserve à l’année.
Les minutes s’étirent. Une bonne demie heure s’écoule devant nous. La tension retombe lentement , et elle finit même par disparaître totalement. C’est ce moment que je choisis pour demander à mes grands-parents s’ils veulent partager une ballade avec moi autour de l’île. — Papi, mamie , ça vous dit de me faire visiter l’île ? Mon grand-père relève la tête vers moi et rigole. — Oulah, ma chérie… — Tu sais ici, à cette heure-là, c’est le moment de la sieste. Il sourit , hoche la tête et ajoute. — Mais si tu patientes jusqu’à 16 heures, nous irons faire le tour de l’île ensemble, promis Je me dis tout de suite qu’ils ont du se lever très tôt, et qu’ils doivent être fatigués. Alors, j’accepte tout de suite en hochant la tête. — Pas de souci, papi. — Reposez-vous bien. — Ne t’inquiète pas , j’attendrai patiemment jusqu’à 16 heures. Il me sourit, visiblement satisfait par ma réponse , et sans un mot de plus il rejoint assez rapidement l’étage. De mon côté, je m’install
Et dans un dernier regard suppliant vers la surface… Je crois voir quelque chose. Mes yeux s’ouvrent dans un dernier espoir de survie. Quelqu’un. Non. Pas quelqu’un. Quelque chose. Et puis… J’en suis sûre. Deux yeux s’arrêtent face à moi. Rouges. Immenses. Le loup. Ce loup. Mon loup. Il est là. Il a plongé pour me sauver. Mais, mes paupières sont trop lourdes. Tout se brouille. Tout va trop vite. Ou peut être un peu trop doucement. Je perds connaissance. Mes yeux se ferment. Le noir. Le néant de mon âme. Combien de temps ? Je sais pas ! Quand j’ouvre les yeux à nouveau, je suis allongée sur de la terre mouillée. J’aspire une grande bouffée d’air. Puis une autre. Je tousse violemment. De l’eau me remonte dans la gorge. J’ai envie de vomir à cause de toute l’eau salée que j’ai avalé. Je fixe droit devant moi. Choquée. Confuse. C’est la que mon regard se pose vraiment sur lui. Un homme est penché au-dessus d
Le temps s’écoule devant nous à une lenteur inimaginable, ses yeux restent posés sur moi, complètement figés, mais aussi assombris par quelque chose qu’il tente de contenir, mais que je sens déjà sur le point de déborder… Parce que son torse se soulève de plus en plus rapidement, et que son souffle est court, chaud, et irrégulier. — Ça ne change rien, Mira. — Il pourra le faire aussi, après moi… Il me crache ça d’une voix basse et brisée. Et sincèrement, ses mots ne peuvent que me transpercer de l’intérieur, mon cœur se serre, puis tremble assez violemment, et à ce moment-là, quand mes yeux s’accrochent aux siens, la seule chose qui me vient à l’esprit ce n’est pas de lui répondre pour tenter de le réconforter, c’est plutôt de lui montrer à quel point je peux lui appartenir… À quel point ce lien qui nous lie l’un à l’autre peut être plus puissant que tout… Ça se fait tout seul, presque instinctivement, et sûrement même sans trop y réfléchir avant. Je lui arrache un baise
Alors, d’un regard tremblant, je détourne la tête vers Kalyus, qui est totalement figé, son visage se crispe à mesure que son regard s’assombrit, et d’un simple clignement de cils, soudain… il explose. — JAMAIS ! La table vole contre le mur, son cri s’arrache de sa gorge, il est presque inhumain, et il me coupe le souffle et me glace instantanément sur place. Il avance ensuite vers Mado d’une démarche assez menaçante, il a les poings serrés, les nerfs des joues qui battent, la rage débordante de son regard, puis il lui fait face, et grogne d’une haine à peine contenue : — Humaine ! Tu oses penser que lui, un simple bêta, pourrait poser sa marque sur elle ? Que son odeur pourrait couvrir la mienne ? C’est un affront ! Un déshonneur ! Pour moi, Lycan. À ce moment-là, au timbre de sa voix, à sa posture, mais aussi à la manière dont il s’adresse à Mado, nous comprenons tous immédiatement que nous ne faisons plus face à Kalyus, mais bien à son Lycan. Et il a clairement l’air fou de r
Mado hausse les épaules et relève les yeux sur nous, puis elle passe le doigt sur la plaque de métal, avant de saisir le parchemin de la prophétie de Dhelesys.Elle nous fixe ensuite pendant un court moment, comme si elle cherchait les bons mots avant de commencer, et enfin, d’une voix posée, elle finit par répondre :— Effectivement, Kalyus, tu as raison, ce texte est clair : seul un être doté des trois capacités (magie, humanité et force animale) peut activer cette relique pour prétendument détruire les Chartrux. Autrement dit, il est probable que pour pouvoir complètement activer et manier cette arme, Mira doit devenir cet hybride.Elle marque une courte pause, déroule le parchemin de Dhelesys, passe son doigt sur les textes et pointe du doigt un passage clé :— Lorsque les trois cœurs seront réunis et se scelleront les uns aux autres…Elle relève les yeux sur nous et regarde les garçons.— Les morsures que vous lui avez infligées ne sont finalement pas anodines : en y réfléchissan
Je vois bien que ça va mal tourner entre Kalyus et Loan, les regards qu’ils s’échangent sont remplis de colère, de défi, mais aussi de non-dits, et si ça continue comme ça, si Loan continue de lui tenir tête, je sais que ça va dégénérer, et il est clair que je ne peux pas les laisser s’exploser ici, je dois donc rapidement intervenir avant qu’ils ne passent à l’acte. — Bon, ça suffit maintenant ! Ma voix claque, elle est forte et ferme, ce qui a d’ailleurs l’air de les surprendre, parce que les deux se figent, se tournent vers moi et me fixent, je les défie donc du regard en les fixant l’un après l’autre… Clairement, nous n’avons pas de temps à perdre avec leurs conneries de domination. — Nous n’avons pas de temps à perdre avec vos disputes ! Ça s’arrête ici. Point. Je laisse peser mes mots un instant, puis je passe à autre chose, je dépose la relique sur la table, je déplie ensuite le morceau de tissu qui l’enroule, et je la fixe. Dès que je la délivre, elle se met à briller imm
Mado, quant à elle, secoue la tête à nouveau tout en lâchant à voix basse :— Ce n’est plus possible maintenant !Je relève un sourcil, et malgré moi je lui demande :— Mais ? Qu’est-ce qui n’est plus possible maintenant, Mado, explique-toi ?Elle passe l’une de ses mains sur le bas de sa mâchoire, puis prend un ton grave quand elle nous répond :— Si je ne me trompe pas, Kalyus s’est présenté ici en me demandant comment procéder pour te transformer en louve sans te tuer.— Ceci aurait pu peut-être effacer cela, elle aurait pu te choisir toi !— Mais cela n’est plus possible, car nous venons de découvrir qu’elle est la sorcière porteuse de la flamme.Je me fige face à elle, je cligne des yeux en ayant une espèce d’illumination qui me transperce, parce que ce qu’elle vient de dire répond peut-être aux questions que je me posais jusqu’à présent : Et si c’était simplement ça ? Et si c’était comme cela que nous devions nous lier ? Et si la transformation n’était pas faite pour effacer et
J’aime l’effet que Loan peut avoir sur moi, tout autant que celui de Kalyus. Ils sont contraires l’un à l’autre, ils sont même entièrement différents, et ce qu’ils me procurent l’est également. Ils sont un peu comme le feu et la glace, ils brûlent chacun de leur propre intensité, et ils arrivent à perturber mes sens, mais aussi mes pensées.Je reste en retrait tout en les observant, mais aussi tout en repensant rapidement à tout ça, et surtout, plus précisément, à la morsure de Loan, à ce moment où il semblait perdu et où son loup a pris la décision de me mordre. Je sais que ça a énormément d’importance pour lui, tout comme pour Kalyus, mais…Le plus troublant dans ce geste, c’est que, à ce que j’ai pu comprendre de leur fonctionnement, ce geste signifie qu’il vient de me revendiquer comme étant sa compagne. Mais le problème qui se pose à nous, c’est que Kalyus l’a déjà fait avant lui, donc… La suite commence vraiment à m’inquiéter, et j’appréhende vachement notre retour sur leur terr
Les secondes puis les minutes s’écoulent très rapidement derrière nous, le sol tremble encore, les cris des Chartrux se font plus forts, plus présents, plus insistants, mais on continue, on avance, on ne s’arrête pas. — Là ! Ici ! Kalyus indique une petite fissure dans le sol, d’où un tout petit filet d’eau s’écoule et passe entre leurs jambes. Kalyus a eu du flair, car je pense que ce minuscule filet d’eau est notre salut. Il n’hésite pas, il fonce dans sa direction, et nous le suivons… Kalyus et Loan courent rapidement, sans perdre une seule seconde, et presque aussi vite que le temps s’écoule, nous remontons à une vitesse hallucinante jusqu’à la surface, chaque pas nous emmenant plus loin, plus haut, et probablement hors de cette foutue grotte. Je tiens fermement Kalyus, ses bras sont plaqués autour de moi, et de mon autre main, je serre l’artefact entre mes doigts, cette relique pour laquelle nous avons tous failli mourir : elle vibre, encore et encore, comme si elle avait
Mais le truc c’est que ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais.. Quand mes doigts saisissent l’objet, ils rencontrent une espèce de plaque : Une plaque de métal plus précisément, mais d’une matière que je ne connais pas, elle est noire, rugueuse, presque mouvante, comme si elle vivait à travers l’autel, c’est bizarre, super étrange même, je n’ai jamais vu de matériaux de cette sorte dans toute ma vie. Le souci qui se présente ensuite à moi c’est qu’elle est enfoncée assez profondément dans l’autel, comme si elle faisait partie de la structure elle-même. Je sens les symboles gravés sur sa surface vibrer sous mes doigts, ils ont l’air anciens, mais puissants aussi et toute cette énergie me transperce d’un seul coup, un peu comme si je venais de mettre mes doigts dans une prise de courant ! C’est fort, intense, et tous les poils de mon corps se redressent en même temps… Je crois bien que ce n’est pas qu’un simple morceau de métal que j’ai entre les mains, mais plutôt une espèce
Je me perds dans mes pensées… et mes yeux se posent un court instant sur Loan qui a l’air totalement guéri, ce qui arrive à me surprendre, mais il a aussi l’air de regretter profondément son geste. Je balaie ensuite l’endroit d’un regard lent, et autour de nous, les flammes sont toujours là, elles se nourrissent de la chaleur que dégage la grotte, mais aussi de toute la magie qui flotte dans l’air. Et même si les garçons se sont calmés d’un coup sec, ce n’est pas fini pour autant, car une agitation soudaine vient rompre le silence qui venait à peine de nous envahir : les Chartrux, qui étaient jusqu’à présent coincés de l’autre côté, tentent de franchir le mur de pierre qui nous sépare. Ils hurlent d’un cri strident, visiblement attirés par cette explosion de magie et de puissance que je viens de générer… Leur instinct est en feu, leur faim est réveillée… Ils deviennent carrément fous, et ils se retrouvent incapables de résister à l’appel de mon pouvoir. Ils foncent contre la pa