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Chapitre 4 : La Première Nuit

Author: Millie
last update Last Updated: 2025-05-02 21:18:24

Le vent hurlait sur les crêtes.

Isalys se tenait devant la fenêtre étroite de sa chambre, les bras croisés contre le froid. La première nuit était tombée, glaciale et silencieuse. Dans la vallée, la vie de la meute se poursuivait, presque normale. Des rires, des chants, des hurlements lointains. Mais elle, elle était à part.

Un choix. Une sentence.

Elle ne pouvait pas dormir. Pas encore.

Alors elle descendit. Pieds nus, enroulée dans une cape, elle quitta la chambre et emprunta les couloirs taillés dans la roche, attirée par une odeur familière : celle des plantes. Des racines. Du feu.

Le longhall était vide à cette heure, mais au fond, une porte était entrouverte. Elle s’en approcha à pas feutrés.

— Tu ne dors pas non plus ? murmura Vaena, sans même se retourner.

Elle écrasait des feuilles dans un mortier, concentrée. Le parfum de la sauge embaumait l’air. Des fioles, des pots d’argile, des racines séchaient suspendues au plafond.

— J’ai senti ton odeur, ajouta-t-elle. Tu portes encore celle de la forêt.

Isalys s’avança, fascinée.

— C’est toi qui prépares les soins pour la meute ?

Vaena hocha la tête.

— Thorne m’a formée lui-même. J’étais son apprentie avant de devenir sa Bêta.

— Tu étais… proche de lui ?

Vaena sourit, sans joie.

— Tout le monde veut être proche de Thorne. Mais il n’appartient à personne.

Isalys sentit une pointe de jalousie la traverser. Inutile. Irrationnelle. Pourtant bien réelle.

— Tu penses que je ne suis pas à ma place ici.

Vaena s’arrêta. L’observa un instant.

— Non. Je pense que la Lune ne se trompe jamais. Même si ses choix nous déplaisent.

Elle lui tendit une fiole.

— Bois. Ça t’aidera à dormir.

Isalys hésita. Puis but. Un goût amer lui coula dans la gorge, mais une chaleur douce s’installa aussitôt dans son ventre.

— Vaena…

— Oui ?

— Thorne… il a toujours été comme ça ? Froid ? Maître de lui ?

Vaena réfléchit.

— Il n’est pas froid. Il est brisé. Depuis la guerre. Depuis la trahison.

— Quelle trahison ?

Vaena détourna les yeux.

— Ce n’est pas à moi de te le dire.

La première nuit passa. Puis la deuxième.

Isalys tenta de fuir les regards. Elle erra dans la vallée, apprit à reconnaître les membres de la meute. Certains l’évitaient. D’autres l’observaient avec curiosité. Un enfant lui tendit même une fleur, sans raison. Elle remercia, émue.

Mais chaque nuit, elle rêvait de lui.

De Thorne.

Il apparaissait toujours au même endroit : dans la forêt. Torse nu, ses cheveux sombres alourdis de pluie, ses yeux dorés brillants d’émotions qu’il ne montrait jamais éveillé. Dans ces rêves, il lui parlait. Il la touchait. Il murmurait son nom comme un serment ancien.

Et chaque matin, elle se réveillait avec le cœur battant, hantée par un manque qu’elle ne comprenait pas.

La troisième nuit, elle se rendit au cercle sacré.

Une clairière interdite, cernée par des pierres noires gravées de runes anciennes. Vaena lui avait indiqué le chemin, en silence.

Là-bas, elle trouva Thorne. Seul.

Il était assis sur l’herbe, nu, le corps marqué de cicatrices anciennes. Son dos portait une longue entaille en forme de croissant. Il ne se retourna pas.

— Tu ne devrais pas être ici, dit-il.

— Et toi ?

Il eut un rire bref.

— Je suis l’Alpha. Je vais où je veux.

Elle s’approcha.

— Tu m’as dit que je pouvais partir, si je le voulais.

— C’est vrai.

— Tu m’as aussi dit que la meute s’effondrerait sans moi.

— Oui.

Elle s’assit près de lui, frissonnante.

— Tu me manipules, Thorne ?

Il tourna enfin la tête. Son regard la transperça.

— Non. Je te préviens.

Un silence s’installa.

— Pourquoi moi ? demanda-t-elle. Il y a des femmes magnifiques ici. Fortes. Lycans. Pourquoi une humaine ?

Thorne ne répondit pas tout de suite. Il ramassa une fleur blanche entre ses doigts. La tourna doucement.

— Je l’ignore. Mais je sens ta présence comme un appel. Comme un feu que je ne peux pas éteindre.

Il se leva, s’approcha d’elle. Lentement.

— Ton odeur me rend fou. Ton regard me désarme. Et pourtant, je ne peux pas t’obliger. Ce serait trahir ce lien.

Elle leva les yeux vers lui.

— Alors qu’est-ce que tu veux ?

Il tendit la main. L’effleura à peine.

— Je veux que tu restes… par choix.

Et elle sut, à ce moment précis, qu’elle resterait jusqu’à la septième nuit.

Et peut-être même au-delà.

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