SofiaIl me plaque contre le mur si violemment que la pierre râpe mes omoplates. Le choc arrache un cri étranglé à mes lèvres. Mon souffle se coupe, mon cœur se cabre dans ma poitrine comme une bête affolée, prête à bondir ou à mourir. Ses yeux me brûlent, ses mains m’emprisonnent, et je comprends que je suis tombée dans un piège qui ne me laissera aucune échappatoire.Chaque centimètre de mon corps perçoit sa présence : la chaleur écrasante, l’odeur de tabac et de cuir, le martèlement de son pouls que je devine jusque dans ses veines tendues.— Tu crois vraiment pouvoir me fuir, Sofia ? gronde-t-il, son souffle contre ma joue, rauque, félin, possessif.Je serre les dents. Je veux lui montrer qu’il ne gagnera pas. Même maintenant, même avec ses doigts qui s’enfoncent dans mes poignets comme des fers invisibles, je refuse de lui donner cette victoire.— Un jour… tu me perdras, Elio.Il éclate d’un rire sombre, guttural, un rire qui n’a rien d’humain. Il vibre dans mes os comme un écho
SOFIAJe me tiens toujours au bord du lit, le cœur battant trop vite, mes larmes refusant de céder à l’abîme. Elio vient de reculer, son corps tendu comme un arc. Le silence de la chambre est saturé d’électricité. Si je me tais, tout retombera, mais quelque chose en moi refuse.Je ne peux plus être seulement une ombre.Alors je lâche les mots les plus dangereux qui me traversent l’esprit.— Si tu ne me laisses pas travailler, Elio…Il me fixe, ses pupilles sombres, glaciales, attendant la suite comme on attend un coup de couteau.Je relève le menton, chaque fibre de mon corps tremblant mais décidée.— … alors je coucherai avec chacun de tes gardes. Un par un. Dans ta propre maison. Et je te laisserai regarder ce que tu n’as pas voulu me donner : ma liberté.Le silence explose dans mes oreilles. Même mon souffle me paraît trop fort. J’ai peur. Terriblement. Mais j’ai dit ce que je devais dire.ELIOSes mots. Ses mots me transpercent comme une balle. Je reste immobile, mais à l’intérieu
SOFIALa chambre est baignée d’une lumière tamisée. Les rideaux sont tirés, mais quelques éclats de la ville s’infiltrent par les interstices. Je suis assise au bord du lit, les mains jointes, à écouter le bruit de l’eau dans la salle de bain. Chaque éclaboussure résonne comme une ponctuation dans mes pensées.Tout à l’heure, en bas, nous avons partagé un repas presque normal. Presque. J’ai senti la chaleur d’un moment simple, comme si nous étions deux âmes capables de réapprendre à s’aimer. Mais maintenant, l’illusion me glisse entre les doigts. Le quotidien revient, avec ses ombres et ses chaînes invisibles.La porte de la salle de bain s’ouvre. La vapeur s’échappe comme un souffle tiède. Elio apparaît, une serviette enroulée autour de la taille, ses cheveux encore humides, quelques gouttes courant le long de son torse. Je devrais être hypnotisée par ce spectacle, comme avant, mais quelque chose plus fort me brûle les lèvres.— Elio…Il s’arrête, me regarde. Ses yeux sombres accroch
ELIOJe referme la porte derrière moi, et le silence de la maison m’engloutit. Ce n’est pas le silence froid d’un lieu vide, c’est un silence chargé, presque vibrant. Comme si les murs retenaient leur souffle, comme si l’air lui-même attendait la suite.Mes yeux se posent sur elle. Sofia. Debout, immobile, la lumière du lustre glissant sur ses cheveux. La table est dressée, le repas nous attend. Mais ce n’est pas la table qui attire mon regard. C’est elle. Ses mains tremblent imperceptiblement, ses yeux cherchent les miens sans oser s’y accrocher trop longtemps.Je devrais avancer, briser ce vide. Pourtant, je reste figé, prisonnier d’un paradoxe : je la veux, je la crains.SOFIAJe le regarde. Enfin. Elio est là, et pour une fraction de seconde, j’ai envie de courir vers lui, de l’enlacer comme avant. Mais quelque chose me retient. Peut-être la fatigue dans ses yeux, peut-être le masque encore collé à sa peau.Alors je reste à ma place, la gorge serrée.Les employés ont préparé le re
ELIOJe quitte la maison à l’aube. La lumière filtrant à travers les rideaux dessine des lignes pâles sur le parquet, comme si le jour lui-même hésitait à s’imposer. Le silence dans la chambre me suit, lourd et tenace. Sofia dort encore, ou peut-être est-elle éveillée mais immobile, figée dans ce moment suspendu que nous avons laissé s’étendre entre nous. Son absence pèse sur moi plus que je ne veux l’admettre. Je sens cette présence fantomatique, comme une chaîne invisible autour de mon cœur, à chaque pas que je fais vers la voiture.La route est déserte, les rues presque muettes. Le moteur ronronne sous mes mains crispées sur le volant. Je devrais me sentir libéré, délivré de ce poids domestique, mais je ne le suis jamais vraiment. Chaque trajet vers le travail est un rappel brutal : je suis un homme coincé entre deux mondes celui que je contrôle avec précision, celui que je crains de perdre à chaque instant.À mon arrivée à l’entreprise, le monde change. Les portes automatiques s’o
ELIOJe ferme la porte derrière moi, mais ce n’est pas un mur de bois qui me sépare d’elle, c’est un gouffre. Une faille béante qui s’élargit à chaque pas que je fais loin d’elle, loin de ce que nous étions. Je sens le poids du silence s’abattre sur mes épaules. Ce silence qui n’est pas apaisant, mais oppressant, suffocant. Il remplit la pièce comme une marée noire, envahit mes pensées et noie mes doutes.Je me surprends à chercher dans ma mémoire l’écho d’un rire, d’un regard complice, d’un souffle partagé. Mais tout se dissout, chaque fragment s’efface, comme balayé par la froideur de ce moment.Pourquoi est-ce si difficile de rester simplement proche, d’effleurer la tendresse sans la briser ? Pourquoi suis-je cet homme qui construit des murs au lieu d’ouvrir des fenêtres ?Je ferme les yeux. Je revois son visage, ses lèvres effleurées, son souffle qui s’est suspendu un instant. Ce baiser fragile, promesse inachevée, menace silencieuse de ce que nous pourrions encore être.Et pourt