Le matin se leva paresseusement sur le domaine. Une brume fine glissait au-dessus du jardin comme un voile pudique sur la réalité de la veille. Belvida s'éveilla avec une étrange sensation dans la poitrine, un mélange d'impatience et de trouble. Elle tenta de se convaincre que ce n'était rien. Une nuit douce, une conversation banale, un moment suspendu. Cela ne signifiait pas qu'elle devait commencer à rêver.
Mais en descendant les marches du grand escalier, elle réalisa qu'elle cherchait quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Le personnel s'affairait, la maison était en mouvement. Les décorateurs s'étaient installés dans le hall, préparant une nouvelle réception pour la fin de semaine. Rodrigo avait prévu un dîner d'affaires avec un investisseur venu de Singapour. Tout était prétexte à la grandeur. Belvida faisait mine de s'intéresser à la disposition des fleurs, à la vaisselle, à l'agencement des canapés. Mais en réalité, ses yeux vagabondaient, à la recherche de cette silhouette familière. Et quand elle le vit, à l'entrée de l'aile ouest, en train de parler avec un autre employé, elle sentit son cœur faire un bond discret, mais bien réel. Il était là. Comme toujours. Mais différent à ses yeux. Ou peut-être était-ce elle qui changeait. Leur regard se croisa. Quelques secondes à peine. Mais cela suffit. Un frisson, une chaleur soudaine, une tension dans l'air. Il détourna les yeux rapidement, reprenant sa discussion. Elle, elle fit semblant de ne pas avoir remarqué. Mais ils savaient. Plus tard dans la journée, elle descendit dans le jardin, un livre à la main, mais l'esprit ailleurs. Elle s'assit sous un arbre, là où la veille, ils avaient parlé. Elle tenta de lire, de se concentrer. En vain. Puis il passa. Non loin. Il marchait lentement, un talkie-walkie à la main, ses pas mesurés. Il l'aperçut. Hésita. Puis continua. Mais avant de tourner, il la regarda une fois encore. Pas un mot. Juste un regard. Et elle sourit. Ce petit jeu silencieux continua toute la semaine. Parfois, ils se croisaient sans rien dire. D'autres fois, un simple bonjour suffisait à troubler la journée entière. Il y avait dans chaque échange une tension discrète, comme si leurs silences disaient tout ce que leurs lèvres n'osaient formuler. Stéphane, de son côté, se détestait presque de remarquer ses tenues, ses gestes, la façon dont elle attachait ses cheveux. Il s'efforçait de rester professionnel, distant. Mais chaque sourire de Belvida le déstabilisait davantage. Et pourtant, il ne faisait rien pour fuir. Il continuait à se trouver là, dans les couloirs qu'elle empruntait, dans les jardins qu'elle fréquentait. Comme un complice silencieux. Le crépuscule s'était posé sur le domaine comme une caresse. La lumière dorée filtrait entre les arbres, peignant les murs d'ombres douces. Belvida, incapable de se concentrer sur ses lectures ou sur les répétitions de piano que sa mère exigeait, décida d'aller se promener dans les serres du jardin, un lieu souvent désert en fin de journée. Elle poussa la porte vitrée. L'air y était tiède, parfumé par les jasmins en floraison et les orchidées suspendues. Elle avança lentement, ses doigts effleurant les feuillages. Un bruit léger la fit sursauter. Elle se retourna. Stéphane. Il se figea à quelques mètres, surpris de la voir là. - Pardon, mademoiselle, je ne savais pas que vous étiez ici. Je venais... vérifier les lumières de sécurité. Elle hésita. Puis haussa les épaules avec un sourire. - Vous n'avez pas à vous excuser. Ce jardin est à tout le monde, non ? Il hocha la tête, mal à l'aise. Puis, au lieu de partir, il resta là, les mains dans les poches, à la regarder. Un silence s'installa, plus éloquent que mille phrases. - Vous aimez les orchidées ? demanda-t-il finalement, pour combler le vide. - Oui... elles sont mystérieuses, indomptables, élégantes sans effort. Un peu comme certaines vérités, vous ne trouvez pas ? Il la regarda, intrigué par ses mots. - Vous parlez souvent par énigmes ? - Non, seulement quand je sens que la personne en face peut comprendre. Il ne répondit pas tout de suite. Puis, dans un souffle : - Je crois que je comprends. Un battement de cœur suspendu. Puis elle détourna le regard, nerveuse. - Il se fait tard... je vais rentrer. Mais elle ne bougea pas tout de suite. Il fit un pas de côté, lui laissant le passage. Et au moment où elle passa à côté de lui, leurs bras se frôlèrent. Accidentellement. Peut-être. Et ce fut tout. Mais ce fut assez pour que la nuit entière en garde l'écho.La grande horloge murale de la salle de commandement affichait 18 :00 précises. Le silence pesant qui avait régné pendant les minutes précédentes fut soudain brisé par une voix ferme et déterminée :—« C’est l’heure. Déploiement immédiat. Opération Zeta-47-B, lancement autorisé. »À bord de l’unité tactique Alpha 1, Stéphane referma sa combinaison pare-balles, l’œil déterminé. Il hocha la tête, comme s’il s’y attendait. Autour de lui, les membres de l’unité finalisaient les derniers préparatifs. L’hélicoptère vrombissait au-dessus du périmètre de la zone Zeta-47-B, balayée par les projecteurs thermiques et les drones de surveillance.Le site Zeta-47-B, caché dans une ancienne base logistique abandonnée à la lisière nord de la forêt de Mavou-Tsinga, venait d’être repéré grâce aux indications précises de Kaël. Protégé par un système de sécurité autonome et partiellement souterrain, l’endroit avait été bâti pour dissimuler une technologie sensible à l
Salle de commandement – QG de l’unité spéciale La porte blindée s’ouvrit en coulissant lentement. Stéphane entra, le visage tendu mais maîtrisé. Ses traits portaient encore les marques de l’émotion qu’il venait de vivre auprès de Belvida. Mais dans ses yeux, une lueur s’était rallumée : celle du soldat, du stratège, de l’homme de terrain. Marcelo l’accueillit d’un bref signe de tête. — « Comment va-t-elle ? » demanda-t-il, tout en désignant du menton l’écran central. — « Stable. Les contractions sont sous contrôle. Elle est entre de bonnes mains. » répondit Stéphane en s’approchant de la table tactique. « Maintenant Zeta-47-B. » Le silence dans la pièce était chargé de tension. Toutes les unités étaient en position d’alerte. Sur les écrans géants, des vues satellitaires montraient une zone montagneuse isolée, dense en végétation et protégée par une ancienne base souterraine désaffectée depuis des an
Salle d’interrogatoire 1 – 06h25 Le silence dans la salle était lourd, ponctué seulement par le bruissement du papier que l’agent juridique dépliait. Trois copies de l’accord étaient posées sur la table. Chaque mot avait été pesé, chaque clause discutée en urgence dans les coulisses du cabinet de crise. Marcelo observait la scène depuis la salle d’observation, les bras croisés, le regard dur. Stéphane, lui, était déjà assis en face de Kaël, les traits encore tirés par la fatigue, mais son regard était ferme. Un homme en costume sombre, envoyé spécial du ministère de la Défense, s’approcha de Kaël avec un stylo. — « Comme convenu, déclara-t-il. L’immunité vous est accordée à condition que toutes les informations soient vérifiables. Si vous mentez ou omettez la moindre chose, cet accord devient nul et non avenu. » Kaël esquissa un léger sourire, ironique. — « Vous me prenez pour un idiot ? Si je
Le ministre de la défense apparaît sur l’écran géant de la salle stratégique. Il prit la parole, la mâchoire serrée, les yeux sombres.—« Après délibération du cabinet exécutif restreint, voici notre réponse. »Stéphane, encore faible, était assis à côté de Marcelo. Malgré les premiers soins, ses traits restaient marqués par les jours de torture. L’ensemble de l’unité, y compris Léa suivait la vidéoconférence dans une tension palpable.Le ministre poursuivit :—« Il n’est pas dans les principes de la République de négocier avec des terroristes, encore moins avec des traîtres. Toutefois, compte tenu de l’enjeu exceptionnel que représente le VX-9 Spectre, nous sommes disposés à entendre ce que ce chef de groupe a à dire. »Il marqua une pause, puis ajouta d’une voix plus grave encore :—« Cela signifie que nous acceptons de garantir sa vie et son intégrité physique jusqu’à la fin de l’interrogatoire. Mais en aucun
La salle de commandement du QG était plongée dans une tension sourde. Les visages étaient graves, les épaules alourdies par l’intensité des dernières heures. Marcelo entra le dernier, son uniforme encore froissé par le terrain, mais son regard clair et tranchant comme la lame d’un scalpel.Les écrans tactiques affichaient une carte du secteur 14D, les relevés de balayage radar, ainsi que le schéma du complexe souterrain d’où Stéphane avait été extrait quelques heures plus tôt. Sur le mur du fond, un immense écran s’alluma soudainement, révélant le visage du Ministre de la Défense, en direct depuis son bureau sécurisé.-« Mesdames et messieurs, commença-t-il, je tiens à saluer votre efficacité et votre sang-froid. La nation vous doit une fière chandelle. »Un murmure respectueux parcourut la pièce. Marcelo se redressa.-« Monsieur le ministre, l’opération a permis de libérer le Commandant Morel, mais nous avons mis au jour une menace plu
Les ordres étaient clairs et récis.À l’aube, une brume dense s’élevait au-dessus du secteur 14D, un vaste territoire semi-industriel, abandonné depuis des années, aujourd’hui quadrillé par l’élite tactique du pays. Chaque ruelle, chaque hangar, chaque bâtiment en ruine était désormais sous surveillance.Marcelo était le premier sur le terrain, armé de son calme glacial et de sa détermination farouche. Il coordonnait en silence le déploiement des unités Alpha, Bravo, Charlie et Delta. Des tireurs d’élite, positionnés sur les toits les plus hauts, scrutaient l’horizon avec patience, couvrant chaque angle, prêts à neutraliser la moindre menace.-« Ici Bravo, position acquise. »-« Charlie, en place. »-« Delta, prêts à l’action. »-« Snipers synchronisés, on attend ton feu vert, commandant Marcelo. »Dans le fourgon de commandement mobile, Léa suivait la mission sur les écrans. Elle n’avait p