La nuit était tombée sur la villa comme un rideau de velours, étouffant les bruits du monde extérieur. Seuls les murmures des feuilles caressées par le vent osaient troubler le silence. Belvida, debout à sa fenêtre, fixait l'obscurité avec un étrange mélange de sérénité et de trouble.
Depuis le gala, quelque chose avait changé. Il ne s'était rien passé de flagrant, aucun mot échangé hors des salutations habituelles. Mais un regard, un frôlement, une pause légère dans un couloir... Tout prenait une densité nouvelle. Stéphane n'était plus un simple visage dans le décor. Il était devenu une présence. Une énigme. Une tension douce mais persistante. Elle se souvenait encore du moment furtif où leurs yeux s'étaient croisés alors qu'elle descendait les escaliers. Ce n'était qu'un regard. Un seul. Et pourtant, il avait éveillé en elle un feu qu'elle peinait à contenir. Ce soir-là, l'envie de le revoir, de lui parler vraiment, la poussa à quitter sa chambre. --- Là, elle peut sortir dans le jardin, et c'est là que commence le premier vrai échange, de manière logique et fluide. Elle descendit lentement les escaliers, pieds nus, le cœur battant sans raison apparente. Dans la pénombre de la maison endormie, chaque craquement du bois sous ses pas semblait résonner plus fort. Elle connaissait par cœur le chemin jusqu'au jardin, mais ce soir, il lui semblait nouveau. Chargé d'une attente. La fraîcheur nocturne l'enveloppa lorsqu'elle franchit les portes vitrées. Les lumières tamisées du jardin, savamment disposées pour créer une atmosphère feutrée, baignaient les lieux dans une lueur dorée. Belvida inspira profondément, comme pour se libérer du poids invisible qu'elle portait. Et puis, elle le vit. Stéphane était là, près de la fontaine. Immobile, presque figé dans l'ombre, il semblait perdu dans ses pensées. La lune dessinait des reflets argentés sur son visage. Il ne l'avait pas encore remarquée. Belvida hésita. Devait-elle rebrousser chemin ? Faire comme si cette impulsion nocturne n'avait jamais existé ? Mais ses pieds s'étaient déjà mis en mouvement. « Vous travaillez encore ? » demanda-t-elle doucement, sa voix presque un murmure. Stéphane se tourna, surpris. Lorsqu'il la vit, sa surprise fit place à quelque chose d'indéfinissable. Il inclina la tête avec respect, comme il le faisait toujours. « Je faisais une ronde de sécurité, mademoiselle. » Elle sourit doucement. « Vous pouvez m'appeler Belvida. » Un court silence s'installa. Pas un silence gênant, mais un de ceux où les mots sont inutiles un instant. « Vous aimez les nuits comme celle-ci ? » poursuivit-elle, croisant les bras pour se protéger de la brise. Il haussa légèrement les épaules. « Elles sont calmes. Le silence dit beaucoup. » Elle le fixa. « Vous êtes toujours aussi... réservé. » Il détourna les yeux, esquissant un sourire discret. « Le silence m'évite les maladresses. » Belvida laissa échapper un rire léger. Pas moqueur. Juste sincère. « Et moi, j'ai tendance à trop parler quand je suis nerveuse », avoua-t-elle. Un regard. Un vrai. Un de ceux qui pèsent plus qu'un long discours. Stéphane semblait la voir vraiment pour la première fois. Pas comme la fille d'un milliardaire. Pas comme une jeune héritière capricieuse. Mais comme une femme. Fragile. Curieuse. Humaine. « Pourquoi êtes-vous sortie ? » osa-t-il demander. Elle regarda la fontaine, la lueur dansante des lampes. « J'avais besoin d'air. Et... peut-être de réponses. » « Des réponses à quoi ? » Elle le fixa, le regard sérieux. « À cette chose étrange qui me pousse à vous parler, alors que je ne sais presque rien de vous. » Un souffle. Un frisson. Peut-être les deux. Stéphane s'inclina légèrement. « Parfois, on n'a pas besoin de connaître les gens pour les sentir. » Elle resta là un instant, bouche entrouverte, frappée par la justesse de ses mots. Puis elle sourit. Un sourire vrai, tendre, différent de tous ceux qu'elle avait portés jusqu'ici. « Bonne nuit, Stéphane. » Et elle tourna les talons, laissant derrière elle un parfum de mystère, et une certitude nouvelle : ce n'était que le début. Elle remonta dans sa chambre d'un pas lent, presque hésitant, comme si quitter le jardin revenait à rompre un charme. Une fois la porte refermée derrière elle, elle resta immobile quelques instants, dos appuyé contre le bois, les yeux clos. Ce n'était qu'une simple conversation. Quelques mots échangés sous les étoiles. Rien d'exceptionnel. Rien que son père ne désapprouverait pas. Rien que sa mère ne pourrait interpréter comme un faux pas. Et pourtant... Elle rouvrit les yeux, traversa la pièce, et s'installa de nouveau près de la fenêtre. La nuit semblait moins obscure à présent. Un peu comme si elle avait reçu un éclat de lumière venue de nulle part. Ou plutôt de quelqu'un. Stéphane. Il n'avait rien dit de bouleversant. Rien de romantique. Mais il y avait dans ses silences une profondeur qui l'avait ébranlée. Une sincérité brute, rare, presque désarmante. Il n'avait pas cherché à la séduire. Il n'avait pas joué. Il avait juste été... lui-même. Et elle, pour la première fois depuis longtemps, s'était sentie aussi elle-même. Débarrassée de son image publique, de l'élégance forcée, des sourires appris. Là, dans ce jardin, elle avait cessé d'être la fille du milliardaire. Elle avait été juste Belvida. Elle se leva, se dirigea vers sa coiffeuse, et s'observa dans le miroir. Ses traits semblaient différents. Plus doux. Moins tendus. Elle pensa à ses amis, à ceux qui lui envoyaient des messages légers, à ces garçons qui l'entouraient lors des soirées, à ceux qui riaient trop fort, regardaient trop bas, ou parlaient d'eux-mêmes sans jamais l'écouter. Stéphane n'était pas comme eux. Elle baissa les yeux, se demanda si elle devenait folle. Ce n'était qu'un échange de quelques minutes. Et pourtant, elle savait déjà qu'il resterait gravé. Un moment suspendu. Elle se laissa tomber sur son lit, les bras écartés, le regard fixé sur le plafond. Était-ce grave de ressentir cela ? De ressentir quelque chose ? Elle pensa à son père. À ses projets. À ses règles. À son contrôle invisible mais permanent. Elle pensa à sa mère. À ses silences. À son regard absent, parfois triste, souvent éteint. Et elle comprit. Elle ne voulait pas finir comme elle. Prisonnière de ce monde doré. Elle voulait plus. Et peut-être... ce plus avait un nom. Et une voix calme, grave, et un regard profond. Stéphane.Quelques semaines s’étaient écoulées dans la forteresse entourée de pins et protégée par les meilleurs dispositifs de sécurité, qui offrait une paix précieuse que Stéphane et Belvida n’avaient pas connue depuis longtemps.La vie y coulait lentement, rythmée par les balades matinales, les petits-déjeuners en terrasse, et les longues soirées passées à lire ou discuter au coin du feu. Belvida, dont le ventre s’était encore arrondi, rayonnait dans cette atmosphère apaisée. Stéphane, attentif et doux, se montrait plus présent que jamais. Il avait troqué les armes et les urgences contre les soins, les mots tendres, et les repas faits maison.Mais un matin, alors que le soleil se levait à peine sur la cime des arbres, un cri retentit depuis la chambre principale.—« Stéphane ! »Il bondit du lit, le cœur battant. Belvida, penchée contre le mur, respirait fort. Les contractions étaient revenues et cette fois, elles étaient régulières. Trop régu
Le soleil caressait doucement l’asphalte de l’aéroport privé où le jet les attendait, prêt à les emmener vers une nouvelle vie. Stéphane et Belvida avaient passé la nuit précédente à leur manoir, rangé ce qui devait l’être, confié le reste à des mains sûres, puis avaient fermé les portes sans se retourner. L’heure n’était plus aux regrets. C’était un nouveau départ.Rodrigo avait mis à leur disposition un jet privé, équipé de tout le confort possible, et surtout d’une destination bien précise : une somptueuse forteresse sécurisée dans les montagnes californiennes, construite depuis quelques mois dans la plus grande discrétion. Une retraite dorée, loin du tumulte, mais protégée par les plus hauts standards technologiques. C’était sa façon à lui de veiller sur sa fille à distance.Le vol s’annonçait long mais tranquille. Belvida, installée confortablement sur les sièges moelleux de l’appareil, ferma les yeux, laissant son époux gérer les derniers détails du plan
La soirée s’annonçait sereine, presque parfaite, alors que Stéphane et Belvida prenaient la route pour rendre visite à ses beaux-parents. Le trajet avait été calme, sans urgence, un moment rare où ils pouvaient simplement profiter de leur compagnie mutuelle après des mois de stress. Quand ils arrivèrent à la grande demeure de Rodrigo et Blandine, le contraste avec leur récente réalité frappait. Ici, tout semblait tranquille, intemporel, presque comme un havre de paix.Blandine les accueillit avec un sourire chaleureux, presque soulagée de les voir en sécurité après toute cette période d’incertitude. Elle prit Belvida sous son aile, l’emmenant dans une pièce tranquille de la maison pour discuter entre femmes. Pendant que les deux femmes partageaient un moment de complicité, parlant de tout et de rien, Stéphane et Rodrigo se dirigèrent vers le salon, où un verre de whisky les attendait, posé sur une petite table en bois sombre.Rodrigo, avec son caractère solide
Après des heures d’intense tension et de décisions critiques, Stéphane ferma doucement la porte de la salle de commandement derrière lui. L’atmosphère lourde de la guerre froide venait de céder place à un silence presque réconfortant dans les couloirs du QG.Il marcha d’un pas plus lent, presque prudent, comme s’il ne voulait pas troubler la paix retrouvée. Lorsqu’il poussa la porte de l’infirmerie, la lumière tamisée baignait la pièce d’une chaleur douce.Belvida était allongée sur le lit, adossée à un oreiller, un plaid léger couvrant son ventre arrondi. Ses yeux se levèrent aussitôt vers lui, remplis de soulagement.—« Tu es là… » souffla-t-elle, un sourire apaisé au coin des lèvres.—« Je suis là, mon amour. Et cette fois, pour de bon. »Il s’approcha sans dire un mot de plus, prit doucement sa main entre les siennes, puis s’agenouilla à son chevet. Ils restèrent ainsi un moment, sans avoir besoin de parler. Le sile
La grande horloge murale de la salle de commandement affichait 18 :00 précises. Le silence pesant qui avait régné pendant les minutes précédentes fut soudain brisé par une voix ferme et déterminée :—« C’est l’heure. Déploiement immédiat. Opération Zeta-47-B, lancement autorisé. »À bord de l’unité tactique Alpha 1, Stéphane referma sa combinaison pare-balles, l’œil déterminé. Il hocha la tête, comme s’il s’y attendait. Autour de lui, les membres de l’unité finalisaient les derniers préparatifs. L’hélicoptère vrombissait au-dessus du périmètre de la zone Zeta-47-B, balayée par les projecteurs thermiques et les drones de surveillance.Le site Zeta-47-B, caché dans une ancienne base logistique abandonnée à la lisière nord de la forêt de Mavou-Tsinga, venait d’être repéré grâce aux indications précises de Kaël. Protégé par un système de sécurité autonome et partiellement souterrain, l’endroit avait été bâti pour dissimuler une technologie sensible à l
Salle de commandement – QG de l’unité spéciale La porte blindée s’ouvrit en coulissant lentement. Stéphane entra, le visage tendu mais maîtrisé. Ses traits portaient encore les marques de l’émotion qu’il venait de vivre auprès de Belvida. Mais dans ses yeux, une lueur s’était rallumée : celle du soldat, du stratège, de l’homme de terrain. Marcelo l’accueillit d’un bref signe de tête. — « Comment va-t-elle ? » demanda-t-il, tout en désignant du menton l’écran central. — « Stable. Les contractions sont sous contrôle. Elle est entre de bonnes mains. » répondit Stéphane en s’approchant de la table tactique. « Maintenant Zeta-47-B. » Le silence dans la pièce était chargé de tension. Toutes les unités étaient en position d’alerte. Sur les écrans géants, des vues satellitaires montraient une zone montagneuse isolée, dense en végétation et protégée par une ancienne base souterraine désaffectée depuis des an