SASHALe silence n’a pas disparu.Il s’est juste déplacé. De la bouche d’Alexeï à mes veines. Il s’est glissé dans mes côtes, a serpenté le long de ma gorge, et maintenant, il pulse dans ma tempe comme une alarme muette. J’ai cru qu’en prononçant ces mots, en tenant tête à celui qui m’a façonnée, j’allais me libérer.Mais on ne casse pas ses chaînes sans entendre le bruit de métal dans son propre sang.Je marche lentement dans le couloir désert. Chaque pas résonne comme un tambour de guerre dans mes oreilles. Et pourtant, je me sens plus vivante que jamais. Plus nue, peut-être. Mais vivante. Exposée. Choisie.J’ai dit non. À Alexeï. Pour la première fois sans réserve. Pas dans le cadre d’un plan. Pas pour gagner du temps. Pas pour infiltrer un cercle.Non. Pour moi.Je trouve une porte entrouverte et m’y glisse. Salle d’archives, vide. Je ferme derrière moi. Je m’appuie contre le battant comme si je venais d’échapper à une explosion. Mes mains tremblent. Enfin. Il fallait que ça sorte
SASHANous ne sommes pas remonté tout de suite.Trop de vide dans les couloirs. Trop de jugements dans les regards.Alors je l’ai guidé vers les quartiers isolés, ceux qu’on utilise rarement.Une ancienne salle d’observation oubliée. Fenêtres calfeutrées. Rideaux lourds. Silence épais.Là, personne ne viendra.Là, on peut respirer sans armure.Je verrouille la porte.Luciano ne dit rien.Il ne sourit pas. Mais il ne recule pas non plus.Il me regarde comme on regarde une faille qu’on redoute de traverser. Mais qu’on désire plus encore.Je m’approche.Nos ombres s’effleurent avant nos corps.— Tu es sûre ? demande-t-il, sa voix plus rauque que d’habitude.— Non, je souffle. Mais j’en ai envie.Je pose mes doigts sur les siens. Il ne bouge pas.Il me laisse choisir.Et moi, je choisis le feu.Il fait un pas, puis un autre.Ses mains tremblent un peu quand elles viennent encadrer mon visage.Je ferme les yeux. Je retiens un frisson.— Tu as froid ?— Non. J’ai peur que tu partes.Il s’ap
SASHAQG, Salle des interfaces, deux étages sous la surfaceLe café est froid.L’ordinateur clignote devant moi.Et pourtant, je suis ailleurs. Très loin d’ici. Très loin de maintenant.Je revois ses yeux sur le toit. Ses mains glacées dans les miennes. Ce souffle mêlé au mien.Et cette promesse qu’il a laissée tomber comme une arme déposée : "Je mourrai plus. Pas tant que t’es là."Mais combien de temps tiendra-t-il ? Combien de temps avant qu’un autre plan, une autre folie, une autre guerre intérieure ne le rattrape ?C’est pour ça que je suis descendue ici.Pas pour fuir. Pour anticiper. Pour comprendre.Je tapote quelques lignes de code. Les caméras de surveillance du sous-sol se brouillent. Volontairement.Il ne sait pas que je les ai cryptées. Qu’aucune trace de ce qu’il a désactivé ne remontera sans passer par moi.Ce n’est pas une trahison.C’est une précaution.Parce qu’aimer Luciano, c’est toujours marcher sur le fil, entre la lumière et l’abîme.Le bruit d’une porte qui gli
SASHAToit du QG, entre ciel noir et vents froidsJe n’arrive plus à rester en bas.Trop de couloirs. Trop de visages. Trop d’air étouffé.Alors je suis remontée.Là où la ville bruisse, là où les néons clignotent comme des cœurs battants.Je suis revenue sur le toit.Là où je l’ai vu partir, la dernière fois.Luciano.Mes bras sont croisés contre ma poitrine. Pas pour me réchauffer. Pour me contenir.Parce que si je les lâche, je tombe en morceaux.Le vent mord ma peau nue, mais je m’en fous.Le froid est un rappel que je suis encore là.Pas comme lui.Pas comme son silence.Il a disparu dans les étages inférieurs il y a une heure.Personne ne m’a dit où.Mais moi je sais.Je sais ce que ça signifie quand il descend dans les profondeurs.Ce n’est pas un repli.C’est un adieu.Et moi, je reste là, immobile, avec cette phrase qu’il m’a laissée en suspend :“Tu m’as déjà.”Et pourtant il part.Et pourtant il s’efface.Et pourtant il me fuit.Je passe une main tremblante sur mon visage.
LUCIANOLe silence hurle.Plus fort que les cris. Plus fort que les armes.Il s'infiltre dans mes os, se mêle à mon souffle, s'étire dans les angles morts de cette salle sans fenêtres.Je suis seul.Pas parce qu’on m’a abandonné.Parce que je l’ai voulu. Parce que je le mérite.Assis sur cette chaise métallique, les coudes sur les genoux, je fixe un mur nu. Pas pour y lire un sens caché. Pas pour y trouver la paix.Juste pour ne pas croiser mon propre regard.Je n’ai plus besoin de miroir pour savoir ce que je suis devenu.Je suis mon propre tribunal. Et le verdict est tombé depuis longtemps.La veste noire gît au sol, abandonnée.Mes manches sont retroussées, mes poignets constellés de marques.Ma chemise est entrouverte, collée à ma peau par la sueur, la tension, ou peut-être le poids de tout ce que je n’ai pas dit.Sous mes clavicules, des bleus. Certains datent d’hier. D’autres… d’une autre vie.Ils racontent tout.Les combats.Les défaites.Les sacrifices faits dans l’ombre.Je m
Sasha Toit du QG, entre ciel noir et vents froidsJe l’ai trouvé là.Debout, face à la ville.Comme s’il cherchait dans les lumières lointaines une réponse que personne ne peut lui donner.Luciano.Il est là, comme toujours, seul au bord du gouffre.Il ne bouge pas quand j’approche. Le vent fouette sa chemise ouverte, soulève des mèches de ses cheveux sombres. Ses traits sont durs, creusés, figés.Mais ses épaules… ses épaules disent tout.Le poids qu’il porte. Le feu qui gronde en lui.Je reste à un mètre de lui.Assez proche pour qu’il sente ma présence. Assez loin pour qu’il choisisse s’il veut encore fuir.— Tu comptes rester là jusqu’au lever du jour ?Ma voix est douce. Plus pour moi que pour lui.J’ai peur de le briser. J’ai peur qu’il saute. Pas du toit. Mais dans ce vide qui l’appelle chaque jour un peu plus.Il tourne à peine la tête.— Le jour va se lever trop vite.Il dit ça comme on dit : tout va s’effondrer.Et je le crois. Parce qu’il n’a jamais eu peur du noir. Mais d