Ariane
Rafael me fixe, et je sens la gravité de ses paroles s’infiltrer dans ma peau comme une morsure.
— Elle te veut, répète-t-il.
Tout en moi rejette cette idée. Pourtant, une part de moi sait qu’il dit vrai.
Depuis que j’ai touché cette fille, quelque chose a changé. Une présence m’enlace, froide et insidieuse, et même maintenant, alors que l’ombre a disparu, je la sens encore.
— Pourquoi moi ? demandé-je d’une voix rauque.
Rafael détourne le regard, et ça m’agace.
— Parle, Rafael. Arrête de garder les choses pour toi.
Il serre les dents avant de souffler :
— Parce que tu es différente.
Je plisse les yeux.
— Tu vas devoir être plus clair.
Il hésite, puis se passe une main sur la nuque.
— Tu as un don, Ariane.
Je laisse échapper un rire amer.
— Tu veux dire ma capacité à guérir les autres ?
— Non. Pas seulement.
Son regard est brûlant d’intensité.
— Ce que tu fais… Ce n’est pas juste de la médecine.
Mon cœur rate un battement.
— Qu’est-ce que tu essaies de me dire ?
Il s’approche lentement, son ombre se superposant à la mienne sous le lampadaire blafard.
— Ton pouvoir est bien plus grand que tu ne l’imagines.
Un frisson me parcourt.
— C’est pour ça que cette chose me traque ?
Il hoche lentement la tête.
— Elle sent ton énergie. Elle sait ce que tu es.
Je recule, mais il m’attrape le poignet.
— Ariane. Il faut que tu comprennes. Si tu veux survivre, tu ne peux plus ignorer ce que tu es vraiment.
Un silence pesant s’installe.
Puis je murmure :
— Et si je ne veux pas de ça ?
Ses doigts se resserrent sur ma peau.
— Tu n’as pas le choix.
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Je rentre chez moi, mais le sommeil refuse de venir.
Je me tourne et me retourne dans mes draps, mon esprit en proie à un tumulte insupportable.
Les mots de Rafael résonnent encore.
Tu ne peux plus ignorer ce que tu es vraiment.
Mais qui suis-je, au juste ?
Une guérisseuse ? Une anomalie ? Une proie ?
Je finis par me lever et me diriger vers la salle de bain.
L’eau froide sur mon visage ne suffit pas à apaiser la brûlure qui s’installe en moi.
Je lève les yeux vers le miroir.
Et mon cœur manque un battement.
Je ne suis pas seule.
Une silhouette sombre se tient derrière moi.
Son reflet est flou, indistinct, comme un cauchemar qui refuse de se dissiper.
Ma respiration se bloque.
Puis, lentement, l’ombre bouge.
Un murmure effleure mes oreilles.
— Ariane…
Je me retourne d’un bond, le souffle court.
Mais il n’y a personne.
Juste le silence oppressant de mon appartement.
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Le lendemain, je suis une épave.
Chaque bruit me fait sursauter. Chaque ombre me semble menaçante.
Quand je pousse la porte de mon cabinet, je sens immédiatement qu’il y a quelque chose d’anormal.
L’air est plus lourd.
Je m’arrête net.
Quelqu’un est là.
Je me force à avancer, mon cœur battant la chamade.
Puis je le vois.
Un homme est assis sur le fauteuil face à mon bureau.
Grand, élancé, vêtu d’un costume sombre. Ses traits sont fins, aristocratiques, mais c’est son regard qui m’arrête net.
Noir.
Aucun éclat. Aucun reflet.
Comme un gouffre sans fin.
Il me sourit lentement.
— Docteur Ariane.
Ma gorge se serre.
— Qui êtes-vous ?
Il croise les jambes avec aisance, comme s’il était chez lui.
— Un ami.
Un frisson me parcourt.
— Je doute que ce soit vrai.
Son sourire s’élargit.
— J’aime votre lucidité.
Il se lève lentement.
— Nous devons parler.
— De quoi ? demandé-je, les nerfs à vif.
— De ce qui arrive.
Un silence tombe entre nous.
Puis il murmure :
— Vous n’avez plus beaucoup de temps.
L’air se fige.
Et je comprends que tout vient de basculer.
Ariane
L’homme me regarde, son sourire toujours en place, mais son regard est un abîme insondable.
Je recule d’un pas, le dos raide.
— Vous devriez partir.
Il hausse un sourcil, amusé.
— Est-ce une menace, docteur ?
— Un avertissement.
Je ne sais pas d’où vient cette certitude, mais je sens que cet homme—cette chose—ne devrait pas être ici.
Son sourire s’élargit.
— Vous commencez à comprendre.
Il s’approche, lentement.
Je ne bouge pas.
Pas question de lui montrer ma peur.
— Que voulez-vous ? demandé-je d’une voix dure.
— Vous offrir une issue.
Je fronce les sourcils.
— Quelle issue ?
— Un marché.
Je me crispe.
Rafael m’a prévenue. Il m’a dit que je ne pouvais pas ignorer ce que j’étais.
Cet homme… ou plutôt, cette présence, fait partie de cette vérité que je refuse encore d’accepter.
Il incline légèrement la tête.
— Vous êtes puissante, Ariane. Mais vous êtes aussi en danger.
Un frisson me parcourt.
— À cause de vous ?
Il rit doucement.
— Non. À cause d’elle.
Je sens mon souffle se couper.
L’ombre.
— Qu’est-ce que c’est ? soufflé-je.
Son sourire disparaît.
— Quelque chose d’ancien. De patient. De… persistant.
Ses yeux brillent d’une lueur étrange.
— Elle vous a choisie.
La pièce me semble soudain plus étroite.
— Pourquoi moi ?
— Parce que vous avez quelque chose qu’elle veut.
— Quoi ?
Il s’arrête à un mètre de moi.
— La lumière.
ArianeJe suis encore secouée par la vision. Mon souffle est court, mes doigts tremblent contre le sol froid du manoir.Rafael me soutient, mais je sens sa tension, sa méfiance brûlante dirigée vers Isolde.— Qu’est-ce que tu lui as fait ?Il se redresse, menaçant, prêt à attaquer.Isolde ne bouge pas.— Je lui ai simplement montré ce qu’elle a toujours su.Je ferme les yeux, essayant d’éloigner les images qui dansent encore derrière mes paupières.Un champ de bataille.Un homme masqué.Un serment oublié.— C’était un souvenir…Les mots m’échappent dans un souffle.Pas un rêve.Pas une illusion.Un fragment de quelque chose de réel.Rafael serre la mâchoire.— Ce n’est pas possible. Elle n’a aucun souvenir de ça. Aucun lien avec cette époque.Isolde soupire.— Les âmes ne suivent pas les lois du temps, Rafael. Ce que nous avons été, ce que nous avons fait… tout nous suit, d’une vie à l’autre.Je me redresse lentement, le cœur battant toujours aussi fort.— Et Caïn dans tout ça ?Son n
ArianeElle marque une pause.— Et de celui de Caïn.Le nom résonne comme une menace.Mon cœur s’emballe.Je recule instinctivement.— Je ne veux pas avoir de lien avec lui.Isolde ne cille pas.— Ce n’est pas à toi de décider.La panique monte en moi.— Pourquoi ?Isolde me fixe, impassible.Puis elle dit, d’une voix posée :— Parce que vos âmes sont liées depuis le commencement.La pièce semble rétrécir autour de moi.Je secoue la tête, refusant cette idée.— Non.Mais Isolde continue, implacable.— Tu ressens son appel, n’est-ce pas ?Mon souffle se bloque.Oui.Chaque nuit. Chaque seconde.Une ombre invisible qui effleure ma peau, une voix dans mon esprit qui murmure mon nom.Et cette brûlure…Cette foutue brûlure qui ne s’éteint pas.Je croise le regard de Rafael.Il sait.Il l’a toujours su.Mais il n’a rien dit.La colère explose en moi.— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?!Sa mâchoire se contracte.— Parce que je voulais te protéger.Je ris, un rire amer.— Me protéger ? De quoi
ArianeRafael passe une main sur son visage, visiblement contrarié.— Pas grand-chose, tant que tu ne le repousses pas toi-même.Je ris jaune.— Et comment je fais ça ?— En arrêtant de penser à lui.— Tu crois que c’est si facile ?Il plante son regard dans le mien.— Non.Un silence tendu s’installe.Puis il se lève brusquement, fait les cent pas dans la pièce.— On doit quitter cet endroit.— Pourquoi ?— Parce qu’il sait où tu es maintenant.Une boule d’angoisse se forme dans mon estomac.— Tu veux dire qu’il pourrait débarquer ici ?— S’il le voulait, il l’aurait déjà fait.Sa voix est dure.— Mais il préfère attendre. Te laisser venir à lui.Je secoue la tête, essayant de chasser la peur qui menace de m’engloutir.— Où on va ?Rafael hésite.Puis il dit :— Chez quelqu’un qui peut nous aider.La route est silencieuse.Nous roulons depuis plus d’une heure, traversant la ville pour en sortir, s’enfonçant dans une campagne noyée de brume.Je regarde le paysage défiler, mes pensées
ArianeJe suis encore là. Assise sur ce canapé, à fixer les ombres qui dansent sur les murs. Rafael est parti depuis une heure. Peut-être deux. Je ne sais pas.Mon corps est immobile, mais mon esprit hurle.Tout ce que je croyais connaître s’effondre.Je suis une Guérisseuse. La dernière. Une cible.Et Caïn…Je repense à son regard, à cette façon dont il a murmuré mon nom. Il y avait quelque chose dans sa voix. Pas seulement du désir. Pas seulement un piège.Un lien.L’idée me glace.Pourquoi ai-je l’impression qu’il me connaît mieux que moi-même ?Une bouffée d’air froid me ramène à la réalité. La fenêtre est restée entrouverte. Je me lève lentement, mes jambes engourdies. Dehors, la nuit est épaisse, presque liquide.Je devrais dormir.Mais je sais déjà que le sommeil ne viendra pas.Alors je sors.---Les rues sont calmes, bercées par le bourdonnement lointain de la ville. J’avance sans but, cherchant un sens à ce chaos dans mon esprit.Puis je le sens.Un frisson, une caresse invi
RafaelJe la retrouve assise sur un banc, le visage pâle et les yeux hantés.Sans un mot, je m’accroupis devant elle.— Qu’est-ce qui s’est passé ? demandé-je d’une voix douce.Elle me regarde, et dans ses prunelles, je vois la peur.— Elle était là.Mon cœur rate un battement.— L’ombre ?Elle hoche la tête.Je serre les poings.— Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?Ariane passe une main tremblante sur son bras, comme si elle pouvait encore sentir son emprise.— Elle m’a montré… quelque chose. Des souvenirs. Des visions. Je ne comprends pas.Je soupire.— Ça commence.Elle fronce les sourcils.— Quoi ?Je me lève lentement.— Elle essaie de te posséder.Ariane pâlit.Je tends la main vers elle.— Viens. On ne peut pas rester ici.Elle hésite, puis attrape mes doigts.Et en cet instant, je fais une promesse silencieuse.Peu importe ce qui arrive.Je ne la laisserai pas tomber.ArianeRafael ne lâche pas ma main.Il m’entraîne hors du parc, son regard fouillant l’obscurité autour de nous comm
Ariane Un silence pesant s’installe.Puis il reprend :— Vous êtes une guérisseuse, Ariane. Mais votre don ne se limite pas à soigner les blessures du corps.Je déglutis avec difficulté.— Vous avez le pouvoir de purifier.L’air me manque.— C’est pour ça qu’elle vous traque. Elle vous veut, mais elle vous craint aussi.Mon cœur bat à tout rompre.— Et vous ? demandé-je.Un éclat passe dans ses yeux.— Je suis ici pour vous offrir un choix.Je croise les bras, malgré la peur qui serre mon ventre.— Quel choix ?Il sourit de nouveau.— Me rejoindre.Je sens un frisson glacé descendre le long de mon échine.— Pourquoi ferais-je ça ?— Parce que seule, vous ne survivrez pas.Mon sang se glace.Il s’avance encore, et cette fois, je recule instinctivement.— L’ombre est patiente. Mais elle est aussi avide. Elle ne s’arrêtera pas tant qu’elle ne vous aura pas engloutie.Sa voix est douce, presque envoûtante.— Acceptez mon aide, Ariane. Et vous aurez une chance.Un silence pesant tombe ent