Chapitre 68 — Le retour retenu

ADRIEN

Je sais que je ne dois pas rester ici, que chaque seconde passée sous le même toit qu’elle est une brimade infligée à ma propre raison, que chaque respiration qu’elle prend me vole encore un peu de ce qui me reste de santé, pourtant je fais mine de ne pas le voir, je fais mine de reprendre pied, je marche comme un homme qui renoue avec le monde mais à l’intérieur tout grince, tout se plie sous le poids d’une trahison que je dois porter comme on porte un manteau humide, il colle, pèse, et on n’a d’autre choix que d’avancer, alors j’avance, je plie mes gestes en gestes neutres, je souris quand il le faut, je réponds quand on attend de moi une réponse, mais je garde la vérité pour moi, la grosse pierre noire qui me bat la poitrine à chaque pas, je la cale dans un coin de moi-même et j’apprends à respirer malgré elle, parce que j’ai décidé de revenir chez nous, chez nous qui n’est plus tout à fait à nous, parce que malgré tout elle reste ma femme et qu’il y a encore un bout d’habit