Chapitre 6

Perspective de Natalie

Un frisson de satisfaction me traverse, mais il disparaît rapidement quand une goutte de sang de mon camarade de meute tombe sur mon cou depuis le haut de mon sac. Je détourne les yeux de lui pour les poser sur le corps mutilé de mon Alpha.

Sa gorge a été arrachée et il est étendu, inerte, sur le sol avec sa compagne en larmes au-dessus de lui. Mon premier instinct est de chercher Jake pour m’assurer qu’il va bien. Son père vient d’être assassiné sous ses yeux, et maintenant il est Alpha. Mais ce n’est plus ma responsabilité. Il a Haylee. Sa Luna.

Le roi émet un autre grondement qui me donne envie de me recroqueviller. Peut-être que si je m’étais cachée au lieu de fuir, je n’aurais pas été forcée dans cette position.

J’ai entendu des histoires terrifiantes sur les femmes choisies comme reproductrices. Aucune ne correspondait à ce que je souhaitais vivre. Être choisie comme l’âme sœur, c’est une autre histoire, remplie d’amour et de compassion. Mais alors que la bête me regarde, je me sens mal.

Ce ne sera pas un conte de fées. Pas avec quelqu’un qui tue si facilement et arrache les femmes de chez elles, les privant de la possibilité de trouver leur véritable âme sœur.

J’observe avec horreur alors qu’il lève son autre griffe et fait un geste vers ses hommes. Instantanément, ils se précipitent vers les femmes agenouillées, cherchant leur âme sœur ou une partenaire qu’ils souhaitent pour se reproduire.

D’après ce que j’ai entendu enfant, les Lycans trouvent rarement leur âme sœur, qui peut appartenir à n’importe quelle espèce. Mais ils doivent continuer leur lignée, alors ils choisissent des partenaires, appelées reproductrices une fois qu’ils ont abandonné l’espoir de trouver leur âme sœur. Le seul but de ces femmes est de produire des héritiers masculins pour poursuivre la lignée.

Il semble que ce sera désormais mon sort.

Je sens ses yeux brûlants sur moi alors qu’il me tient. Mes jambes et mes bras pendent, et je balancement légèrement dans la prise qu’il a sur mon sac.

« Oh, bien ! Tu as déjà pris tes affaires. » La femme d’avant dit, semblant ne pas avoir peur du monstre qui me tient alors qu’elle se rapproche de lui. « Il vaut mieux que nous partions alors. Cette meute pathétique n’a pas grand-chose à offrir. »

Instinctivement, je jette un coup d’œil d’elle au roi devant moi. Ses yeux rouges luisants sont plissés alors qu’il me fixe, et je peux presque sentir le regret émanant de lui. Il a fait le mauvais choix, et il le sait. Personne ne veut de l’humaine, même pour se reproduire. Sa descendance serait faible. Je regarde ses yeux se déplacer de ma lèvre fendue à mon bras meurtri et enflé.

Une fois de retour dans sa meute, je serai rétrogradée au rang d’Oméga, comme ici. Je devrai cuisiner, nettoyer et probablement subir des coups jusqu’à ce qu’ils estiment que je connaisse ma place. Ce sera comme ici, mais en pire.

Du moins ici, j’ai eu une chance de fuir. Fuir les Lycans ne ferait que m’assurer une mort rapide lors de ma capture.

« Tu peux encore changer d’avis, » murmure-je en baissant les yeux vers sa poitrine. Le pelage épais de la bête ne cache pas combien il est musclé, et je suis terrifiée lorsqu’il émet un grondement plus fort que les précédents.

Je ne suis pas sûre s’il est énervé par mes doutes concernant sa décision ou s’il se sent coincé avec moi. Quoi qu’il en soit, je sais que je ne suis pas en sa faveur.

Les bruits animaux de sa meute discutant entre eux me font comprendre qu’il est temps de partir, et mes pieds tressaillent sous moi en m’attendant à être reposée. Au lieu de cela, je suis jetée sur l’épaule de la bête.

Mon corps tremble dans sa prise alors qu’il enroule un bras autour de mes jambes pour me maintenir contre lui. Je suis choquée lorsqu’il commence à courir, entraînant ses hommes. La vue de ce qui se passe devant moi est terrifiante. Au moins une trentaine de Lycans courent derrière nous sur leurs deux pattes. Leur état semi-transformé est une scène cauchemardesque, mais je ne peux m’empêcher de remarquer un parmi eux qui se distingue des autres.

Alors que les autres semblent frustrés ou en colère, lui est heureux, la tête haute, tenant une fille de ma meute dans ses bras, Mira. Il ne l’a pas jetée sur son épaule. Il la serre contre sa poitrine pendant qu’il court, et elle s’accroche fermement autour de son cou, sa joue pressée contre lui.

Ils sont des âmes sœurs. Même sans se connaître, il y a un amour évident entre eux. C’est quelque chose que je ne vivrai pas en tant que partenaire choisie. Je laisse ma tête retomber, balançant à mesure que le roi continue à courir.

Le sol défilant sous nous est un flou, et je ferme les yeux alors que cela commence à faire tourner ma tête et mon estomac. Le sang affluant dans mon bras le fait pulser, mais je réprime tout signe vocal de douleur. Il ne servirait à rien de souligner à quel point je suis faible par rapport à eux.

Cela me semble des heures plus tard quand des hurlements me réveillent. Le bruit retentissant vient de partout autour de moi, et je sens le bras du géant se resserrer en réponse à mon mouvement. Je pose mes mains sur son bas du dos, me redressant pour voir ce qui m’entoure. La ville est magnifique avec de grands immeubles modernes décorés de plantes et de vignes colorées.

La vibrante luminosité du royaume le rend magique, et pendant un bref instant, j’oublie que je suis ici contre ma volonté. La Déesse a sûrement béni leur peuple, et je suis en admiration devant la beauté qui m’entoure alors que le roi ralentit, conduisant son peuple dans les rues pavées.

Je m’attends à voir davantage de ces bêtes, des Lycans géants errant dans les rues. Au lieu de cela, je suis surprise de voir tout le monde en tenue humaine. Chaque personne semble fascinée de voir leur roi revenir à la maison, mais c’est la petite fille qui me pointe du doigt avec un sourire, parlant vivement à la femme à côté d’elle, qui me fait sentir gênée.

Je peux sentir combien mon visage est rouge d’avoir été pendue ainsi sur l’épaule du roi pendant si longtemps, et je laisse ma tête retomber, permettant à mes cheveux et au sac accroché à l’arrière de ma tête de cacher mon visage. Reproductrice ou Reine, je ne veux pas que quiconque me voie ainsi, jetée sur l’épaule de leur roi comme un sac de farine, tandis que le Lycan plusieurs rangs derrière, tient toujours tendrement sa compagne dans ses bras, en la berçant contre lui de temps en temps.

Ils ne s’arrêtent pas alors qu’ils sont accueillis par leur peuple, acclamant les hommes de retour. C’est comme s’ils revenaient de guerre, mais d’après ce que j’ai entendu, trouver des partenaires et des reproductrices est tout aussi important pour eux.

Je sens la bête sous moi gonfler sa poitrine de fierté, se redressant un peu plus lors de son accueil.

Roi Killian Amery.

Aimé par son peuple, redouté par le monde.

La foule devient encore plus bruyante alors qu’il commence à monter les marches du château. Je veux me retourner pour voir, mais lorsque je commence à bouger, sa prise se resserre jusqu’à ce que l’inconfort de ma position dépasse la douleur de son étreinte.

Lorsque je me détends, son bras autour de moi se relâche. Je ne peux qu’espérer que j’aurai la liberté d’explorer plus tard. Peut-être une fois que j’aurai été assignée à mes tâches et que je les aurai complétées.

La peur soudaine d’être enfermée dans une chambre pour servir le roi, ne sortant que pour m’occuper de nos futurs enfants, me fait tordre, et je sais qu’il peut le sentir alors que sa mâchoire effleure mon postérieur lorsqu’il se retourne pour me regarder par-dessus son épaule.

Il aurait pu choisir n’importe laquelle de ses femmes, et d’après les histoires qui ont même atteint ma petite meute, il y en a beaucoup. Le fait qu’il m’ait choisie me met en colère.

L’air frais de l’intérieur du château est accueillant, et j’essaie de prendre une grande respiration pour calmer mon cœur battant à toute vitesse, mais je n’y parviens pas. C’est le souffle tremblant qui semble attirer l’attention de mes ravisseurs. Il s’arrête et me pose, gardant une main sur mon bras pour me maintenir stable alors que le sang revient dans ma tête.

Il attend seulement un moment avant de grogner et de me tirer impatiente vers un grand ensemble de portes doubles au bout du couloir. J’ai un sursaut d’étonnement en voyant les motifs dorés sculptés dans le bois.

Il ne prend pas la peine d’attendre que je relève la tête avant de pousser les portes avec brusquerie. La suite est plus grande que ce qui aurait été nécessaire. Mais alors que le roi entre dans la pièce, l’espace semble rétrécir en comparaison de sa taille monstrueuse.

Je jette un coup d’œil à droite vers le salon et puis à gauche vers la grande chambre à travers les portes doubles, mais elles semblent vides.

« Où sont-elles ? » me demande-je à voix basse, murmurant ces mots. Le roi se tourne vers moi, demandant silencieusement une clarification, un sourcil haussé par curiosité. « Je pensais que je serais logée avec tes autres femmes. »

Ma voix résonne alors que je me déplace dans la chambre, mes yeux suivant le gigantesque matelas jusqu’à la porte ouverte de la salle de bain, confirmant qu’il n’y a personne non plus. Je sais d’après les effets personnels éparpillés autour de la pièce que ce n’est pas ma chambre seule.

Je me retourne vers le lit alors que la réalisation de ma situation s’impose à moi. S’attendait-il à ce que nous nous accouplions maintenant, lui dans cet état ?

Mon corps commence à trembler et ma respiration s’accélère alors que la terreur s’installe. Le tueur derrière moi m’a amenée ici dans sa chambre pour une raison.

« Non. » Dit-il, avec une irritation apparente. Je me tourne pour faire face à lui, voulant être préparée à ce qui va suivre. Mais il se tient, pinçant ce qui semble être le pont de son museau, laissant échapper un soupir de frustration. « C’est notre chambre. »

Mes yeux s’élargissent de surprise alors qu’il se retourne et quitte la pièce, me laissant m’effondrer en boule contre le bord du lit, laissant échapper un souffle tremblant. J’ai été épargnée cette fois-ci, mais je n’ai aucune idée de ce à quoi m’attendre lorsqu’il reviendra.