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Chapitre 3

Author: Petit Koï
Pourtant, cette imitation grotesque faisait hurler de rire toute la table.

Claire, assise juste à côté de Clément, riait tellement qu'elle s'était effondrée contre son épaule.

Et Clément... lui, ne disait absolument rien.

Arnaud s'est retourné en riant :

« Clem, c'est bien comme ça que... »

Il n'a même pas fini sa phrase. Son regard venait de tomber sur Jeanne, debout dans l'embrasure de la porte.

Le sourire s'est figé net sur son visage.

« Jea... Jeanne... »

Toutes les têtes se sont tournées vers l'entrée. Le silence est tombé d'un coup.

Claire s'est redressée du bras de Clément et a souri :

« Oh, mais bonsoir ! C'est donc vous, la fameuse épouse de Clem ? Entrez, installez-vous, je suis une très bonne amie de Clem. »

Jeanne a balayé la pièce du regard.

Son cœur, lui, était déjà glacé.

Clément s'est enfin levé et s'est dirigé vers elle.

« Jeanne, qu'est-ce que tu fais ici ? Ils plaisantaient, tu sais. Ne le prends pas mal. »

Elle l'a regardé, et tout ce qu'elle voyait, c'était un étranger.

Jamais il ne lui avait semblé aussi lointain.

Alors quand les autres se moquaient de sa femme, lui, il se rangeait de leur côté ?

« Jeanne, je... suis vraiment désolé, c'était pour rire, j'voulais pas te vexer... »

Arnaud s'est précipité pour poser son verre et s'excuser.

« Jeanne ! »

Clément venait d'arriver juste devant elle, les bras légèrement ouverts, prêt à la prendre contre lui.

Mais Jeanne, elle, a eu un flash : Claire riant contre son épaule, sa main à lui dans la salle de bain, et cette voix étouffée quand il avait murmuré « Clio » au moment où il perdait le contrôle.

D'un coup, elle a trouvé son geste sale. Insupportablement sale.

Elle a reculé d'un pas, presque avec dégoût.

« Jeanne... »

Clément a baissé les yeux vers sa main restée en suspens, surpris.

Puis il a soupiré, comme s'il essayait de la calmer :

« Je leur présente mes excuses. Ne t'énerve pas, d'accord ? En rentrant, je t'offre quelque chose. Tu veux quoi ? Je t'achète tout ce que tu veux. »

Claire a lancé un regard faussement fâché vers Arnaud :

« Hé, t'as fait râler Jeanne, tu vas t'excuser correctement, oui ? Tout le monde n'est pas comme moi... Moi je suis un peu brute, un peu trop cool, vous pouvez vous moquer de moi tant que vous voulez ! »

Jeanne a laissé échapper un sourire glacé.

Cette douceur en trompe-l'œil... quelle hypocrisie sucrée.

Et pourtant, les hommes autour de la table avalaient ça comme du miel.

Arnaud a répliqué :

« Mais je me suis déjà excusé ! Je savais pas que Jeanne allait débarquer comme ça, c'était vraiment une blague ! »

« Une blague, ça s'appelle une blague seulement si la personne visée en rit aussi. »

Jeanne l'a dit en tremblant, comme si chaque mot lui coûtait une partie de sa force. C'était tout son courage qui parlait d'un coup.

Elle était une boiteuse. Et cette pensée la rongeait depuis cinq ans, collée à elle comme une ombre.

Chaque regard méprisant, chaque doute lancé contre elle, la renvoyait dans son terrier, seule, en train de recoller ses morceaux pendant des jours.

Arnaud a marmonné :

« Mais... je me suis excusé... »

« Je... je n'accepte pas. »

La voix de Jeanne tremblait encore plus. C'était la première fois qu'elle répondait directement à une moquerie.

« Mais tu veux quoi de plus ? »

Arnaud parlait encore à mi-voix, sans comprendre.

Jeanne elle-même ne savait pas ce qu'elle voulait. Elle secouait juste la tête. Elle ne voulait pas accepter qu'on se moque d'elle. Elle ne voulait pas accepter que son propre mari se rangeait du côté de ceux qui riaient.

« Ça suffit. On arrête là. »

Clément s'est levé d'un coup et s'est placé entre Jeanne et Arnaud.

Il était le chef de ce groupe. Depuis la fac, c'était lui qui avait mené cette petite équipe, c'était sur son talent et sa vision que leur entreprise avait grandi.

Alors, quand il parlait, personne n'osait en rajouter une seule phrase.

« Jeanne. »

Le regard de Clément restait d'un calme parfait, si différent de celui si brillant qu'il avait dans les vidéos de Claire.

« Ce sont mes amis de longue date. Ils n'avaient aucune mauvaise intention. C'était juste pour plaisanter. Pardonne-les, d'accord ? Je demande au chauffeur de te ramener ? »

« Jeanne... »

Claire s'est avancée en faisant la moue, la voix douce comme du miel.

« Si tu dois en vouloir à quelqu'un, en veux-moi. C'est parce que je suis revenue qu'ils ont organisé ce soir. Clem, demande à ta femme de rester dîner avec nous. Je lui offrirai un verre pour me faire pardonner. »

Quelle petite scène mielleuse...

Jeanne en aurait presque ri.

« Désolée. »

Elle a planté son regard dans celui de Clément. Claire osait ainsi parler, uniquement parce qu'il la laissait faire.

Elle a ravalé l'amertume qui lui montait à la gorge.

« Je ne bois pas d'alcool. Surtout pas les verres trop... mielleux. »

La phrase a claqué comme une gifle. Claire a écarquillé les yeux, presque prête à pleurer.

« Clem, elle vient de m'insulter ? Je... c'est pas grave, hein, Jeanne m'a juste mal comprise. Tu ne lui en veux pas, d'accord ? »

Le visage de Clément s'est durci.

« Jeanne, Clio avait de bonnes intentions. Tu n'as pas besoin d'être aussi agressive. »

De bonnes intentions ?

Il fallait être stupide pour y croire.

Et Clément ne l'était pas.

Non...

Il choisissait simplement son camp.

Jeanne regardait le groupe devant elle, Claire, Clément... ainsi que plusieurs personnes derrière eux, et elle a soudain eu l'impression qu'un gouffre infranchissable la séparait d'eux.

C'étaient eux qui étaient du même côté, qui formaient un groupe solide, et elle, elle n'était qu'une étrangère qui s'était introduite dans leur monde. Non, même pas. Elle n'avait jamais réussi à entrer dans leur monde. Même en gravitant à la périphérie, elle était celle de trop.

Elle a inspiré profondément, retenant ses larmes, puis a laissé échapper un léger rire glacé.

Elle s'est retournée et a marché vers la sortie.

Derrière elle, Claire chuchotait déjà :

« Clem, Jeanne, elle... »

« Laisse. Elle se calmera. Je m'en occuperai plus tard. Allez, on reprend. Oubliez ça. »

En cachette, il a jeté un regard vers la silhouette de Jeanne qui s'éloignait et a envoyé un message au chauffeur pour qu'il la raccompagne.

Jeanne aurait voulu partir avec un minimum de dignité, calmement, sans précipitation.

Mais elle n'en était pas capable.

Plus elle était émue, plus sa jambe tremblait, plus sa démarche devenait instable.

À cet instant, alors qu'elle se voyait fuir ainsi, boitant et paniquée, elle n'a pas pu s'empêcher de penser qu'Arnaud venait précisément d'imiter cela devant tout le monde.

Ils allaient sûrement rire encore plus après son départ, n'est-ce pas ?

Elle a essuyé violemment ses larmes et a accéléré le pas, sa démarche devenait encore plus chancelante.

Quand le chauffeur de Clément est sorti en courant pour la rattraper,

il n'y avait déjà plus de trace de Jeanne devant le restaurant.

Le chauffeur est revenu prévenir Clément.

Clément a légèrement froncé les sourcils. Il a appelé Jeanne. Elle n'a pas répondu.

Il a rappelé. Elle a raccroché.

À la troisième tentative, le téléphone était éteint.

Arnaud, qui était déjà mal à l'aise, en rajoutait une couche :

« Franchement, Clem, ta femme... seul toi peux supporter ça. Avec ton statut, ton image, n'importe quelle autre femme serait à genoux pour t'avoir. Et elle, elle t'envoie balader ? T'es trop gentil, mec. »

Clément est resté silencieux.

Les autres ont renchéri, comme si chacun attendait son tour :

« Arnaud n'a pas tort. Tu fais tout pour elle, pour votre foyer, tu bosses comme un malade et elle, au lieu de comprendre, elle te fait une scène pour une broutille. Tu mérites mieux que ça. »

« Exactement ! Être mariée avec toi, c'est déjà une chance immense pour elle. Sérieux, Clem, une fille avec sa jambe, qui d'autre voudrait d'elle ? Personne. Elle finirait avec un autre infirme, au mieux. »
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