Dans la France du XIXe siècle, Élise, fille d’un noble ruiné, est promise à un riche industriel pour sauver l’honneur de sa famille. Mais son cœur bat pour Armand , un jeune ouvrier , engagé dans les luttes sociales de l’époque. Leur amour naît dans le secret, entre les murs d’une vieille bibliothèque abandonnée où ils partagent leur passion pour les mots et la liberté. Tiraillés entre devoir et désir, classe et religion, ils bravent les interdits d’une société corsetée, au risque de tout perdre. Leur histoire devient une lutte silencieuse contre l’ordre établi, une quête d’absolu dans un monde où aimer peut condamner. Lorsque la révolution gronde, leur amour devient flamme et sacrifice.
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Le froid traverse les vitres sans rideaux et s’infiltre dans mes os. Il ne mord pas : il s’installe. Discret, persistant, comme le chagrin. Le manoir n’a plus de feu, plus de rires, plus de musique. Juste les craquements du bois affamé qui menace de céder sous le poids des années. Même l’horloge du vestibule a cessé de battre. Le silence s’étire comme un linceul.
Les portraits de mes ancêtres me regardent de haut, poussiéreux, figés dans leur gloire défunte. On dit qu’ils furent fiers, impitoyables, élégants. Je les connais surtout comme des juges. Ils ne savent pas ce que c’est, l’humiliation du manque. Ils ne sauraient quoi faire d’une cuillère d’étain, d’un corset raccommodé, d’une robe blanchie par trop de hivers. À quoi bon l’aristocratie, si elle s’effrite au premier vent contraire ?
Je suis née ici, dans cette maison trop grande pour le silence qui l’habite. Chaque pièce résonne comme une cathédrale vide. Jadis, ma mère dansait sur le parquet ciré, la soie de ses jupons glissant comme un souffle. Elle riait fort, elle respirait la vie. Et puis, elle s’est éteinte sans un cri, comme une chandelle oubliée sous la pluie. Mon père, lui, portait des gants de cuir, des montres à gousset, et un regard si fier qu’on aurait cru qu’il gouvernait un royaume. Maintenant, il évite les miroirs et parle comme un homme qui attend la fin.
Ce matin, il m’a tendu une lettre. Une main tremblante, mais le regard sec, déterminé. Comme s’il avait déjà signé un pacte avec le diable.
« Tu seras fiancée à Monsieur De Latour. Il possède une usine, vingt chevaux, et pas une seule dette. »
Il n’a pas dit tu l’aimeras. Il n’a pas même feint de me demander mon avis. Il a dit tu seras. Et dans ce seras, j’ai entendu la fin. La fin de l’enfance, de la liberté, des rêves inutiles. Il a vendu la dernière chose qui me restait : mon choix.
Je n’ai rien répondu. Je n’ai pas crié. Je n’ai pas pleuré. J’ai regardé la fenêtre. Le ciel, blanc et bas, suspendu au-dessus du jardin gelé. Le givre aux angles. Les branches nues du grand chêne, tordues comme des doigts implorants.
Une robe trop pâle pour l’hiver. C’est ainsi qu’on m’habille désormais. Une fille à vendre. Une chose polie. Un silence bien élevé.
Je suis sortie sans dire un mot. Sans même emporter de gants. Que le froid me prenne les doigts, au moins que mon corps ressente ce que mon âme refuse encore. Les rues de Lyon sont grises, trempées, vivantes malgré le froid. Des enfants courent après des chiens faméliques. Des marchands crient à pleins poumons. La misère respire bruyamment, mais elle respire. Moi, j’étouffe dans le velours de mon rang effondré.
Je n’ai pas de chaperon une offense de plus aux règles du monde qui m’a élevée. Mais que reste-t-il de ce monde ? Quelques noms sur des papiers rongés par l’humidité. Une salle de bal vide. Une mère morte trop tôt. Un père agenouillé devant ses créanciers.
Mes bottines s’enfoncent dans la boue. Je longe les murs, esquivant les regards comme on esquive les souvenirs. Pas par peur. Par fatigue. La fatigue d’être vue comme une épave précieuse. Une relique sans valeur. La fatigue d’exister sans avenir.
Et puis… je le vois.
Un garçon , non , un homme. Une silhouette droite au milieu de la foule, sans chapeau, le front levé vers le ciel gris. Des mains calleuses, un manteau râpé, les lèvres agitées d’un feu invisible. Il parle. Il parle à tous, et personne ne l’écoute vraiment. Sauf moi.
Il déroule une affiche, la tend à un passant, puis à un autre. Des mots que je ne saisis pas tous : égalité, république, droits. Des mots qu’on n’emploie pas dans les salons, mais que je devine puissants. Interdits, peut-être. Dangereux, sûrement.
Et sa voix… sa voix me heurte. Comme une gifle douce. Comme une promesse qu’on n’a jamais osé me faire. Elle est rauque, sincère, fière. Une voix qui ne demande pas pardon d’exister.
Il tourne la tête. Nos regards se croisent. Mon souffle se suspend. Une seconde. Une seconde de trop. Ses yeux ne sont pas beaux, pas comme dans les livres. Ils sont pleins de cendres et de feu. Et je comprends. Cet homme n’est pas pour moi. Il est tout ce que mon monde méprise. Et tout ce que mon cœur appelle.
Je détourne les yeux, brusquement. Mon cœur cogne. J’ai peur qu’il ait vu ce frisson dans mon cou, cette brûlure soudaine dans ma poitrine. J’ai honte de mon trouble. Honte de vouloir, honte de sentir. Je m’enfuis presque, serrant les pans de mon manteau comme si cela suffisait à cacher le tumulte.
Et pourtant, en remontant la rue, tandis que le vent gifle mes joues et que le vieux manoir m’attend comme une tombe, je le sais.
Je reviendrai.
ÉLISELe jour se lève lentement, comme à contrecœur.La lumière grise filtre à travers les rideaux de lin, timide et voilée, et me trouve déjà éveillée.Charles-Antoine dort encore, une main sur ma taille, paisible, presque enfantin.Le voir ainsi, si calme après la nuit qu’il croit avoir possédée, m’arrache un sourire sans joie.Il ignore tout , de moi, de mes pensées, de ce que je m’apprête à faire.La nuit a été un voile, un théâtre. Le matin, lui, sera vérité.Je me dégage avec douceur, sans bruit.Le parquet gémit sous mes pas nus ; chaque craquement semble me trahir.Je me penche pour ramasser ma robe, froissée sur le tapis, et la passe lentement, comme si je revêtais à nouveau mon rôle d’épouse exemplaire.Mais sous le tissu, mon cœur bat plus fort.Je n’ai plus le luxe du doute.Le miroir me renvoie un visage pâle, fatigué, mais décidé.Je coiffe mes cheveux avec soin, épingle une mèche derrière mon oreille, et cache dans mon corsage la clé du petit coffre que Charles-Antoine
CHARLES-ANTOINELa maison est silencieuse, seulement troublée par le crissement des planchers et le souffle régulier des domestiques qui s’effacent derrière les portes closes.Je la trouve dans le salon, près du feu mourant, les mains posées sur ses genoux comme si elle voulait retenir le monde à distance.— Élise, murmurai-je, en entrant avec un plateau.Des petits verres de liqueur et quelques friandises disposées avec soin sur de la porcelaine fine. La lumière vacillante du feu fait briller le cristal, et mon cœur s’accélère à la mesure de notre complicité silencieuse.Elle lève les yeux et me transperce de son regard feintement froid.— Merci, dit-elle simplement, son ton glacé ne promettant rien.Je m’approche, pose le plateau sur la table basse.— Je pensais à un petit jeu ce soir… juste pour nous. Un moyen d’oublier les convenances.Elle me fixe en silence. Un mince sourire effleure ses lèvres, mais ses yeux restent prudents, presque défiants.— Quel genre de jeu ?Je lui tends
ÉLISE La lumière filtre à travers les rideaux épais, dorée, immobile, impitoyable.La chambre garde encore la chaleur de la nuit, mais tout semble déjà figé, comme si le temps retenait son souffle autour de nous.Je m’éveille avant lui.Charles-Antoine dort d’un sommeil tranquille, une main posée sur le drap, son visage apaisé.Je le regarde, longuement.Il a la sérénité de ceux qui croient avoir accompli leur devoir et cette croyance, plus que tout, me donne de la force.Je me lève sans bruit.Mes pas nus glissent sur le tapis. Le miroir m’attend, grand, impassible.Je m’y découvre pâle, les cheveux défaits, la peau encore marquée par la nuit.Mais derrière cette image docile, je sens battre quelque chose d’autre : une détermination calme, presque sacrée.Je souris à mon reflet.Je m’y entraîne.La porte s’ouvre sans frapper.La gouvernante entre, accompagnée de deux jeunes servantes aux gestes calculés. Elles ne disent rien, mais leurs regards inspectent tout : les draps, le lit, l
ÉLISELa demeure des de Valmont est une forteresse de beauté.Tout y brille trop fort : les miroirs, les dorures, les regards des domestiques. L’air y est si lisse qu’on y glisse au moindre souffle. J’avance, prisonnière d’une perfection qu’on m’impose.Charles-Antoine marche à mes côtés comme s’il me guidait dans un royaume conquis. Sa voix douce masque une autorité que je sens vibrer à chaque mot. Tout en lui respire la maîtrise , celle d’un homme qui croit tenir son avenir entre ses mains.Et moi, je le regarde à peine. Je le laisse croire.Chaque salle est un théâtre silencieux : les candélabres, les tapisseries, les portraits de femmes mortes avant moi, toutes parées du même sourire résigné.Je pense à Armand. À la promesse de liberté qu’il m’a soufflée comme un serment.Et plus le marbre brille, plus je sens la pierre se refermer sur moi.Le soir tombe, et la maison change de peau. Les domestiques se retirent peu à peu, laissant derrière eux le parfum de la cire chaude. Dans les
ÉLISELe matin du mariage se lève comme un cortège silencieux. Les rayons du soleil traversent les vitraux, dessinant des lignes dorées sur le parquet ciré. Les domestiques s’affairent autour de moi, ajustant les plis de la robe, la dentelle, le voile. Chaque geste est précis, mesuré, mais mon cœur est ailleurs, prisonnier des pensées d’Armand.Je descends lentement les escaliers, chaque pas pesant comme une sentence. Le hall est décoré de fleurs blanches, de rubans argentés. Le parfum du lys et de la cire chaude emplit l’air. Mon père, droit et impeccable, me tend la main, et je la prends sans joie, un masque de respect sur le visage. La cérémonie approche, et je sens chaque regard me scruter, chaque sourire n’être qu’un voile de curiosité mondaine.— Tu es magnifique, murmure ma mère derrière moi, mais je sens l’ombre d’inquiétude dans ses yeux. Elle sait ce que je ressens, même si je ne prononce rien.Les invités affluent, tous parés de leurs plus beaux atours, tous souriants, tous
ÉLISELa salle est encombrée de parchemins et de plumes d’oie, de cartons d’invitations délicatement gravées. Le papier sent la cire, la poudre et l’angoisse. Je reste immobile devant le bureau, le cœur partagé entre les fastes que je dois préparer et l’ombre de la prison où Armand attend. Chaque nom que je trace sur les enveloppes me semble un trahison et un fardeau : la haute société, ses salons dorés, ses rires creux, tout ce monde qui ignore la misère et la manipulation derrière les portes closes.— Mademoiselle, dit Jeanne en déposant le plateau de thé, il faudrait que vous terminiez avant la fin de la journée. Les invitations…Je hoche la tête, sans le cœur. Mes doigts tremblent légèrement, traçant les lettres des noms : Comte de Brissac, Madame la Duchesse, Monsieur le Marquis… Chaque nom est un masque, chaque adresse un piège que nous devons traverser. Mais mon esprit est ailleurs, parcourant les rues étroites et les couloirs sombres où les témoins achètent leur loyauté et où
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