Chapitre 4

Point de vue de Kayla

Je n’ai pas dormi cette nuit-là.

Peu importe à quel point je fermais les yeux, le bruit du corps de Vivian heurtant le sol résonnait sans cesse dans ma tête — encore et encore.

La maison était silencieuse maintenant, mais ce silence n’était pas la paix. C’était une punition.

Adrian n’était pas rentré après l’incident. Il avait emmené Vivian à l’hôpital et m’avait laissée là, accusée, sans voix, brisée. Le souvenir de ses mots me coupait plus profondément que tout.

« Tu me dégoûtes, Kayla. Tu recevras bientôt les papiers du divorce. »

Chaque fois que je revivais ces mots, ma poitrine brûlait.

Je voulais crier, pleurer, le supplier de me croire… mais à quoi bon ? Il avait déjà pris sa décision.

Le matin arriva, froid et cruel. Je me tenais près de la fenêtre, regardant le lever du soleil, insensible à sa chaleur.

La maison semblait plus vide que jamais. Chaque recoin portait un souvenir que j’aurais voulu effacer… les rires qui remplissaient autrefois ces murs, les promesses qu’il avait faites, l’amour qui avait autrefois une signification.

J’étais dans la cuisine quand j’entendis la porte d’entrée se déverrouiller. Mon estomac se noua.

Adrian.

Je me frottai rapidement les yeux et éteignis la bouilloire, faisant semblant d’être occupée. Mais lorsque je me retournai, mon cœur se figea.

Il n’était pas seul.

Vivian entra juste derrière lui, le bras bandé, le poignet en écharpe. Elle avait l’air délicate et pâle, vêtue d’un chemisier crème doux qui la rendait encore plus innocente.

Et Adrian, mon mari… portait son sac de voyage du soir comme un protecteur dévoué.

Ma gorge se dessécha.

« Que fait-elle ici ? »

Adrian ne me regarda même pas en parlant.

« Elle reste ici pour l’instant. Le médecin a dit qu’elle ne devait pas rester seule. »

Les mots me frappèrent comme une gifle.

« Tu l’as amenée ici ? Dans notre maison ? »

Il posa le sac et se tourna enfin vers moi, le visage froid comme la pierre.

« Elle n’a nulle part où aller, Kayla. Je ne discuterai pas de ça. »

« Nulle part où aller ? » je ris amèrement, secouant la tête.

« Elle a son propre appartement, Adrian. Ce n’est pas ta responsabilité ! »

« Pas ma responsabilité ? » Sa voix monta, tranchante et en colère.

« Elle a failli mourir à cause de toi ! Le moins que tu puisses faire est de ne pas compliquer les choses davantage. »

Mon souffle se coupa.

« Tu crois que je l’ai poussée ? »

Son silence en disait assez.

Vivian se tenait tranquillement entre nous, la tête légèrement inclinée pour paraître douce — un portrait parfait de grâce sous la douleur.

Elle renifla doucement.

« S’il te plaît, Adrian… ne te dispute pas à cause de moi. Je n’aurais pas dû venir. Je peux juste appeler un taxi— »

Adrian se tourna immédiatement vers elle.

« Non, tu restes. Tu as besoin de repos. »

Puis il se tourna de nouveau vers moi, la voix basse et définitive.

« Elle prendra la chambre d’amis à l’étage. »

J’avalai la boule dans ma gorge.

« La chambre d’amis ? »

Il ne répondit pas.

Vivian laissa échapper un petit soupir pitoyable et me lança un regard.

« Je peux rester dans ta chambre, Kayla. C’est plus proche de la salle de bain, et Adrian n’aura pas à s’inquiéter que je marche trop loin. »

Je restai figée. Ma chambre. Notre chambre.

Quel culot. Quelle audace.

Je la fixai, mes ongles s’enfonçant dans ma paume.

« Tu ne peux pas être sérieuse. »

Adrian parla avant que je puisse dire quoi que ce soit.

« C’est en fait une bonne idée. Elle aura un accès facile au cas où elle se sentirait étourdie. »

Je ne pouvais pas respirer. Mon propre mari suggérait que la femme qui a détruit notre mariage dorme dans mon lit… le lit que nous partagions autrefois.

« Je ferai déplacer tes affaires dans la chambre d’amis, » ajouta Adrian, froidement, comme s’il s’agissait d’une transaction commerciale.

Quelque chose en moi se brisa alors. Mais je ne fis aucun bruit… je restai silencieuse. Le genre de silence qui hurle plus fort que les mots.

Je me détournai avant qu’ils ne voient mes larmes.

« Faites ce que vous voulez, Adrian. C’est ta maison, pas la mienne. »

Je passai le reste de la matinée dans la petite pièce au bout du couloir. Elle sentait la poussière et l’abandon, comme si elle n’avait pas été ouverte depuis des années.

Je m’assis au bord du lit, fixant le mur, écoutant les sons étouffés venant du couloir.

Les pas d’Adrian, la voix douce et impuissante de Vivian, ses petits gémissements de douleur qui attiraient immédiatement son attention.

Elle en profitait. Chaque soupir, chaque petit mouvement, chaque « aïe » était parfaitement calculé pour garder ses yeux sur elle.

Et il tombait dans le piège… à chaque fois.

Une fois, je l’entendis rire doucement, puis étouffer rapidement son rire comme si elle se souvenait que j’étais encore dans la maison.

Je fermai les yeux, les poings serrés.

Les heures passèrent, et le soleil se coucha à nouveau. J’essayai de manger mais je n’y arrivai pas. J’essayai de me distraire mais échouai. Plus j’essayais de les ignorer, plus leurs voix devenaient claires.

« Vivian, tu devrais te reposer. »

« Je vais bien, Adrian. Je ne veux pas être un fardeau. »

« Tu ne l’es pas. Tu as assez souffert. »

Chaque mot tranchait plus profondément dans ma poitrine.

Cette nuit-là, on frappa à ma porte. C’était lui.

Il se tenait dans le couloir, les bras croisés, l’air fatigué mais pas repentant.

« Je verrai mon avocat demain pour finaliser les papiers du divorce, » dit-il d’une voix plate. « Tu recevras ta part des biens. Je ne vais pas me battre avec toi là-dessus. »

Je croisai son regard.

« Tu n’as pas à le faire. Je n’ai jamais voulu ton argent. »

Il ne répondit pas.

« J’espère juste, » continuai-je, la voix tremblante, « qu’un jour, quand les mensonges tomberont et que tu verras enfin la vérité, il ne sera pas trop tard. »

Il ricana.

« Tu crois vraiment qu’il reste quelque chose à voir ? Tu as poussé une femme dans les escaliers, Kayla. »

« Je ne l’ai pas fait, » chuchotai-je. « Mais tu as déjà pris ta décision, n’est-ce pas ? »

Son silence était ma réponse.

Il partit sans un mot de plus, la porte se fermant derrière lui avec un clic final, froid.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, à fixer cette porte. Minutes, heures, peut-être toute la nuit.

Quand les larmes arrivèrent enfin, elles ne s’arrêtèrent plus. Je pleurai jusqu’à ce que ma gorge brûle, jusqu’à ce que mon corps s’engourdisse.

Ce n’était plus ma maison. Ce n’était plus mon mariage.

C’était ma tombe… et Vivian se tenait juste au-dessus, souriante.

Le lendemain matin, je fis mes valises.

Quand je descendis, Adrian aidait Vivian à s’asseoir pour le petit-déjeuner, sa main sur son épaule comme si elle était en verre. Ils levèrent les yeux en me voyant entrer.

« Je m’en vais, » dis-je doucement, posant mes clés sur le comptoir. « Puisque ce n’est plus ma maison. »

Adrian ne demanda même pas où j’allais. Il hocha simplement la tête.

« L’avocat enverra les documents dès qu’ils seront prêts. »

Vivian offrit un faible sourire compatissant.

« Kayla, je n’ai jamais voulu que tout cela arrive. »

Je la regardai, vraiment regardai… et pour la première fois, je la vis clairement. Chaque larme, chaque tremblement, chaque mot doux n’était rien d’autre qu’une performance parfaitement répétée.

Comment une telle personne pouvait-elle être mon amie ? J’avais été si naïve.

Je dis simplement :

« J’espère que vous obtiendrez tous ce que vous méritez. »

Et sur ces mots, je me tournai et sortis. Brisée, saignant à l’intérieur, mais libre.

Derrière moi, la porte se referma avec une finalité silencieuse.

Il avait choisi son camp et un jour, il le regretterait.

Je regardai l’horizon, me promettant de ne pas revenir en arrière. Me promettant de continuer ma vie et d’en profiter au maximum. Et c’est exactement ce que je ferai.