Chapitre 2 — Sous la surface
Gloire-Kafui APEDOH Je me tiens face au miroir. Et je souris. Pas par vanité. Par conscience. Cette chemise couleur champagne épouse mon buste, souligne discrètement ma poitrine. La jupe noire, taille haute, moule mes hanches et souligne ma taille, comme taillée au compas. J’attache mes escarpins vernis, glisse mon sac en cuir au creux de mon bras. Je relève mes extensions un lace frontal 360 posé la veille en un chignon serré et élégant. Ma nuque dégagée révèle mes boucles dorées et le collier assorti. Je suis… prête. Mes frères m'appellent la bombe. Peut-être à cause de mes formes. Peut-être parce que je suis la seule fille entre deux tornades masculines. J’ai 26 ans, je m’appelle Gloire-Kafui, un prénom double, à l’image de mon identité : Gloire en français, Kafui en mina “Rendre gloire à Dieu.” Un clin d’œil spirituel de mes parents, sûrement. Ou une prophétie. Je descends. Ma mère est à table, seule. Papa est encore en voyage. — Bonjour maman, dis-je en l’embrassant. Elle m'observe longuement, les yeux brillants d’une tendresse silencieuse. — Tu es magnifique, ma fille. Sa voix tremble un peu. Elle ajoute, comme à chaque moment important : — Que le Seigneur te protège. Que ta lumière brille comme une ville sur une colline. Sois une lumière dans ce monde, Kafui. — Amen, maman. Je bois ces mots comme une couverture chaude. Peut-être que c’est à force d’être bénis à chaque tournant que les choses ont souvent été plus douces pour nous. Je termine mon café à la hâte, glisse une madeleine dans ma bouche et file. Direction le ministère, dans l’ancienne voiture de maman, que j’ai réquisitionnée depuis mon retour de Munich. C’est un peu la mienne, maintenant. À l’accueil, je demande à voir madame Dalmeida. On m’oriente vers son bureau, tout proche de celui du ministre. Je suis prête. Du moins je le croyais. Madame Dalmeida, une femme chaleureuse à l’élégance stricte, m’accueille avec bienveillance. Elle me montre mon bureau, face au sien. Elle m’explique mes tâches, me confie quelques dossiers. Puis elle descend chercher des capsules de café pour le ministre. Je classe les documents. Je veux bien faire, prouver que je mérite ma place. Et soudain… Ce parfum. Boisé. Profond. Viril. Troublant. Je lève instinctivement les yeux. Et je le vois. Il entre, entouré de deux assistants. Le ministre. Et pendant une fraction de seconde, le monde ralentit. Il me regarde. Et moi, je fonds. Littéralement. Il est beau à couper le souffle. Grand, la peau caramel foncé, le regard noir comme l’abîme, précis, magnétique. Je baisse vite les yeux. Mais je sens toujours ses prunelles me traverser. Comme une flamme contre ma peau nue. — Soyez le bienvenu, Excellence, dis-je en gardant la tête légèrement baissée. Je retiens ma respiration. Il ne dit rien. Un simple hochement. Mais son silence pèse lourd. Je sens que ce regard-là… n’a rien d’administratif. Et intérieurement, je soupire. Ça va être compliqué. Très compliqué. Mais heureusement, ce n’est qu’un stage de six mois… Nickel AMEVOR EPSE WILSON C’est exactement ce que je voulais éviter. Mais la directrice de l’école semble oublier qu’il est huit heures du matin, et que moi aussi, j’ai un poste à occuper. Je la coupe poliment : — Je comprends, madame. Je vais y réfléchir aujourd’hui. Je vous enverrai un message vocal ce soir avec ma réponse. Elle sourit, soulagée. Je sors presque en courant. Le garde m’ouvre la portière. Direction la banque. En retard. Encore. Je suis Nickel AMEVOR, épouse Wilson. 32 ans. Mère de jumeaux de 6 ans, Sam et Samuel. Chef d’agence dans l’une des plus grandes banques de la sous-région. Ironie du sort ? Cette banque appartenait à mon feu beau-père. Je l’ignorais lorsque j’ai été recrutée comme simple guichetière. Aujourd’hui, je gère des milliards. Et des urgences. Deux files interminables m’attendent devant les guichets. Et quatre chèques à confirmer. La journée commence fort. Je viens d’un foyer simple. Deux sœurs du même ventre. Deux demi-sœurs d’un autre. Mais aucune rivalité. Juste une sororité sincère. Ce sont les week-ends qui manquent. Depuis que François est ministre, je suis devenue la maîtresse de maison diplomatique. Chaque samedi, chaque dimanche, il y a quelqu’un à recevoir. Des électeurs. Des chefs de clan. Des requérants. Des espions déguisés en cousins. Et moi, je souris, je gère, je coordonne. Même quand François est “indisponible.” De l’extérieur, on croit à une vie parfaite. Un mari beau, riche, influent. Oui. Mais la vérité, c’est que le poids est invisible. François me dit souvent de quitter la banque, de souffler. Mais comment lui expliquer que c’est mon espace vital ? Ce n’est pas une question d’argent. Je suis faite pour diriger. Pour exister par moi-même. Et malgré la fatigue, malgré les soupirs silencieux… je suis heureuse. Vraiment. Parce que cet homme me couvre d’attentions, me surprend encore. Parce que j’ai construit une famille. Parce que je suis aimée. Gloire-Kafui (3 jours plus tard) Trois jours au ministère. Trois jours d’efforts. Trois jours à courir entre les dossiers. Et déjà l’épuisement me guette. Madame Dalmeida me confie presque tout. Elle me dit que je suis rapide, intuitive. Elle ne garde que les documents classés “confidentiels.” Le reste, c’est moi. Quant à lui… Le ministre. Depuis le premier jour, il m’ignore. Ou fait semblant. Un simple hochement de tête. Une salutation sèche. Mais je sens. Je sens ce regard derrière moi, chaque fois que je quitte son bureau. Et chaque fois, ma nuque se hérisse. Il me regarde comme un homme regarde une femme, pas comme un supérieur observe une subalterne. Et je sais ce que c’est. J’ai grandi entre deux frères. Je reconnais l’instinct. Ce regard-là… cherche la faille. Mais qu’il continue à regarder. Tant que cela ne va pas plus loin, je suis tranquille. Parce que moi, je ne touche pas aux hommes mariés. Jamais. C’est une ligne rouge. Et je n’ai pas peur de la tracer.Gloire-kafui APEDOHIl y a deux semaines, j'ai dû monter à Marseille avec mon frère aîné. Comme mon père était souvent absent, on m’a dit que j'avais besoin d'être entourée. D’abord, j’ai trouvé cela positif, jusqu'à ce que je croise la traîtresse Prisca. Pfff, [...] qu'ils vivent leur amour là-bas, me suis-je dit en fermant la portière de l'uber qui m'emmenait vers l'appartement de l'ancien ici à Marseille. Peut-on être aussi hypocrite ? À cause d’elle, j’ai perdu les seules sœurs que Dieu m’avait données. L’amitié entre filles, ce n’est vraisemblablement pas fait pour moi. Mon téléphone vibre et, vu l'heure, je devine de qui il s'agit. En lisant son message, une larme m'échappe. Comme pour tous les autres, je ne réponds pas. Mieux vaut qu'il se concentre sur sa famille ; je vais m'en sortir, surtout que ce n'était pas une vraie relation, juste une brève mais intense histoire. Il n’avait pas eu à me séduire, juste quelques petites attentions, un peu autoritaire, LOL. Je souris à trav
Prisca et Kafui ont une relation tumultueuse, semblable à celle entre un chien et un chat. Kafui est de nature introvertie et n’a pas beaucoup d’amies, mais Prisca a réussi à s’intégrer dans sa vie pendant leurs années de lycée. Elles se rendaient souvent visite, formant un duo agréable, car Prisca est très belle malgré ses origines modestes, tandis que Kafui avait choisi un collège protestant après le CEPD, où son groupe d’amis n’appartenait pas à la même classe sociale qu'elle. Quand Prisca était chez nous, je trouvais qu'elle était jolie, mais je n’y prêtais pas spécialement attention car j’étais en couple avec ma petite amie de l'époque, Anaëlle, qui vivait en Suisse avec sa mère, mais était souvent chez son père et sa belle-mère. Nous habitions presque côte à côte, son père étant un architecte bien connu et relativement aisé, et nous fréquentions la même école que ses sœurs et son petit frère. J’ai eu un grand coup de cœur pour Anaëlle, que je considère comme mon premier amour, m
Marc Magnoudewa Dao* Nous assistons aux funérailles de Mme APEDOH, et mon regard reste rivé sur mon ange. Oui, je désigne ainsi mon ange. Bien que la peine se reflète sur son visage, elle est toujours d'une beauté saisissante. Elle est assise en face de nous, entourée de ses deux frères qui s’efforcent de lui apporter du réconfort. Vêtue d'une robe en laine blanche, un foulard Fendi blanc cache ses cheveux. La classe politique est entièrement présente pour soutenir APEDOH, qui semble fortement affecté et a l'air d'avoir vieilli de plusieurs années en quelques jours. Mon frère n'est pas là, mais le Premier ministre est présent. Je suis assis à côté de François, dont le regard rivé sur Kafui exprime des intentions peu recommandables. François n'est pas du genre infidèle ou volage, mais qui pourrait résister au charme de cette fille ? Elle irradie d'une pureté incroyable. Désolé pour François, il est déjà marié, mais cette fois-ci, c'est à mon tour, Gloire sera à moi. Quelques heures p
Chapitre 7 François Wilson Nickel : (d'une voix douce) Sois le bienvenu, mon chéri. Moi : (je l'attire vers moi et l'embrasse) Comment s'est passée ta journée ? Nickel : Comme d'habitude, chargée, mais ça va. Et toi ? me demande-t-elle en m'aidant à enlever mon costume. Ce n'est pas toujours aisé de retirer ma veste, surtout quand elle est sur mesure. Moi : Ça va, mais les agents des douanes du port essaient de me compliquer les choses. Pour eux, transporter les conteneurs vers le Sahel depuis le port sec d'Adeticopé réduira le nombre de conteneurs à dédouaner, donc diminuerait les fraudes, ce qui leur fait perdre de l'argent, sans prendre en compte qu'un certain nombre de leurs collègues effectuera le travail au port sec. Ce sont surtout les doyens qui expriment leur mécontentement. Ce pays est véritablement corrompu. En raison du grand nombre de conteneurs à traiter en direction du Sahel, la zone portuaire est continuellement congestionnée par des gros camions en circula
Chapitre 6 Gloire-kafui APEDOH Cela fait deux jours que ma mère est plongée dans l'inconscience, reliée à divers appareils qui semblent la maintenir en vie. Le lendemain de son admission à l'hôpital, mon père est intervenu pour demander un transfert immédiat en Israël, espérant qu'elle bénéficierait d'un meilleur soin, mais les médecins affirment que son état est trop précaire pour un tel déplacement. Mon cœur est en proie à une agitation constante. À chaque fois qu'un médecin sort de sa chambre pour venir vers moi, une peur sourde m'envahit, celle d'apprendre qu'elle nous a quittés. Depuis avant-hier, je n'ai quitté l'hôpital qu'une seule fois, et c'était pour accueillir mon père à son arrivée. Étienne est resté à mes côtés, n'ayant pas quitté l'hôpital non plus. Il veille sur moi et fait des rapports à sa hiérarchie. En parlant de lui, il m'envoie des messages réguliers pour prendre de mes nouvelles. Il est évident qu'il s'est passé quelque chose entre nous au Caire, mais je pré
François Anani Wilson Magnou vient de quitter mon bureau, mais non sans avoir obtenu les coordonnées de mon assistante, ce qui m'irrite, bien sûr. On pourrait dire que je suis marié, mais ce que je ressens pour cette jeune femme est indescriptible. J'éprouve un besoin constant de la protéger, de la garder auprès de moi. Son innocence et son charme angélique sont irrésistibles. Je saisis pourquoi Magnou a succombé à son charme ; elle incarne parfaitement le type de femmes qui l'attire. Honnêtement, je désire qu’elle soit à moi. Ce voyage avec elle reste gravé dans ma mémoire. Cependant, ce qui s'est passé au Caire doit y rester. J'espère pouvoir respecter cet engagement, vraiment. Étant donné que la concernée semble n'avoir aucun souvenir de ces événements, je vais suivre son exemple. Demain est mercredi, et nous avons un conseil des ministres. Je dois rentrer tôt pour me reposer et me préparer à présenter mon projet de port sec à mon supérieur, en ayant l'espoir d'obtenir son approba