Chapitre 3 — L’équilibre fragile
François Anani Wilson Marc me tend un carton. Du vin. Probablement rare, hors de prix. Il le pose sur la table de mon salon comme une offrande silencieuse, toujours affublé de ses lunettes de soleil Gucci, alors qu’il est 18h passées. Dans mon salon. Je lui lance un regard. Il sourit, insolent. — Frérot, cette fois tu acceptes. Pas de discussion. Tu ne peux pas me sauver à chaque fois sans recevoir quelque chose. Il retire ses lunettes, révélant enfin son regard. Sombre. Fatigué. Ou peut-être simplement… résigné. — Tu sais très bien que je n’ai pas besoin de cet argent, Marc. Je soupire. — Ce que je fais, c’est pour l’image. Celle de ton frère. Pas pour toi. Pas pour moi. Je marque une pause, puis le fixe. — Mais pourquoi t’impliquer dans un trafic aussi sale, aussi dangereux, alors que tu n’en as aucun besoin ? Marc détourne les yeux. Il joue avec ses lunettes, son ton devient plus grave. — Tu ne vois donc pas ? Cette seule cargaison vaut des milliards. C’est l’un des moteurs invisibles de notre économie. Aucun pays ne peut s’en passer. On fait juste semblant. Il se redresse, me fixe à nouveau. — Et moi, je suis parfait pour ça. Discret. Lisse. Invisible pour Interpol. Le vrai boss, tu le connais. Je ne suis qu’un bras. Je m’enfonce dans le canapé, écœuré. — Je ne peux plus continuer comme ça. Mon patrimoine, mes valeurs… j’ai mis beaucoup de choses de côté pour servir ce pays. Mais pas à ce prix-là. Il hoche simplement la tête, presque sans émotion. — Tu crois que ces substances sont pour nos concitoyens ? Même pas 10 % de la population peut s’en offrir. Notre port, c’est juste un couloir. Sans ça, le chef de l’État aurait des ennuis diplomatiques chaque semaine. Moi, j’ai accepté de l’aider. Toi, tu choisis tes limites. Je reste silencieux. Marc claque soudain dans ses mains. — Bon, assez parlé business. Où est ma femme ? Je le regarde, blasé. — On l’a épousée ensemble, ou bien ? — Tu sais très bien que si je ne t’avais pas traîné à la banque ce jour-là… tu ne l’aurais jamais rencontrée. — Et tu sais très bien que ce disque-là est rayé. Nickel entre à ce moment-là avec les enfants. Sam et Samuel courent vers leur “tonton” préféré. — Tonnnntooon ! Marc les soulève, rit avec eux. Je souris, puis j’embrasse ma femme. Un baiser que je transforme volontairement en moment suspendu. Marc nous regarde en faisant la grimace. — Pfff. Vous ne frustrez personne, hein ? — Marc, sors de chez moi. dis-je en riant. — Nickel, il me vire et tu ne dis rien ? — Parce que c’est lui, mon mari, dit-elle avec un clin d’œil. — Mais c’est moi qu’elle embrasse, je rétorque en posant ma main sur sa taille. On rit. Nickel nous appelle à table. Dîner en famille. Rires, chaleur. Il essaie de filer sans son carton, mais je le lui tends. — Pas de cadeaux extravagants cette année, Marc. Pas pour moi, pas pour elle, pas pour les enfants. Je me souviens encore de l’hôtel 4 étoiles qu’il m’a offert, ou du bijou hors de prix pour ma femme, sans parler du yacht loué pour l’anniversaire des jumeaux. Il cache ses dettes sous des paquets de luxe. Mais ce soir se termine bien. Très bien. Entre les cuisses de ma femme, je me redécouvre mari, amant, homme. Nickel. Mon équilibre. Et pourtant, malgré tout, une autre silhouette me hante. Depuis trois jours, elle est dans ma tête. Elle ne fait rien d’indécent. Elle travaille. Elle baisse les yeux. Mais elle est là. Et moi, je lutte. Parce qu’elle est différente. Et parce que je ne peux rien y faire. Ce stage, c’est son père qui me l’a demandé. Je n’imaginais pas qu’il s’agissait d’elle. De Gloire-Kafui. Elle est… captivante. Et je suis en danger. Gloire-Kafui APEDOH Le sort s’acharne. La voiture s’arrête net au beau milieu de la route. Je suis là, talons de 10 cm aux pieds, capot ouvert, l’air bête. Je ne comprends rien aux moteurs. Rien. J’appelle ma mère pour avoir le numéro du mécanicien. Il doit venir au bureau. Je prévois déjà de commander un taxi, mais alors que je m’apprête à cliquer… une voiture noire se gare. Plaque verte. Mon cœur s’arrête une demi-seconde. C’est la sienne. La voiture du ministre. Étienne descend, s’approche avec calme. — Mademoiselle, le ministre vous attend. Montez. Je n’ai même pas le temps de protester qu’il ouvre la portière. J’obéis, un peu confuse. Je monte à l’arrière. Et il est là. Silencieux. Concentré sur sa tablette. — Monsieur, ce n’est pas… nécessaire… — Un mécanicien est déjà en route. Remettez la clé à Étienne, tranche-t-il, sans lever les yeux. Je tends la clé, résignée. Le silence dans la voiture est pesant. Son parfum emplit l’espace. Boisé, épicé, puissant. Je le sens, même sans le regarder. Son charisme prend toute la place. Je vole quelques regards. C’est plus fort que moi. Mon regard tombe sur son alliance. Je détourne vite les yeux. Retour à la réalité. Nous arrivons. Et bien sûr, quelques collègues nous voient descendre… ensemble. La fille du ministre… avec un ministre. Dans la même voiture. Bonjour les ragots. Nous marchons côte à côte, et au moment où il s’apprête à entrer dans son bureau, je m’élance. — Excellence… je pourrais avoir le contact du mécanicien ? Pour gérer le reste moi-même. Il se retourne, m’observe un instant. — Mademoiselle APEDOH, votre véhicule vous sera livré chez vous, réparé. Étienne s’en charge. Fermé. Tranchant. Inflexible. — Autre chose ? Je ravale ma salive. — Non. Merci, excellence. Il me met mal à l’aise. Et ce parfum, bon sang… il est pire qu’un sortilège. La journée passe lentement. Jusqu’à 14h. Il revient d’une réunion. Ses yeux brillent d’un éclat nouveau. — Préparez-vous, mademoiselle APEDOH. Nous partons en mission au Caire. Mon cœur s’arrête. Lui. Et moi. À l’étranger. Il ne manquait plus que ça.Gloire-kafui APEDOHIl y a deux semaines, j'ai dû monter à Marseille avec mon frère aîné. Comme mon père était souvent absent, on m’a dit que j'avais besoin d'être entourée. D’abord, j’ai trouvé cela positif, jusqu'à ce que je croise la traîtresse Prisca. Pfff, [...] qu'ils vivent leur amour là-bas, me suis-je dit en fermant la portière de l'uber qui m'emmenait vers l'appartement de l'ancien ici à Marseille. Peut-on être aussi hypocrite ? À cause d’elle, j’ai perdu les seules sœurs que Dieu m’avait données. L’amitié entre filles, ce n’est vraisemblablement pas fait pour moi. Mon téléphone vibre et, vu l'heure, je devine de qui il s'agit. En lisant son message, une larme m'échappe. Comme pour tous les autres, je ne réponds pas. Mieux vaut qu'il se concentre sur sa famille ; je vais m'en sortir, surtout que ce n'était pas une vraie relation, juste une brève mais intense histoire. Il n’avait pas eu à me séduire, juste quelques petites attentions, un peu autoritaire, LOL. Je souris à trav
Prisca et Kafui ont une relation tumultueuse, semblable à celle entre un chien et un chat. Kafui est de nature introvertie et n’a pas beaucoup d’amies, mais Prisca a réussi à s’intégrer dans sa vie pendant leurs années de lycée. Elles se rendaient souvent visite, formant un duo agréable, car Prisca est très belle malgré ses origines modestes, tandis que Kafui avait choisi un collège protestant après le CEPD, où son groupe d’amis n’appartenait pas à la même classe sociale qu'elle. Quand Prisca était chez nous, je trouvais qu'elle était jolie, mais je n’y prêtais pas spécialement attention car j’étais en couple avec ma petite amie de l'époque, Anaëlle, qui vivait en Suisse avec sa mère, mais était souvent chez son père et sa belle-mère. Nous habitions presque côte à côte, son père étant un architecte bien connu et relativement aisé, et nous fréquentions la même école que ses sœurs et son petit frère. J’ai eu un grand coup de cœur pour Anaëlle, que je considère comme mon premier amour, m
Marc Magnoudewa Dao* Nous assistons aux funérailles de Mme APEDOH, et mon regard reste rivé sur mon ange. Oui, je désigne ainsi mon ange. Bien que la peine se reflète sur son visage, elle est toujours d'une beauté saisissante. Elle est assise en face de nous, entourée de ses deux frères qui s’efforcent de lui apporter du réconfort. Vêtue d'une robe en laine blanche, un foulard Fendi blanc cache ses cheveux. La classe politique est entièrement présente pour soutenir APEDOH, qui semble fortement affecté et a l'air d'avoir vieilli de plusieurs années en quelques jours. Mon frère n'est pas là, mais le Premier ministre est présent. Je suis assis à côté de François, dont le regard rivé sur Kafui exprime des intentions peu recommandables. François n'est pas du genre infidèle ou volage, mais qui pourrait résister au charme de cette fille ? Elle irradie d'une pureté incroyable. Désolé pour François, il est déjà marié, mais cette fois-ci, c'est à mon tour, Gloire sera à moi. Quelques heures p
Chapitre 7 François Wilson Nickel : (d'une voix douce) Sois le bienvenu, mon chéri. Moi : (je l'attire vers moi et l'embrasse) Comment s'est passée ta journée ? Nickel : Comme d'habitude, chargée, mais ça va. Et toi ? me demande-t-elle en m'aidant à enlever mon costume. Ce n'est pas toujours aisé de retirer ma veste, surtout quand elle est sur mesure. Moi : Ça va, mais les agents des douanes du port essaient de me compliquer les choses. Pour eux, transporter les conteneurs vers le Sahel depuis le port sec d'Adeticopé réduira le nombre de conteneurs à dédouaner, donc diminuerait les fraudes, ce qui leur fait perdre de l'argent, sans prendre en compte qu'un certain nombre de leurs collègues effectuera le travail au port sec. Ce sont surtout les doyens qui expriment leur mécontentement. Ce pays est véritablement corrompu. En raison du grand nombre de conteneurs à traiter en direction du Sahel, la zone portuaire est continuellement congestionnée par des gros camions en circula
Chapitre 6 Gloire-kafui APEDOH Cela fait deux jours que ma mère est plongée dans l'inconscience, reliée à divers appareils qui semblent la maintenir en vie. Le lendemain de son admission à l'hôpital, mon père est intervenu pour demander un transfert immédiat en Israël, espérant qu'elle bénéficierait d'un meilleur soin, mais les médecins affirment que son état est trop précaire pour un tel déplacement. Mon cœur est en proie à une agitation constante. À chaque fois qu'un médecin sort de sa chambre pour venir vers moi, une peur sourde m'envahit, celle d'apprendre qu'elle nous a quittés. Depuis avant-hier, je n'ai quitté l'hôpital qu'une seule fois, et c'était pour accueillir mon père à son arrivée. Étienne est resté à mes côtés, n'ayant pas quitté l'hôpital non plus. Il veille sur moi et fait des rapports à sa hiérarchie. En parlant de lui, il m'envoie des messages réguliers pour prendre de mes nouvelles. Il est évident qu'il s'est passé quelque chose entre nous au Caire, mais je pré
François Anani Wilson Magnou vient de quitter mon bureau, mais non sans avoir obtenu les coordonnées de mon assistante, ce qui m'irrite, bien sûr. On pourrait dire que je suis marié, mais ce que je ressens pour cette jeune femme est indescriptible. J'éprouve un besoin constant de la protéger, de la garder auprès de moi. Son innocence et son charme angélique sont irrésistibles. Je saisis pourquoi Magnou a succombé à son charme ; elle incarne parfaitement le type de femmes qui l'attire. Honnêtement, je désire qu’elle soit à moi. Ce voyage avec elle reste gravé dans ma mémoire. Cependant, ce qui s'est passé au Caire doit y rester. J'espère pouvoir respecter cet engagement, vraiment. Étant donné que la concernée semble n'avoir aucun souvenir de ces événements, je vais suivre son exemple. Demain est mercredi, et nous avons un conseil des ministres. Je dois rentrer tôt pour me reposer et me préparer à présenter mon projet de port sec à mon supérieur, en ayant l'espoir d'obtenir son approba