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Chapitre 8 — La Trahison

Author: sonia yayock
last update Last Updated: 2025-10-13 00:00:24

Le lendemain, le vent soufflait du nord.

Il soulevait sur le lac de petites vagues, rapides, nerveuses, comme si l’eau hésitait entre fuir et frapper.

Je n’avais pas dormi ; les paroles de Laila tournaient dans ma tête : « Si je ne suis pas là, fais confiance à l’eau. »

Je ne savais pas si c’était une promesse ou un piège.

Le portail du Boathouse était fermé.

La clé de laiton tourna difficilement, grinça comme un secret qu’on force.

À l’intérieur, tout semblait intact : les fauteuils, les lanternes, les dés.

Mais la lumière avait changé ; une teinte froide, presque métallique, baignait la pièce.

Sur la table, un seul objet : une enveloppe scellée d’un cercle rouge.

Mon prénom, écrit d’une écriture rapide.

Je l’ouvris.

Sonia,

Ne crois personne avant d’avoir vu ce que le lac garde pour toi.

— L.

Une autre feuille tomba.

Une photo encore : Laila et Claudia, sur le ponton, un soir d’été.

Derrière elles, dans l’eau, une troisième silhouette floue.

Le nom « Maëlle » griffonné au dos.

Je sursautai : quelqu’un venait d’entrer.

Ivy.

Ses yeux étaient cernés, ses cheveux défaits ; elle n’avait plus rien de la femme sûre d’elle qui menait les jeux.

— Laila ? dis-je.

— Disparue.

— Depuis quand ?

— Depuis hier soir.

Elle me montra son téléphone.

Un message anonyme, reçu à minuit :

La vérité ne se cache plus au fond. Elle remonte.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Que quelqu’un veut briser le Cercle.

Elle s’assit, alluma une cigarette, tira une bouffée nerveuse.

— Je pensais que c’était Claudia, dit-elle. Mais maintenant… je ne sais plus.

Des pas dans le couloir.

Claudia apparut, calme, posée. Trop posée.

Ses mains ne tremblaient pas ; son regard allait de moi à Ivy avec une précision presque mathématique.

— Laila t’a laissée entrer, Sonia ?

— Non. J’avais la clé.

— Elle t’a donc choisie.

Elle s’approcha de la table, observa la photo, l’enveloppe ouverte.

Un sourire glissa sur ses lèvres.

— Je m’y attendais.

— Où est-elle, Claudia ?

— Où vont celles qui croient qu’on peut sauver les autres sans se perdre soi-même.

Sa voix était douce, mais il y avait dans ses mots la froideur d’un couteau bien aiguisé.

Ivy se leva brusquement.

— Arrête tes énigmes ! Qu’as-tu fait, Claudia ?

— Rien que ce qu’elle m’a demandé.

Je vis alors le dé noir entre ses doigts, celui de Laila, celui du désir.

Elle le fit rouler.

Le chiffre six s’arrêta.

— Toujours lui, murmura-t-elle. Laila croyait qu’il ouvrait les portes. En réalité, il les ferme.

Ivy fit un pas vers elle, menaçante.

— Si tu lui as fait du mal…

— Moi ? Non. C’est elle qui a choisi la vérité, pas moi.

Elle sortit un autre objet de sa poche : le ruban rouge que Laila portait la veille.

Taché, humide.

— Non, souffla Ivy.

— Oui, répondit Claudia simplement. Le lac l’a reprise.

Un silence épais tomba, si lourd que j’entendais le battement de mon propre cœur.

— Pourquoi ? demandai-je.

Claudia me regarda, presque tendre.

— Parce qu’elle t’aimait trop. Et dans le Cercle, aimer est la seule faute qu’on ne pardonne pas.

Je sentis mes jambes céder. Ivy me retint.

Claudia continua, comme on récite une prière apprise par cœur.

— Elle t’a protégée, Sonia. Elle savait que quelqu’un voulait te briser. Que la vérité sur Maëlle te détruirait aussi.

Je murmurai :

— C’est toi, n’est-ce pas ? C’est toi qui as fait disparaître Maëlle.

Claudia ne répondit pas tout de suite.

Elle lança le dé une dernière fois.

Le chiffre zéro.

— Oui, dit-elle. Mais le lac m’a déjà punie. Chaque jour depuis.

Dehors, le tonnerre éclata.

Le lac se mit à battre contre la jetée comme un cœur en colère.

Ivy saisit le dé et le jeta dans l’eau.

— Assez de tes symboles ! cria-t-elle.

Claudia ferma les yeux.

— Tu crois que ça l’arrête ? Rien ne s’arrête au lac.

Elle se tourna vers moi.

— Laila voulait que tu continues. Que tu comprennes pourquoi le Cercle existe encore.

— Et pourquoi existe-t-il ?

— Parce qu’il faut toujours quelqu’un pour veiller sur les mensonges.

Elle me prit la main, la posa sur le ruban humide.

— Tu peux partir, Sonia. Ou rester. Si tu restes, tu deviens gardienne. Si tu pars, tu deviens souvenir.

Ivy pleurait, muette.

Je regardai le lac ; dans ses remous, j’eus l’impression d’apercevoir un éclat doré — la barrette d’onyx de Laila.

Je fis un pas vers l’eau.

La pluie recommença à tomber, douce, insistante.

Chaque goutte effaçait un peu plus le reflet de mon visage.

— Que choisir, Sonia ? souffla Claudia derrière moi.

— Ni l’un ni l’autre, répondis-je. Je choisis de savoir.

Et je plongeai mes mains dans le lac.

L’eau était glacée, mais elle me reconnut.

Sous la surface, quelque chose bougea.

Un mouvement lent, circulaire, comme un battement de cœur inversé.

Quand je retirai mes mains, une chose resta dans ma paume :

le dé noir.

La gravure avait disparu.

Il n’y avait plus de chiffres.

Plus de règles.

Seulement le silence du lac.

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