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Chapitre 7

Author: Simonne Corriveau
Quoi ? Noah avait disparu ?

Évelyne est restée figée sur place, la lame pressée contre sa peau y traçant déjà une fine entaille rougeoyante.

« Reprends-toi », a-t-elle tenté de raisonner Rosalie, « j'ignore où est Noah ! »

Mais Rosalie, semblable à une furie, la main tremblante, laissait le couteau danser dangereusement près de son cou : « Impossible ! Vous êtes la seule ici à le détester. Et ces camions qui sont venus aujourd'hui... Qui d'autre pourrait l'avoir fait ? »

Ses yeux injectés de sang, la voix ravagée par les sanglots, elle jouait parfaitement la mère éplorée : « Je vous en supplie, rendez-le moi… Il est tout ce que j'ai. »

Puis, comme pour porter le drame à son paroxysme, elle a jeté le couteau et s'est effondrée à genoux : « Madame… Noah, c'est ma vie… »

Évelyne a reculé enfin, libérée. Mais devant tant de théâtralité, elle n'a pas pu retenir une question cinglante : « Ta vie ? Pourquoi ? Ce n'est qu'un enfant adopté d'un orphelinat. Votre lien est déjà si profond ? »

« Il est mon… » Rosalie a semblé sur le point de se trahir, mais s'est reprise à temps, ensevelie sous de nouveaux sanglots.

Évelyne n'allait pas laisser cette comédie suivre son scénario.

Souriant légèrement, elle a provoqué Rosalie : « Il est ton quoi ? Dis-le donc. »

« Assez ! » a tonné Martial, « Évelyne, cesse cette agressivité. »

Évelyne s'est tournée lentement vers lui, les pupilles tremblantes d'incrédulité.

Depuis l'enfance, cet homme n'avait jamais élevé la voix contre elle. Et la première fois qu'il le faisait, c'était pour défendre sa maîtresse et son bâtard ?

Quand Rosalie l'avait menacée avec un couteau, pourquoi était-il resté silencieux ?

En un instant, déception, douleur et ironie se sont mêlées en elle pour former une évidence cruelle : elle était définitivement désillusionnée par celui qu'elle appelait encore son mari.

Martial a perçu son changement d'expression. Se repentant déjà, il a adouci sa voix : « Je ne t'accuse pas. Rosalie s'est occupée de Noah depuis le début, elle était juste bouleversée… »

Évelyne l'a interrompu d'un ton glacé : « Assez. Je ne veux pas entendre. Et je répète, je ne sais pas où est ton fils. S'il a vraiment disparu, appelle la police. »

Son regard était vide de toute émotion, comme si elle parlait d'inconnus.

Cette froideur a fait paniquer Martial, au point qu'il n'a remarqué même pas qu'elle venait de reconnaître Noah comme son fils.

Soudain, son assistant a fait irruption : « M. Thiers, Noah a été retrouvé. Dans un camion en partance de la ville. Nos hommes le ramènent. »

Tous ont soupiré de soulagement, sauf Évelyne. Les camions qu'elle avait appelés pour les enchères venaient de la rendre coupable sans preuve.

Bélise, assise sur le canapé, a ricané : « Tu ne peux pas enfanter, alors j'ai choisi un enfant à l'orphelinat pour toi. Mais même ça ne te suffit pas ? Tu veux donc que les Thiers n'aient pas de descendance ? »

Chaque mot a lacéré les plaies d'Évelyne comme du sel sur une brûlure.

Son regard a cherché instinctivement celui de Martial, mais il fixait Rosalie avec une intensité troublante, perdu dans ses pensées. Soudain, Evelyne a senti un poids écrasant lui comprimer la poitrine.

« C'est vrai », a-t-elle ricané amèrement, « je n'aurais jamais dû risquer ma vie pour sauver Martial. J'aurais dû le laisser mourir ! »

Ces mots ont arraché brutalement le voile pudique qui couvrait leurs relations complexes.

Martial s'est tourné vivement vers elle, mais n'a vu dans ses yeux qu'une tristesse profonde.

En apercevant la trace écarlate à son cou, il a murmuré, la gorge serrée : « Ne dis pas de choses que tu regretteras... »

Il s'est approché pour lui prendre la main, mais Évelyne a esquivé son geste avec froideur.

Rien que l'idée que ces mains avaient caressé Rosalie la veille la soulevait de dégoût.

Sans lui accorder un regard de plus, elle a consulté son téléphone, demandant à Clarisse son heure d'arrivée. Mais aucune réponse n'est venue.

Un silence lourd s'est installé dans la villa, seulement troublé par les sanglots étouffés de Rosalie.

Peu après, Noah était ramené. En apercevant Évelyne, il s'est caché derrière Martial en la désignant du doigt : « C'est elle, Papa ! C'est elle qui a voulu m'abandonner ! »

Sur ces mots, Bélise s'est levée d'un bond, le visage sévère : « Évelyne, qu'as-tu à dire pour ta défense ? Un enfant ne mentirait pas sur une telle chose ! »

Martial, quant à lui, n'a pas prononcé un mot, mais son regard disait clairement ce qu'Évelyne y a lu : lui aussi la suspectait.
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