Ça fait trois jours que Marco a perdu l'appétit. Il a boudé ce que Caroline lui a concocté ce dimanche. Il feint la fatigue et prétend qu’il ne se sent pas très bien.
Caroline, absorbée par les derniers préparatifs du mariage, ne prête pas vraiment attention à son comportement. Pour elle, Marco est simplement stressé. Elle-même est sous pression, jonglant entre les rendez-vous avec le traiteur, les essayages de sa robe et les mille et un détails qu’implique l’organisation d’un mariage de cette envergure.
Mais Marco, lui, ne voit plus les choses de la même façon. Depuis qu’il a lu ce message, il sent une rage bouillonner en lui. Son père. Sa fiancée. Une trahison inimaginable. Ou alors s’agit-il d’un simple malentendu ? Chaque fois qu’il tente d’effacer cette pensée, elle revient le hanter. Le doute grandit. Son père est un homme puissant, influent, habitué à obtenir ce qu’il veut. Et Caroline… Caroline a toujours été proche de lui, admirative de son charisme, de sa réussite.
— Tu es sûr que ça va ? demande Caroline, visiblement inquiète. Tu devrais consulter un médecin. On a un excellent docteur dans la famille, je peux prendre rendez-vous pour toi et…
— Ça va ! Coupe Marco sèchement. Je sais très bien qui aller voir.
Caroline le dévisage un instant, surprise par son ton.
— Hum… Tu es vraiment bizarre ces derniers temps.
— Bizarre, moi ? Qu’est-ce que tu insinues ? réplique-t-il, agacé.
— Rien… Oublie. Elle hausse les épaules. Prends soin de toi, d’accord ?
Marco détourne le regard, le cœur lourd. Caroline ne se doute de rien… Mais lui, il sait. Et il a besoin de réponses. Il relit sans cesse ces phrases dans sa tête, espérant y trouver une autre signification, une explication rationnelle. Mais il n’y en a pas. Tout à l’air trop intime, trop équivoque.
« Bonne soirée ma petite… »
« J’ai bien apprécié ces longs moments en ta compagnie, tu seras une excellente épouse… »
« Ma petite j’attends une réponse hâtive de ta part ; bonne nuit… »
« Tu me manques… »
« J’ai hâte de te revoir… »
« Ce week-end à Kribi était magique… »
« Je n’arrête pas de penser à toi… »
Il s’est juré de ne rien laisser transparaître, de garder son sang-froid. Mais à l’intérieur, il est en colère. L’image de son père, cet homme qu’il a toujours admiré et craint malgré ses frasques, s’effrite à chaque seconde. L’idée même d’affronter la vérité lui donne la nausée. Doit-il confronter Caroline ? Faire face à son père ? Rien que d’y penser, il serre les poings avec une rage indescriptible.
— Je vais finir par avoir de violentes migraines à force d’y penser, maugrée-t-il entre ses dents, pestant contre Caroline dans un flot d’insultes murmurées à lui-même.
Il lui est arrivé d’observer Caroline à la dérobée, scrutant le moindre geste, le moindre regard, cherchant désespérément à comprendre le pourquoi du comment.
—Ou alors… elle est au courant pour Cynthia ? Murmure-t-il, le regard perdu. Je ne comprends rien ! Qu’est-ce qui a bien pu la pousser dans les bras de… de mon…
Il s’interrompt, incapable de prononcer le mot. L’idée même le dégoûte.
—C’est sûr, elle veut se venger. Elle est devenue tellement bizarre .
Il serre les poings, pris entre la rage et l’incompréhension.
—Il faut que j’en sache davantage.
Le brouhaha s’estompe peu à peu, laissant place à un silence. Tous les regards convergent vers le représentant de la famille de Caroline, un homme d’âge mûr, vêtu d’un grand boubou brodé . Il s’éclaircit la gorge avant de prendre la parole.
— Mesdames et Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue en cette journée mémorable. Aujourd’hui, nos deux familles sont réunies pour célébrer une alliance sacrée, celle de nos enfants, Caroline et Marco.
Des murmures d’approbation parcourent l’assemblée, tandis que certains invités hochent la tête avec un sourire satisfait.
Assis côte à côte, Marco et Caroline affichent des visages impassibles. Mais si Caroline semble sereine, Marco, lui, a du mal à masquer son trouble. Il jette un regard furtif vers son père, puis vers Caroline, et enfin vers sa propre mère, qui arbore un sourire radieux. Le représentant continue :
— Nos ancêtres nous enseignent que le mariage est l’union de deux âmes, un engagement où confiance et loyauté doivent être les piliers…
Marco n’entend plus la suite. Les mots résonnent dans son esprit, mais son attention est ailleurs. Il observe Caroline du coin de l’œil. Elle sourit, droite, fière, impeccable dans sa tenue. Pourtant, il ne peut s’empêcher de se demander si elle joue un rôle ou bien si elle cache quelque chose ? Son regard se dirige ensuite vers son père, Henri Parfait, assis non loin de là. Lui aussi arbore un sourire serein, presque trop serein. Marco ravale sa colère et se force à garder son calme.
— Chers amis, dans peu de temps, nos deux familles ne feront plus qu’une… Une seule et grande famille, unie par les liens sacrés du mariage. Aujourd’hui, nous célébrons l’amour qui unit nos enfants, Caroline et Marco, un amour qui scellera cette belle alliance entre nous tous. Alors, en leur honneur, et au nom du bonheur que nous leur souhaitons, levons nos verres et trinquons à leur avenir radieux !
Les cris de joie et les applaudissements résonnent de partout, emplissant la pièce d'une atmosphère festive. Marco et Caroline viennent de se fiancer, et le mariage est prévu pour le mois prochain. Marco a demandé la main de Caroline, agissant pour l'honneur de sa famille, pour la gloire et pour des intérêts qui lui semblent de plus en plus superficiels.
Mais Marco a finalement eu la confirmation. Son propre père, celui-là même, est devenu son rival. Cette révélation lui est parvenue une nuit fatidique. Alors qu'il était assis dans un snack à proximité d’un hôtel avec des amis, prenant un peu d'air et fumant une cigarette, il a vu Caroline quitter l’hôtel. Plus troublant encore, il a aperçu la voiture de son père la suivre de près. Caroline semble avoir atteint un point où elle ne craint plus d'être prise en flagrant délit.
—Mince ! C’est donc vrai… elle me cocufie… comme une pro, avec mon salaud de père !
Cette fois, c’en est trop. Il en a assez d’être traité comme un idiot dans cette histoire, surtout pendant les dîners du dimanche avec son père. Il pouvait sentir le regard dédaigneux et moqueur de celui-ci sur lui, accompagné des rires sarcastiques de Caroline. Depuis ce jour, il s’est efforcé de garder son calme et de rester patient.
— Je vais jouer le jeu jusqu’à la dernière seconde, avant de sortir ma dernière carte, soigneusement cachée dans ma poche.
Quelques jours avant les fiançailles, il a décidé d’affronter son père en face. La colère qui couvait en lui était insupportable, c'était vraiment la goutte de trop. Henri Parfait, comme à son habitude, s’adonnait à son sport favori, le golf, chaque week-end. Il se rendait tous les samedis matin dans ce club prisé par l’élite guindée et snob. Son fils savait exactement où le trouver, et cela tombait bien, car ils auraient enfin l’occasion de discuter loin de la maison.
—Il faut que je te parle… Papa.
— Il y a quoi ? Ça ne pouvait pas attendre ? Au point de te déplacer et venir me déranger ici ? Tu sais que je n’ai que cette journée pour me détendre, alors ne…
— Oh que non, ça ne pouvait pas attendre. Et crois-moi, en ce qui concerne la détente dont tu parles, je sais que c’est devenu ton passe-temps favori.
Son père, qui avait le dos tourné, se retourna brusquement. Marco, avec un regard noir, ne comptait pas céder cette fois. Pas question de cligner des yeux face à cet homme influent et dominateur…
— Quoi ? Tu peux répéter ça ?
— Tu m’as très bien compris… Père.
— De quelle détente tu parles ? Qu’est-ce que tu essaies de me faire comprendre ?
— Avec ma fiancée. Ne fais pas l’ignorant, je sais tout. Tu couches carrément avec elle ! Toi qui te prends pour un être si supérieur, regarde-toi, tu oses te rabaisser à ce point. J’ai vraiment envie de te…
Il avait déjà formé le poing avec sa main, prêt à exploser. La colère bouillonnait en lui, et il savait que ce moment était crucial.
— Tu veux me frapper ? Vas-y, je t'en prie !
— Ne me menace pas ! Cette fois, ça ne marchera pas.
— Écoute-moi bien. Oui, je couche avec elle. Oui, on prend du plaisir ensemble. Mais ça n’a aucune importance.
— Quoi ? Qu’est-ce que…
— Laisse-moi te dire une chose : ta Caroline et moi, ça fait des mois qu’on se voit, des mois qu’on partage des moments intimes. Nous nous sommes rapprochés, voilà ! Je le fais pour son bien.
— Mais tu n’es qu’un…
— Ferme-la et écoute-moi bien. Si tu oses faire du bruit à ce sujet, en disant que le père Mbele se tape la fiancée de son fils, crois-moi, c’est toi qui perdras la face. Moi, je suis devenu intouchable. Oui, je vais faire en sorte que cette histoire devienne ta responsabilité, pas la mienne. On dira que le fils Mbele est cocu et que son rival n’est autre que son père. Incroyable, non ? Tu seras le dindon de la farce, tu n’oseras même plus sortir ta tronche de rat hors de chez toi, alors que moi… qui osera me défier ? Personne ! Je retournerai cette affaire contre toi. Toute la république connaît tes frasques ; je connais tes multiples aventures. Tu n’es pas si blanc comme neige. Et pendant que tu prépares ton mariage, on dira aussi que le fils Mbele se pavane avec d’autres filles… Cynthia ? Elle t’a tourné la tête, on dirait. Alors, je te conseille, mon cher fils, de te marier. Ce mariage aura bel et bien lieu. Et ne reviens plus jamais, tu entends ? Ne me parle plus ou ne me défie plus jamais de cette manière. Maintenant, va-t’en et laisse-moi me détendre.
Les paroles d’Henri Parfait résonnent encore dans la tête de Marco. Ce soir, à table, lors du dîner de famille chez Caroline après leurs fiançailles, son père lui a lancé un de ces regards dédaigneux en levant son verre. Marco a fait de même, mais son geste était un signe pour lui signifier qu’il avait encore gagné. Ce soir-là, il feint d'être heureux aux côtés de sa belle, mais au fond, il se sent piégé. Coincé, il l'est vraiment. Sa mère, qui le connaît mieux que quiconque, a immédiatement remarqué qu’il n’était pas dans son assiette…
— Maman, je n’ai pas d’appétit ! C’est tout, lui a-t-il répondu alors qu’ils s’étaient retirés dans un coin pour discuter.
— Dis-moi ce qui ne va pas. Je te connais ! Ne me dis pas que tu as renoué avec cette fille… Cynthia, c’est ça ?
— Qu’est-ce que ça change ? Que je renoue avec elle ou pas.
— Tu as juste le trac. Ça va aller. Une fois que tout ça sera passé, tu pourras faire ce que tu veux. Caroline…Tu… tu ne l’aimes pas, c’est ça ?
Marco a regardé sa mère droit dans les yeux. Oui, elle le connaît si bien, mais il préfère lui épargner le détail qui blesse. Il ne veut pas lui faire de la peine, surtout pas avec cette histoire.
— Non… Maman, je ne l’aime pas… Je ne l’aime plus. Elle… elle me dégoûte. J’étouffe, je n’en peux plus ! Ce mariage me donne même la nausée. Je me sens comme pris au piège, coincé. Mais… je ne sais pas comment m’en défaire.
— Sois patient. Tu réapprendras à l’aimer et à l’apprécier à sa juste valeur.
Marco a simplement lancé un regard de détresse à sa mère, sans ajouter un mot de plus.
Plus le mariage approche, plus Marco est dans un état second. Il se sent nerveux, tendu. La cérémonie se déroulera dans la ville de Kribi, et tout le monde s'active autour des préparatifs. Selon la tradition, Caroline doit d'abord rentrer chez ses parents, et les futurs mariés ne se verront que le jour du mariage. Marco est censé partir pour Kribi deux jours avant, accompagné de sa mère et du chauffeur. Pendant tout ce temps, il fait de son mieux pour éviter son père, bien que ce dernier ne gère pas ses humeurs.
La veille de son départ pour Kribi, Marco est adossé au balcon de la terrasse de chez ses parents. Pensif, tendu, il est au bord de la crise de nerfs. Son père le rejoint et se tient juste à côté de lui. Les deux hommes regardent presque dans la même direction… vers les étoiles.
— Ne t’avise pas de déconner. Lui dit son père. Mais rassure-toi, après ce mariage, tu pourras papillonner autant que tu veux avec ton autre poupée ; ça te regarde. Ce qui importe, c’est ton mariage avec Caroline, pour sceller l’union entre nos deux familles.
— Et pour que tu continues à batifoler avec elle sous mes yeux à ton aise, c’est ça ? lui rétorque Marco en le défiant du regard. Puis, il tourne brusquement les talons et s’en va.
Le lendemain matin, à l’heure du départ, Christiane, qui est toujours lève-tôt, est en panique. Elle interroge tous ceux qui sont présents sur ce qui s’est passé, mais personne ne sait rien. Ils n’ont rien vu et n’ont même rien entendu…
—Ce n’est pas possible, s’exclame-t-elle.
Elle accourt dans la chambre pour réveiller son mari…
—Henri ! Henri !
—Hein ? Quoi ? Mais tu as vu l’heure ? Il est 6h du matin.
—Je sais… Je sais … Mais on a un problème grave.
—Un problème grave…. Que tu n’arrives pas à gérer toute seule ?
—Que nous allons devoir gérer tous… Marc est introuvable !
Marco roule à vive allure, le cœur battant. Il s'en fiche éperdument de tout ; peu importe ce qui pourrait lui arriver, peu importe la destination. Il a craqué, il n'en peut plus. C'est trop d'humiliations à supporter : son père, Caroline… Il les imagine tous les deux en train de… puis se moquer de lui.
—Non ! C’est insupportable… je… je ne…
Il roule tellement vite qu'il ne prête pas attention à la jeune fille qui tente de traverser la route. Elle titube, paniquée, et au dernier moment, elle se ravise, mais c'est trop tard…
Deux mois avant l’accident…Nahema observe Gérard. Elle l’a toujours trouvé séduisant. Elle a toujours été amoureuse de lui depuis ses 16 ans, mais à l’époque, il avait d’autres objectifs ; il ne la voyait même pas et sortait uniquement avec des filles plus âgées. À 19 ans, Nahema a décidé de refouler ses sentiments et de l’oublier le jour où il est parti vivre en ville, il y a cinq ans. Mais les temps ont bien changé. Aujourd'hui, Nahema et Gérard cheminent ensemble, et cela fait bientôt un an qu'ils sont en couple.— J'espère que tu seras prête quand on partira, lui dit Gérard alors qu'ils se retrouvent dans un coin du village.— Oui, c'est pour ça que je veux qu'on fasse le point chaque fois qu'on se voit ici. Je n'en peux plus de vivre dans ce village ; il n'y a rien ici.— D'accord, on va partir. Suis simplement mes instructions à la lettre pour que ça se passe bien là-bas.— Ça fait des mois qu'on essaie de planifier mon déménagement avec toi. J'ai 24 ans et je galère ici. Je ne
Le médecin, visiblement sûr de lui, continue sur un ton professionnel.— Oui, votre fiancée. Elle a subi un traumatisme important, mais son état est stable. Avec du repos et des soins adaptés, elle s’en sortira sans séquelles majeures.Marco cligne des yeux, cherchant à comprendre.— Attendez… Vous parlez bien de la jeune femme que j’ai amenée ici ?— Oui, bien sûr. Avant de perdre connaissance, elle a murmuré quelque chose à propos de vous. Et comme vous êtes resté ici toute la matinée, nous avons supposé que vous étiez son fiancé.Marco passe une main nerveuse sur son visage, tentant d’assimiler l’absurdité de la situation. Fiancée ? Il ne sait même pas qui est réellement cette fille… Et voilà qu’il se retrouve embarqué dans un malentendu improbable.— Ne vous inquiétez pas, elle s’en est plutôt bien sortie. Reprend le médecin. Une fracture au bras, quelques commotions légères, mais rien de trop grave. Elle est surtout épuisée, mais avec un peu de repos, tout ira bien.— C’est une b
Après avoir entendu les propos de Nahema, Marco a complètement perdu le contrôle. Il a piqué une crise de nerfs, son visage se déformant sous l’effet de la colère.—J’aimerais bien savoir comment tu vas t’y prendre. Tu ne sais même pas de quoi tu parles !—Le médecin connaît toute l’histoire, les infirmières sont au courant, et même si tu te crois tout puissant, ça va se savoir.—Tu penses vraiment que tu me fais peur ? J’aurais pu te laisser là, seule sur cette route, agonisante. J’aurais même pu partir sans chercher à comprendre quoi que ce soit. Mais non, je me suis engagé à t’aider, à payer tous tes soins, parce que j’ai une conscience. Et toi, tu me parles de quoi, là ?—Je… s’il te plaît…—Fou-moi la paix ! T’es qu’une pauvre idiote !Furieux, Marco est sorti de la chambre, son visage marqué par la colère. En croisant le médecin dans le couloir, ce dernier a tenté de l’aborder, mais Marco l’a évité de justesse, le snobant totalement. Il ne lui a pas accordé un regard et s'est di
A l’hôtel, Marco peine à trouver le sommeil. Finalement, il se lève en pleine nuit et sort sur le balcon de sa chambre, une cigarette entre les doigts. Adossé à la rambarde, il réfléchit. Tout s’effondre autour de lui : son mariage annulé, les conséquences à gérer, son père, Caroline… Mais il se sent prêt à les affronter. Il sait que sa décision est justifiée, que personne ne pourra lui en vouloir, pas cette fois. Il est prêt à affronter le regard des autres, même sur son lieu de travail.Puis, une pensée le traverse. Cynthia.Un vide s’installe en lui. Elle lui manque. Il a envie de la voir, de se confier à elle, de retrouver cette complicité qui les liait depuis un moment. Aux dernières nouvelles, elle avait enfin rompu avec ce pseudo petit copain qui, selon lui, ne lui correspondait pas du tout.Après tout ce tumulte, il compte bien tout lui avouer sur son mariage raté. Et surtout, il veut lui proposer de partir avec lui. Loin. Quelque part où ils pourraient être ensemble, sans str
Nahema hésite un instant, puis se ravise, son regard fuyant et son air visiblement perturbé.—Pas maintenant… Quand je sortirai, je te dirai tout. Pas ici, s’il te plaît ! Je suis encore trop secouée par tout ça.Marco la menace du regard, ses yeux chargés de détermination.—Tu as intérêt à me dire toute la vérité, Nahema. Si tu veux vraiment que je t’aide. Je ne peux pas héberger une inconnue chez moi sans savoir à qui j’ai affaire. Ces gens qui t’ont agressée doivent sûrement être à ta recherche. Je veux tout savoir, maintenant ! Et si tu es prête à aller jusqu’au bout, tu pourras porter plainte contre eux.Nahema baisse les yeux, son souffle se faisant plus lourd. Elle se mord les lèvres avant de répondre d'une voix plus douce, presque suppliante.—D’accord… Je te promets que je te dirai tout, mais pas ici… Pas maintenant…Christiane a fait ce qu’il fallait. Elle a promis à Marco de lui remettre les clés ce soir-là, et ils se sont donné rendez-vous à la maison de la campagne, vers
Il fait immédiatement un demi-tour, pestant en silence contre lui-même.— Mince ! Mince ! Mais qu’est-ce qu’elle a à laisser la porte ouverte ? se dit-il, frustré.Pendant toute la soirée, il se sent très mal à l’aise. Il évite Nahema autant que possible, préférant s’enfermer dans sa chambre. Plus tard dans la nuit, incapable de trouver le sommeil, il descend au salon. Il se dirige vers la cuisine, prend une bouteille d’eau, puis s'affale sur un des sofas. Ses pensées reviennent sur ce qu'il a vu… ses courbes, son dos, ses fesses… NON. Il ne devrait pas penser à ça.Le lendemain, il se fait la promesse de relancer Cynthia, qui a enfin accepté l’invitation.— C’est toi qui refuses de me donner l’occasion de te traiter comme une lady. Tu ne fais que me tourner en rond.— Où est ton carrosse, chéri ? Je suis prête, ironise-t-elle.Marco s’est arrangé pour rentrer le plus tard possible. Cela fait déjà deux semaines que Nahema squatte chez lui, et il commence à en avoir assez. Il a hâte qu
Après une nuit riche en émotions, tout le monde a fait la grasse matinée. Cela inclut bien sûr nos deux tourtereaux, mais aussi Nahema. À 10h passées, personne n’est encore debout, heureusement, c’est le week-end. Marco est le premier à se réveiller, par l’arrivée inopinée de sa mère. Il porte un peignoir de chambre.–Maman ? Tu fais quoi ici ? Tu débarques sans prévenir.–Je venais voir si tout allait bien et savoir comment va la jeune fille… Elle s’appelle comment déjà ?–Elle s’appelle Nahema. Ça va de mieux en mieux, elle se remet doucement.–Elle dort encore ? Mais vous dormez jusqu’à quelle heure comme ça ?–Moi j’ai dormi tard, et elle… Elle…Il n’a pas vu Nahema depuis plusieurs jours. Depuis l’incident de la dernière fois, il ne s’est pas senti très à l’aise en sa présence et a préféré l’éviter un peu, afin de recadrer les choses. Heureusement, Nahema ne semble pas s’être rendue compte de quoi que ce soit. Mais maintenant, il doit savoir si elle va mieux et surtout pourquoi e
Les éclats de voix résonnent dans toute la maison. La voix de Cynthia tonne, pleine de colère, et chaque mot semble plus fort que le précédent. Plus Marco tente de calmer la situation, plus elle en rajoute, déversant ses reproches avec une intensité croissante. De son côté, Nahema, depuis sa chambre, perçoit clairement ce qui se passe. Elle comprend immédiatement que c’est sa présence qui déclenche toute cette agitation. Elle prend conscience que, sans le vouloir, elle est devenue le centre de la tempête qui secoue cette maison.Elle se souvient de l'antipathie qu’elle avait ressentie de la part de la mère de Marco, et voilà maintenant que la compagne de ce dernier en fait toute une affaire. La générosité de Marco, qu’elle avait acceptée avec gratitude, semble lui retomber dessus comme un boomerang. Elle réalise que, malgré les bonnes intentions de Marco, sa présence est devenue un fardeau pour lui et un problème avec les siens, qui peinent à accepter la situation.– Cynthia, je ne co
Trois ans plus tard…Nahema sent la pression monter, et le trac l'envahit. À quelques instants de l'événement, elle lutte pour garder son calme. Elle ne pouvait pas imaginer que cela prendrait une telle ampleur. Et pourtant, elle y est parvenue, et elle peut en être fière. Elle a toujours voulu se battre pour se réaliser, afin d’être indépendante. Marco a été là pour elle à chaque étape de son parcours, mais elle savait qu’elle devait aussi tracer son propre chemin. Sans lui, elle serait sans doute perdue, et elle lui en est reconnaissante pour son soutien indéfectible. Ces dernières années, elle a changé, s’est reconstruite, et est devenue une autre femme.En trois ans, elle a repris sa formation d'infirmière après leur mariage. La cérémonie, un moment de pure magie, a eu lieu dans une ambiance magnifique, devant leurs proches et devant Dieu. Ils avaient pensé inviter Henri Parfait, en croyant qu'il n'y avait plus de rancune, qu'il méritait de partager ce moment avec eux. Mais ce der
Caroline est dans sa chambre, tout juste rentrée de chez le coiffeur. Elle arbore fièrement une nouvelle coupe à la garçonne. Elle a bien changé ces derniers temps. Il y a longtemps qu’on ne la reconnaît plus comme la fiancée de Marco, mais plutôt comme la maîtresse officielle de Henri Parfait. Seule Christiane ignorait encore tout cela, elle était la dernière à être au courant.Henri Parfait a façonné Caroline. Il a pris soin d’elle, l’a transformée. Au départ, tout n’était qu’une simple histoire de plaisir entre eux. Après son mariage annulé, Caroline, désemparée, s’est laissée séduire par Henri Parfait. Il la convoitait, était tendre avec elle, et savait la réconforter. Marco lui échappait, trop frivole à l’époque, et Caroline, progressivement, a cédé.À l’annonce de la disparition de Marco, la veille de leur mariage, Caroline a cru qu’elle ne s’en sortirait pas. La honte, le scandale, tout cela lui revenait sans cesse à l’esprit. Elle était inconsolable, maudissant Marco de toutes
Marco est complètement ému. Nahema lui tend le bébé. Il hésite, les mains tremblantes, maladroit, ce qui les fait sourire tous les deux.—Je… je ne sais pas comment tenir un bébé. J’ai… j’ai l’impression de lui faire du mal.—Prends-la juste comme ça, tu verras. Lui dit Nahema, souriante.Il prend la petite dans ses bras, pensant qu’il aura des difficultés, mais, à sa grande surprise, tout se passe bien. Il la regarde avec des yeux remplis d’émerveillement, lui offrant un doux câlin sur le front. La petite lui sourit innocemment, l’observant avec curiosité. Marco ressent alors un sentiment indescriptible, une tendresse profonde pour sa fille.—Elle est… trop belle ! Nahema ? Je… je ne savais pas. Comment est-ce possible ? Avec tout ce qui s’est passé. Comment as-tu fait ?—On a des choses à se dire, n’est-ce pas ?—Ah ça, j’ai vraiment hâte de comprendre.Plus tard, dans la soirée, alors que Marco se perd dans les yeux de sa fille, Nahema les observe silencieusement. Marco ne cesse de
Christiane n’en peut plus. Elle est à bout. À bout de nerfs, à bout de forces. Elle en a assez. Elle a assez donné, assez supporté, assez menti. Elle sait le mal qu’elle a causé, les cœurs qu’elle a brisés… Andrew, Marco… et même Henri Parfait, cet homme dont elle a enduré les infidélités sans broncher.Henri Parfait l’a toujours trompée. À peine rentrés au pays, il s’est empressé de reprendre ses mauvaises habitudes. Même quelques jours avant leur mariage, il l’avait déjà trahie à plusieurs reprises. Elle a fermé les yeux. Toujours. Jusqu’à aujourd’hui. Mais cette fois, c’en est trop. Elle a déjà assez payé pour ses erreurs, mais là, ça touche Marc. Et ça, elle ne peut l’accepter.Lorsqu’elle rentre chez elle après avoir tout avoué à Marco, elle trouve Henri Parfait assis dans le salon. Il est rentré plus tôt que d’habitude. Étonnant.— Tu rentres tôt… Pour une fois ! lance-t-elle d’un ton acerbe.— Ça peut m’arriver, non ?— Ou alors… Caroline ne t’a pas trop retenu.Henri Parfait l
Marco est abasourdi par les révélations de sa mère. Il n’arrive pas à y croire. C’est la première fois qu’elle évoque un homme dont elle a été amoureuse, et cet homme n’est autre que… son véritable père. Marco réalise alors qu’il n’est pas un Mbele, qu’il n’est pas le fils de HP. Le regard perdu, il recule d’un pas, le souffle court, il prend la parole, la voix brisée.— Je... je ne sais même pas quoi dire… Maman ! Pourquoi ? Pourquoi m'as-tu fait ça ? Depuis le début, tu savais que… que papa n’était pas mon vrai père et que cet Andrew dont tu parles est… mon véritable père ?!Il se couvre le visage, comme pour chasser cette vérité trop douloureuse, et se tourne brusquement. Les mots de sa mère sont comme un coup de poignard, qu’il reçoit en plein cœur.Christiane, elle, ne peut qu'abaisser la tête, submergée par la honte, elle ne sait pas comment réagir. Marco pique une colère vive. Il lui crie dessus.— Tu n’es qu’une femme méchante ! Quand je pense que durant toutes ces années… je…
Vicky est aux anges, feuilletant les magazines qu’elle a achetés ce matin en ville. La plupart parlent de mariage, de robes de mariée, de préparatifs, etc. La date est fixée, Marco et elle se marient dans les six prochains mois. C’est un rêve devenu réalité pour elle, celle d’avoir un mariage de conte de fées. Depuis toujours, elle imaginait épouser un homme de son milieu, un "bon parti". Elle vient d'une famille aisée et n'a jamais manqué de rien. Fille unique, elle a toujours été le centre d’attention de ses parents.Avant de rencontrer Marco, elle avait d'autres projets, notamment voyager à travers le monde. Ses parents étaient prêts à l’accompagner dans cette aventure, et son compte en banque était bien garni pour l'occasion. Mais un soir, lorsque Antoinette, l’amie de Christiane, a croisé Marco, elle l’a trouvé séduisant et a commencé à envisager une autre possibilité pour sa fille : ne pas laisser Vicky mener une vie d’aventurière, mais plutôt épouser un homme stable et bien pos
Nabibi n’a d’autre choix que d’accueillir Nahema chez elle pour quelques jours. Elle est accablée de douleur, mais aussi envahie par la culpabilité. Son passé la rattrape une nouvelle fois, et cette fois, c’est sur sa fille que cela se répercute. Elle fait tout ce qu’elle peut pour apaiser Nahema, mais la jeune femme est dans un état déplorable. Elle n’a aucun appétit, et tout ce qu’elle souhaite, c’est dormir, bien qu’elle sache que le sommeil lui échappe. Nahema se sent seule et désemparée, surtout après avoir entendu Nabibi et Cécile parler d’avortement. Cette conversation l’enfonce encore plus dans sa dépression. Elle est consciente qu’elle ne peut pas garder l’enfant, mais au moins, Marco n’est pas au courant, et elle préfère que cela reste ainsi. Il n’en saura jamais rien, et c’est probablement mieux pour tout le monde.Finalement, après des heures de tourments, Nahema finit par sombrer dans un sommeil profond, mais elle ne souhaite qu’une chose : ne jamais se réveiller. Elle pr
HP avait toujours été un homme colérique, il ne supportait pas qu’on se foute sa gueule. Il se souvenait vaguement avoir dit à Nabibi qu’il voulait un enfant d’elle, mais c’était une plaisanterie, rien de plus. Jamais il ne ferait une chose pareille. Même si Christiane ne pouvait plus lui donner d’enfants, il n’avait jamais envisagé d’en avoir un ailleurs. Marc lui suffisait.Il savait qu’il blessait sa femme, qu’il la faisait souffrir avec ses écarts, mais pour lui, ce n’était que du divertissement, une distraction passagère. Depuis le début, il avait été clair avec Christiane : jamais il ne divorcerait. Il lui resterait loyal pour l’essentiel, c'est-à-dire leur mariage, mais pour le reste… elle devait apprendre à fermer les yeux. Ce soir-là, en rentrant chez lui, il avait déjà pris sa décision.Dans la chambre à coucher, Christiane l’attendait, assise au bord du lit. Elle savait qu’il avait quelque chose à dire.— Chris ? Il faut qu’on parle.Elle le regarda, impassible.— Je t’écou
Avant de retrouver Marco ce soir-là, Nahema et Nabibi se sont rencontrées pour la première fois un peu plus tôt dans la journée, grâce à Cécile. Nahema, furieuse, leur en voulait à toutes les deux pour lui avoir caché la vérité. Elle scrutait Nabibi de haut en bas, se tenant à distance, méfiante. Nabibi, quant à elle, était bouleversée. Une vague d’émotion l’envahit lorsqu’elle a vu Nahema, devenue une si belle jeune femme. Elle craignait de s'approcher, mais ses yeux étaient pleins d'amour, de tendresse et, surtout, de regrets.—Nahema… Ma petite… Tu… es si jolie. Désolée que notre rencontre se fasse dans de telles circonstances.Nahema ne répondit pas, se contentant de la dévisager avec mépris.—Nahema… Voici ta mère biologique, elle va tout t'expliquer, intervint Cécile.—Je… ne veux rien savoir. Rien du tout. Je veux juste savoir si Marc… est mon frère. Le reste, ça vous regarde. Vous m’avez fait du mal. Si j’avais su qui tu étais, ça ne serait jamais arrivé.—Tu as raison. Mais c