Chapitre 90 — Lignes briséesAwaJe pensais que le silence suffirait.Qu’en ne nommant pas ce qui vibre entre nous, en gardant nos gestes sages, je pourrais contrôler ce qui se trame. Qu’il suffirait de fermer la porte. De détourner le regard. De travailler un peu plus. De peindre un peu plus tard. De dormir un peu moins.Mais tout ce que j’ai repoussé revient. Dans les interstices. Dans les regards prolongés. Dans les mots trop choisis. Dans le battement hésitant de mon cœur chaque fois que je sens Lorenzo entrer dans une pièce.Je ne veux pas retomber dans une dépendance. Pas après Malik. Pas après m’être reconstruite à la main, morceau par morceau. Et pourtant...Ce soir-là, je suis à l’atelier que la galerie m’a prêté pour quelques semaines. Un ancien entrepôt lumineux aux poutres métalliques. Mes toiles encore vierges sont accrochées aux murs, comme des promesses. L’odeur de la térébenthine flotte dans l’air. J’écoute du jazz en sourdine. Mon pinceau glisse, nerveux, hésitant.Et
Chapitre 90 — Lignes briséesAwaJe pensais que le silence suffirait.Qu’en ne nommant pas ce qui vibre entre nous, en gardant nos gestes sages, je pourrais contrôler ce qui se trame. Qu’il suffirait de fermer la porte. De détourner le regard. De travailler un peu plus. De peindre un peu plus tard. De dormir un peu moins.Mais tout ce que j’ai repoussé revient. Dans les interstices. Dans les regards prolongés. Dans les mots trop choisis. Dans le battement hésitant de mon cœur chaque fois que je sens Lorenzo entrer dans une pièce.Je ne veux pas retomber dans une dépendance. Pas après Malik. Pas après m’être reconstruite à la main, morceau par morceau. Et pourtant...Ce soir-là, je suis à l’atelier que la galerie m’a prêté pour quelques semaines. Un ancien entrepôt lumineux aux poutres métalliques. Mes toiles encore vierges sont accrochées aux murs, comme des promesses. L’odeur de la térébenthine flotte dans l’air. J’écoute du jazz en sourdine. Mon pinceau glisse, nerveux, hésitant.Et
Chapitre 89 — Les Dérives du SilenceAwaLes jours qui suivent le vernissage défilent à une vitesse absurde.Réunions. Rendez-vous. Interviews. Signatures. Invitations à dîner. Regards qui brillent un peu trop fort, et mains qui se tendent trop vite. Les jours m’avalent, et je me laisse faire, comme une feuille dans le courant.Mais chaque soir, je rentre à la même chambre d’hôtel. Je retire mes chaussures, je défais mes cheveux, et je me pose devant Sans titre. Elle me regarde toujours. Implacable. Vivante. Comme pour me rappeler que je ne suis pas qu’un succès ambulant.Je suis une cicatrice qui a choisi de se montrer.Et puis il y a lui.Lorenzo.Présent sans envahir. À la fois protecteur et distant. Il gère tout, organise tout. Il est brillant, rapide, précis. Mais quelque chose, depuis le vernissage, a changé.Je le vois parfois m’observer, en coin. Il détourne le regard aussitôt. Je le vois tendre la main pour me frôler l’épaule — puis se raviser. Il me parle plus doucement, plu
Chapitre 88 — Ce que la lumière ne montre pasAwaLe lendemain, je me réveille dans un silence qui me colle à la peau.Pas celui d’un matin serein. Non. Un silence plein. Épais. Celui d’après une bataille. Celui qui suit un bouleversement si profond que même le corps hésite à bouger, de peur de déranger ce fragile équilibre.Le plafond de la chambre d’hôtel est trop blanc. Trop neutre. Je fixe cette blancheur jusqu’à ce que mes yeux me brûlent. Puis je tourne la tête. Le téléphone clignote doucement sur la table de nuit, une lumière bleue comme un pouls artificiel.Des dizaines de messages. Certains que j’attendais. D’autres que je redoutais.« Félicitations. »« Sublime. »« Quelle soirée. »« Je veux collaborer avec vous. »« Appelons-nous très vite. »Je lis. Je réponds brièvement. Mais je ne ressens rien. Comme si mon cœur n’avait pas encore rejoint mon corps.Je me lève. J’erre dans la chambre. J’ouvre ma valise. Je referme. J’ouvre la fenêtre. Je referme.Puis mes doigts se pose
Chapitre 87 — Le goût du feu et de la cendreAwaLe jour du vernissage est là.Je me réveille avant même que l’alarme ne sonne, le cœur battant la chamade. Le plafond blanc au-dessus de moi semble peser sur mes pensées. Le silence de la chambre d’hôtel n’apaise rien. Il amplifie tout. Le poids de l’enjeu. La solitude. Et ce nœud brûlant dans ma poitrine que je traîne depuis Rome.Je me redresse lentement. Mes jambes sont engourdies, mon dos raide. J’ai mal dormi, si j’ai dormi. Et pourtant, une force m’oblige à me lever. Une force que je ne comprends pas entièrement, mais qui est là, constante, comme un écho venu d’un endroit profond en moi.Je m’habille avec soin. Tailleur noir, coupe droite. Un tissu qui épouse les lignes sans étouffer, une armure élégante. Pas pour séduire. Pas pour impressionner. Juste pour tenir debout. Mes cheveux sont tirés en arrière, mes boucles retenues par une pince dorée. Pas de bijoux. Juste mes mains. Et mes toiles.Quand je me regarde dans le miroir, ce
Chapitre 86 — Fragments d’un nouveau départAwaLe ciel de Paris est bas, lourd d’un gris menaçant, comme un voile épais qui semble vouloir engloutir la ville et ses habitants. Le vent froid s’engouffre dans les rues, chassant les dernières feuilles mortes qui tourbillonnent sur les pavés. En descendant de l’avion, ce souffle frais me frappe le visage, me rappelant brutalement que je suis loin de Rome, loin de Malik, loin de tout ce qui a rythmé mes derniers mois.Pourtant, je suis là, debout, seule, face à ce nouveau chapitre qui s’ouvre devant moi. J’attrape ma valise, dont les roulettes grincent sur le sol lisse de l’aéroport. Chaque pas résonne dans ma tête comme un écho sourd de ce que je laisse derrière moi. Mes mains sont moites, mon souffle court, mais dans le fond de mon esprit, une petite flamme brûle encore — cette flamme de détermination qui m’a portée jusqu’ici.Je suis venue pour ça. Pour ce projet. Pour cette exposition. Pour cette chance unique d’ouvrir une nouvelle pa