Je descends les escaliers, le cœur battant, encore enveloppée dans cette décision qui a germé en moi la nuit précédente. Je porte une chemise de nuit et une paire de pantoufles. Tout est rose. Pourtant mon cœur lui, est sombre. Quand j'entre dans le salon, je le trouve là. Frost. Assis dans son fauteuil en cuir, le dos raide, le regard fuyant. Ses doigts tambourinent nerveusement sur l'accoudoir, comme s'il répétait mentalement un discours qu'il n'arrivait pas à se convaincre lui-même de croire. Il se lève aussitôt en me voyant. Le mouvement est brusque, maladroit. Il me fixe droit dans les yeux. Sans flancher. Et ce qui me frappe c’est le fait que son visage soit aussi…radieux le matin. Cela se voit qu’il n’a même pas verser une seule larme. Il ne regrette pas. Il ne souffre pas. Il tient un papier dans sa main droite. Quand il arrive devant moi, il inspire profondément, le regard fuyant tout à coup. Au fond, je sais ce qui écrit sur ce papier. J’y ai pensé hier soir et j’y pe
L'eau ruisselle, elle glisse sur ma peau. C’estglaciale, et je reste immobile. Comme une statue fissurée. Comme si j'attendais que ce froid m'achève, qu'il m'emporte avec lui.Je ferme les yeux et, malgré moi, les souvenirs affluent.Le jour du mariage. Les fleurs blanches, le parfum entêtant du jasmin. La salle pleine à craquer. Mon père qui tenait mon bras, tremblant d'émotion. Et Frost... Frost qui m'attendait là, au bout de l'allée, les yeux humides, le sourire fragile. Son regard m'avait transpercée. Je m'étais dit : « C'est lui. L'homme de ma vie. » Ce jour-là, j'y ai cru de toutes mes forces.Mais aujourd'hui... je ne sais plus. Était-ce moi qu'il regardait avec amour ? Ou juste une illusion qu'il se forçait à jouer ? Une pièce de théâtre dont j'étais le premier rôle... et la première victime.Je laisse un sanglot s'échapper, étouffé par le bruit de l'eau. Mes doigts tremblent quand je les plaque contre le carrelage glacé.Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Tous les signes
Je tiens à peine debout. Mes jambes tremblent comme si elles ne m'appartenaient plus, prêtes à céder sous le poids de la colère. Ma respiration se fait courte, sifflante, comme si l'air refusait d'entrer dans mes poumons. Ma vision se brouille, noyée par des larmes brûlantes qui se mélangent à la morve qui coule de mon nez. Je dois avoir l'air pitoyable, un spectacle lamentable de désespoir, et le pire, c'est que je me fais pitié à moi-même.Face à moi, Frost reste immobile, gardant une distance glaciale, comme s'il craignait de se salir en me touchant. Pas même une main tendue, pas même une étreinte pour m'assurer que ce qu'il dit – son soi-disant amour – est réel. Son silence me tue. Chaque seconde qui passe sans un mot de lui résonne comme une gifle supplémentaire. Je l'attends, encore. J'attends qu'il me dise quelque chose qui apaise ma douleur, une vérité qui justifie le cauchemar. Mais je sais déjà qu'aucune excuse ne sera suffisante.— Parle, bordel de merde ! hurlais-je d'une
Le ciel se teinte de gris et d'orange, un tableau presque apaisant, comme une promesse de sérénité. Mais en moi, ce n'est que chaos. Mon pied s'enfonce sur l'accélérateur, mon regard fixé droit devant, alimenté par cette détermination brûlante qui me pousse, qui me consume, qui me tient debout.Je jette un coup d'œil vers la boîte à gants. Les photos y sont rangées, ces preuves silencieuses de la trahison de Frost, de sa double vie. Trop dangereux de les garder à la maison, alors je les transporte ici, dans ce coffre à secrets roulant. Ma voiture est devenue le seul sanctuaire où personne n'oserait fouiner. Ironie cruelle : Frost n'a pas de soucis à se faire. Avec moi, son secret est bien gardé.Le moteur cesse de rugir. Je coupe le contact et reste immobile, les yeux rivés sur la porte de notre maison. Ma gorge se serre, mon estomac se retourne. La difficulté de ce moment me frappe de plein fouet. J'espère trouver la force de lui tenir tête. De ne pas m'effondrer. Pas ce soir. Pas ma
J'enchaîne ensuite avec les autres patients. Chaque séance me laisse un peu plus vidée, comme si je donnais une part de moi-même à chacun d'eux. Mais au final, il ne me reste rien à conserver. Un sentiment étrange d'empreinte vide, où l'on s'oublie soi-même au profit de l'autre.Il est quatorze heures lorsque Gabriel vient frapper à la porte pour m'informer que c'est l'heure de la pause. Mon bureau sent encore le mélange de café et de dossiers ouverts, et sur la table trônent des plats emportés : des nouilles thaïlandaises encore fumantes.— Quelle journée. Quatre rendez-vous d'affilée, lançai-je en remuant mes nouilles d'un geste mécanique.Gabriel se sert un verre d'eau, s'adossant à la table avec cette décontraction qui contraste avec mon agitation intérieure.— Oh oui. À ce propos, nous devons revoir ton agenda. Et peut-être confier certains patients à d'autres psychologues de la clinique. Comme ce jeune Cole, par exemple. Tu pourrais le transférer à Jessica.Cole.Son nom me trav
Je m'installe sur un siège, le carnet posé sur mes genoux, le stylo prêt à capturer ce qui se cache derrière les mots. Quelques secondes plus tard, la porte du bureau s'ouvre doucement. Le visage de Gabriel apparaît dans l'embrasure, ses yeux hésitants.— Je fais entrer le premier patient ?— Oui, vas-y !Il hoche la tête, un simple mouvement, presque imperceptible. Puis la porte s'ouvre un peu plus et Cole apparaît. Dès qu'elle se referme derrière lui, il sursaute légèrement, les mains crispées, les doigts entrelacés comme pour se retenir lui-même. Sa tête reste baissée, comme si lever les yeux serait trop demander.Il porte un jean bleu délavé, des baskets légèrement usées, un t-shirt blanc surmonté d'un sweat vert. Ses cheveux noirs sont en brosse, mais quelques mèches retombent sur son front. Ses lunettes rondes glissent un peu sur son nez, masquant des yeux où se lisent une inquiétude et une fatigue qui ne devraient pas appartenir à un adolescent.Je penche légèrement la tête, ch