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Chapitre 7 – Le prix du silence

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-07 20:51:01

Cassandra

Le silence à l’intérieur de la voiture devient insupportable. Un silence lourd, épais, tranchant. Il vibre dans l’habitacle, se colle à ma peau, s’insinue dans ma gorge comme un poison lent. Je serre les dents. Je me force à respirer. Une inspiration. Une expiration. Mais rien ne calme l’effroi qui s’est niché dans mon ventre.

Noah ne parle pas. Il conduit, mâchoire contractée, regard fixé sur l’asphalte comme si chaque mètre parcouru était une réponse. Comme s’il pouvait rouler assez vite pour échapper à la vérité que je viens de lui balancer. Il est en colère. Je le sens. Dans sa posture, dans ses gestes secs, dans sa respiration trop régulière pour être naturelle. Mais ce n’est pas la colère qui me fait peur.

C’est ce qu’elle cache.

L’inquiétude.

Et quand Noah s’inquiète, c’est qu’il est déjà en train de chercher une solution. Un plan. Une porte de sortie. Il réfléchit, il calcule. Il m’a toujours protégée comme ça. Même quand je ne le méritais pas.

Je me recroqueville un peu plus sur le siège passager, les bras serrés autour de moi. Je grelotte. Il ne fait pas froid, pas vraiment. Mais mon corps, lui, n’a pas encore compris que je suis hors de danger immédiat. L’adrénaline commence à retomber et me laisse vide, fragile. Tremblante. J’ai envie de pleurer. De hurler. De frapper quelque chose. Mais je ne peux pas. Pas maintenant. Pas avec lui. Si je craque, il croira que je suis à bout. Il croira que je ne peux plus tenir.

Et je dois tenir.

– Où on va ? je murmure, d’une voix étranglée.

Il cligne des yeux, comme s’il revenait d’un rêve — ou d’un cauchemar.

– Chez moi. C’est plus sûr.

Je hoche la tête. Pas de protestation. Pas de discussion. Il a raison. Son appartement est un sanctuaire, un bastion. L’un des rares endroits où j’ai déjà dormi sans craindre d’être égorgée dans mon sommeil. C’est dire.

Mais même ce bunker ne pourra rien contre la vraie menace.

Mon estomac se noue brutalement. J’ai du mal à respirer. Une pensée me traverse comme un coup de poignard.

Ezra.

Il était encore vivant quand j’ai fui. Blessé, peut-être inconscient. Je l’ai vu tomber. Je l’ai vu rester au sol pendant que je m’échappais. Mais il respirait. Il était là.

Mais pour combien de temps ?

– Tu crois qu’il… qu’il va parler ? je souffle, sans oser le regarder.

Noah ne répond pas tout de suite. Il serre un peu plus le volant, ses phalanges blanchies par la pression. Puis :

– Ezra est solide. Il sait ce qu’il risque. Il tiendra.

Mais il ne finit pas sa phrase. Il s’interrompt. Et je sais pourquoi.

– Mais Adrien est… ?

Il hésite. Cherche un mot qui ne serait pas une insulte. Un mot qui ne sonne pas comme un aveu de défaite.

– Persuasif, finit-il par lâcher.

Je ferme les yeux. Et l’image d’Adrien surgit, brutale. Son visage lisse, presque séduisant. Ses yeux noirs, si profonds qu’on s’y noie. Son calme glacial. Sa voix douce, tranchante comme un rasoir. Le genre d’homme qu’on écoute sans réfléchir. Qu’on suit les yeux fermés. Qu’on craint, même quand il sourit.

J’ai cru pouvoir le doubler. J’ai cru pouvoir lui voler ce qu’il protégeait. J’ai cru pouvoir fuir.

Quelle idiote.

La voiture s’engouffre dans un parking souterrain. Les néons grésillent au plafond, comme s’ils hésitaient à rester allumés. L’écho de nos pneus sur le béton sonne comme une alarme. Noah coupe le moteur. Un silence encore plus lourd retombe. Il se tourne vers moi.

– Tu vas me dire ce qu’il s’est passé, maintenant ? Toute l’histoire. Pas seulement des morceaux.

Je baisse la tête. Mes mains tremblent dans mon giron. J’ai peur. Pas de lui. De moi. De ce que j’ai fait. De ce que je suis devenue. Mais il mérite la vérité.

Alors je parle.

Je raconte la mission. La planque. Le transfert. Les documents interceptés. La liste. La descente qui a mal tourné. Ezra qui s’est fait prendre. Et moi, qui ai fui comme une lâche. Mais ce n’est pas tout.

Je ne lui dis pas encore ce que j’ai vu sur cette liste. Pas tout. Pas les noms. Pas son nom.

Noah m’écoute sans m’interrompre. Quand j’ai terminé, il se lève lentement. Passe une main sur son visage, l’air de quelqu’un qui vient de comprendre qu’il est au bord d’un gouffre.

– Tu te rends compte de ce que t’as déclenché, Cass ?

Je hoche la tête. Oui. Je sais. Je l’ai su dès que j’ai appuyé sur “envoyer”.

– Il va tuer pour récupérer ce que tu as.

Je plonge ma main dans ma poche. Mon cœur se fige. Une seconde d’angoisse. Et puis je le sens : le petit disque dur. Toujours là. Toujours intact.

– Je l’ai encore.

Noah me fixe, comme s’il avait envie de me secouer. Un mélange d’incrédulité, de rage, et de… peur.

– Putain, Cass…

Il inspire profondément, tente de contenir sa colère. Puis il sort son téléphone.

– Je dois appeler quelqu’un.

– Qui ?

Il hésite. Trop longtemps.

– Quelqu’un en qui j’ai encore un peu confiance.

---

Adrien

Le vent me fouette le visage alors que je descends les escaliers métalliques du parking privé. Il fait nuit. Pas une nuit tranquille. Une nuit électrique, tendue. Chargée de présages.

J’ai laissé Ezra aux bons soins de mes hommes. Il ne dira rien ce soir. Mais demain… demain, il parlera. Je le briserai. Je les brise tous, à la fin.

Mais Cassandra… Cassandra n’est pas comme les autres.

Elle pense comme moi. Elle planifie. Elle observe. Elle sait que je la retrouverai. Que ce n’est qu’une question d’heures. De minutes, peut-être.

Elle n’aurait jamais dû fuir.

Je monte dans la voiture. Mon téléphone vibre. Je décroche.

– Elle est avec Noah, dit Clément, la voix tremblante.

Je ferme les yeux.

Évidemment.

– Tu es sûr ?

– On les a vus entrer ensemble dans un immeuble sécurisé, au sud du pont. Caméras partout. Aucun lien avec leurs identités. C’est bien planqué.

Je serre les dents. Bien sûr qu’elle irait vers lui. Noah, le bon soldat. L’éternel protecteur. Prêt à mourir pour elle. Il a toujours été prévisible.

– Ne fais rien pour l’instant. J’arrive.

Je raccroche. Le temps m’est compté. Chaque seconde compte. Si elle a copié les données… si elle les a transmises…

Non.

Elle ne l’a pas fait. Pas encore. Elle me connaît. Elle sait ce que je suis prêt à faire. Ce que je ferai. Elle sait que je n’ai aucune limite.

Et elle sait que je ne me contenterai pas de la punir.

Je détruirai tout ce qu’elle aime.

---

Cassandra

Noah raccroche. Il s’est raidi. Son visage s’est fermé.

– On a une fenêtre. Une heure. Peut-être un peu plus. Ensuite, Adrien nous trouvera.

Je me lève. Mon cœur bat trop vite.

– Alors on bouge.

Il hoche la tête. Mais avant d’ouvrir la porte, il se fige. Se tourne vers moi. Me prend la main.

Son regard, un instant, n’est plus celui du stratège. Il redevient celui de l’homme. Celui qui m’a aimée. Peut-être m’aime encore. Malgré tout.

– Je t’ai dit un jour que je t’abandonnerais pas. Tu te souviens ?

Je le fixe. La gorge nouée. La mémoire pleine d’échos.

– Je m’en souviens.

Il sourit. Un sourire triste. Amer.

– J’espère que tu tiendras aussi ta promesse.

Je fronce les sourcils.

– Laquelle ?

Son regard se durcit. Redevient acier.

– Celle de ne plus jamais me mentir.

Et cette fois, je n’ai plus la force de répondre.

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