Chapitre 7

Ce n'était qu'au milieu du lendemain que Damien a émergé lentement de son évanouissement dû à la perte de sang.

La conscience encore brumeuse, la gorge sèche, ses premiers mots étaient : « Sofia… comment va-t-elle ? Est-elle hors de danger ? Réveillée ? »

Face à l'inquiétude persistante qui perçait malgré sa faiblesse, j'ai hoché la tête. Ayant veillé près de son lit presque toute la nuit, ma voix était rauque de fatigue : « Les médecins disent que la phase la plus critique est passée. Elle aura besoin d'une longue convalescence pour retrouver ses forces. »

Cette nouvelle a semblé soulever le poids qui écrasait la poitrine de Damien. Mais il n'était pas encore rassuré. Il a repoussé la couverture pour se lever, déterminé à la voir de ses propres yeux.

Je ne suis pas parvenue à l'en dissuader. C'était finalement l'infirmière, arrivée avec des perfusions nutritives, qui l'a retenu.

Damien a jeté un regard agacé aux poches de liquide destinées à être administrées lentement. À cet instant, toutes ses pensées restaient entièrement tournées vers Sofia.

Son regard a parcouru la pièce avant de se poser sur un panier tressé posé sur la petite table dans un coin, rempli de baies fraîches et de rares herbes de lune. Un cadeau envoyé par des membres de la meute en guise d'attention.

Il a semblé enfin trouver une excuse plausible, et s'est tourné vers moi, avec dans la voix une nuance à peine perceptible de requête : « Sylvia, j'ai contacté les parents de Sofia hier. Ils parcourent le Sud, mais devraient arriver bientôt. Pourrais-tu leur porter ce panier de ma part ? Transmets-leur mes salutations, et… profites-en pour vérifier l'état de Sofia. »

Je l'ai regardé longuement avant de répondre à voix basse : « D'accord. »

J'ai pris le panier délicatement tissé et ai quitté en silence sa chambre individuelle.

La chambre de Sofia se trouvait à l'étage supérieur. Arrivée devant sa porte, alors que je m'apprêtais à frapper, j'ai remarqué que la lourde porte de bois était entrouverte.

Par l'entrebâillement, j'ai aperçu Sofia blottie contre un loup-garou inconnu, vêtu d'un habit étranger. Sa voix a paru à la fois fragile et doucereuse : « Liam, tu m'avais promis qu'à ton retour cette fois, tu m'emmènerais rencontrer ta famille pour officialiser notre union… Pourquoi es-tu venu seul ? »

L'homme nommé Liam l'a serrée contre lui, et lui a expliqué d'un ton doux : « Je voulais amener mes parents pour une visite formelle, mais tu n'es pas encore complètement rétablie, le moment n'est pas idéal. Dès que tu seras guérie, je te ramènerai dans ma meute pour la cérémonie d'union. D'accord ? »

Sur ces mots, ma main s'est crispée sur l'anse tressée du panier.

Sofia avait déjà un nouveau compagnon ? Au point d'envisager une cérémonie d'union ?

Cette pensée venait à peine de m'effleurer que le médecin, arrivé pour la visite de routine, a poussé la porte et a surpris le couple.

Sofia a levé les yeux vers moi, plantée sur le seuil, et son expression s'est fermée instantanément, teintée d'irritation : « Qu'est-ce que tu fais là ? »

Je n'ai pas répondu à sa question. Je me suis contentée de déposer silencieusement le panier sur le meuble bas près de la porte, puis ai tourné les talons pour me diriger vers l'escalier.

Contre toute attente, Sofia s'est traînée dehors malgré son apparente faiblesse et m'a agrippé le bras dans le virage de l'escalier avec une force qui n'avait rien d'une convalescente.

« Arrête ! Tu ne vas tout de même pas courir raconter ça à Damien ? » a-t-elle murmuré, une pointe de panique étouffée dans la voix.

Je me suis retournée, fixant l'éclair d'affolement qui traversait son visage, et ma voix est devenue glaciale : « Puisque tu sors avec un autre, pourquoi continuer à t'accrocher à Damien ? »

Elle a haussé un sourcil, son trouble se muant rapidement en une assurance insolente.

« Tu ne vois pas ? J'aime les sentir tourner tous les deux autour de moi. J'aime les voir rivaliser », un rictus ironique a étiré ses lèvres, « j'ai ce qu'il faut pour qu'ils dansent autour de moi, où est le mal ? »

« Tu dois vraiment piétiner ainsi sa sincérité ? » Une vague de nausée m'a submergée.

Devant ma colère contenue, Sofia a ricané, le ton empreint de vantardise : « J'ai ce talent, vois-tu. Les rendre fous pour moi. Même un Alpha hautain comme Damien n'y échappe pas. Quoi, tu es jalouse ? Avoue-le donc. Si je suis de bonne humeur, je pourrais peut-être te le rendre. »

Ses paroles éhontées m'ont coupé le souffle. Mais ce silence a semblé au contraire attiser son arrogance. Elle m'a toisée avec suffisance, son regard finissant par se poser sur la marque de lien à mon cou.

« Tu n'es qu'un substitut. De quel droit m'interroges-tu ? » Elle s'est rapprochée, la voix empreinte d'une joie malveillante, « Laisse-moi te confier un secret. Je n'étais même pas si gravement blessée ! J'ai soudoyé le médecin. Je voulais juste voir si Damien accepterait de me donner son Sang-Pouvoir. Et devine quoi ? Il était prêt à sacrifier son loup pour moi, à me donner sa vie même. Qu'as-tu, toi, à lui offrir de comparable ? »

Ses paroles ont pénétré comme une lame enduite de l'argent, plantée en plein cœur.

« Puisque Damien est si bon avec toi, pourquoi l'as-tu trahi pour un autre ? » lui ai-je demandé.

« C'est SA faute ! Devenir une Luna signifie porter tant de responsabilités, perdre ma liberté. Je ne le veux pas. »

La flamme longtemps contenue, ce mélange de douleur, d'humiliation et de colère, a fini par briser les digues de la raison. Presque instinctivement, j'ai levé la main, prête à la saisir pour exiger une explication.

Mais elle a laissé échapper un cri exagéré de douleur, comme si une force violente l'avait frappée, et a vacillé en arrière !

Je n'avais pas encore réalisé ce qui se passait qu'une puissance brutale m'a repoussée violemment sur le côté. Mon dos a heurté avec force le mur de pierre glacé.

C'était Damien, remonté de l'étage inférieur.

Sans même un regard pour moi, il s'est élancé dans l'escalier, le visage déchiré par la souffrance et la colère, et a soulevé Sofia qui gisait dans le virage.

Levant les yeux vers moi, son regard était chargé d'une incrédulité furieuse et d'un reproche accusateur.

« Sylvia ! Tu ne sais donc pas qu'elle est encore fragile ?! Comment as-tu pu être aussi cruelle ?! » Sa voix tremblait de faiblesse et de fureur.

Blottie contre lui, Sofia a tourné opportunément la tête, laissant voir la marque rougeâtre sur sa joue. Les larmes coulaient sur son visage, et sa voix s'est brisée de sanglots : « Ne lui en veux pas, Damien… C'est ma faute. J'ai dû dire quelque chose qui l'a blessée… Elle est ta compagne, il est normal qu'elle soit troublée… Je ne lui en veux pas… Partons, j'ai trop mal… »

Ces mots ont coupé court à toute possibilité d'explication.

Face au visage sombre de Damien, j'ai compris qu'à cet instant, toute parole de ma part ne serait qu'une justification vaine, un aveu d'impuissance.

Et mon silence, dans ses yeux, équivalait sans nul doute à un aveu.

La dernière lueur d'attente qui persistait dans son regard s'est éteinte, remplacée par une déception profonde.

« Sylvia… J'ai toujours cru que tu étais une Luna douce et bienveillante. Je ne t'aurais jamais crue capable de lever la main à Sofia. Tu me déçois tellement… »

Sur ces mots, son regard s'est détourné de moi, comme on évite une contamination. Toute son attention s'est concentrée sur Sofia, qu'il berçait doucement contre son épaule pour étouffer ses sanglots. Puis, il s'en est allé, chacune de ses enjambées martelant le sol du poids de son abandon définitif. Il ne s'est pas retourné. Pas une seule fois.

Moi, je suis demeurée là, figée. Dans la cage d'escalier vide, résonnait, trop fort, le halètement désordonné de ma propre respiration…