Chapitre 3

« Je sais que tu es contrariée, mais Céleste m'attend à l'hôpital. À quoi rime cette comédie ? »

C'est seulement alors que j'ai compris ce qui s'était passé.

La potion de vie de la sorcière que je m'étais injectée devait me donner une apparence parfaitement saine pendant soixante-douze heures.

Il semblait que la potion fût vraiment efficace.

Je me suis aidée du canapé pour me relever. « Probablement juste une hypoglycémie. Ça va. Je vais à l'hôpital avec toi. Il y a certaines choses qui nécessitent la signature personnelle de Céleste. »

Marcus a hoché la tête, sans la moindre trace de culpabilité sur le visage.

À l'hôpital, Céleste était calée dans son lit, en train de regarder la dernière tablette électronique.

« Anne, es-tu vraiment prête à me donner le studio en entier ? » Sa voix était moqueuse, pleine de suffisance.

Le teint de Céleste était encore un peu pâle, mais elle avait l'air en forme.

« Anne, merci de me donner le studio. Je vais bien m'en occuper et je ne te décevrai pas. »

« C'est ça, Anne. Toi, reste à la maison et profite, en attendant les dividendes. Comme c'est merveilleux », a enchaîné Maman avec un sourire.

J'ai sorti un autre document de mon sac. « Dans ce cas, je vais transférer aussi le domaine familial à Céleste. »

« Désormais, qu'elle s'occupe de toutes ces affaires. »

« Anne, tu as perdu la raison ? Tu sais ce que ce domaine familial représente ? »

Marcus était le premier à me saisir le bras, le regard incrédule.

À mon tour, j'étais perplexe.

Autrefois, n'avaient-ils pas toujours pris parti pour Céleste ?

Quoi que Céleste veuille, ils trouvaient moyen de me le prendre.

Si je refusais, je devais affronter des reproches infinis et des paroles dures.

Alors pourquoi, maintenant que je donnais tout volontairement, trouvaient-ils que j'étais déraisonnable ?

Papa a repris ses esprits et a semblé assez satisfait. Il a tapoté mon épaule avec force. « C'est bien. C'est ainsi que doit être une famille. »

Sur le lit d'hôpital, une lueur de panique a traversé le regard de Céleste, vite remplacée par le triomphe.

Elle a tenté de sortir du lit, mais Maman l'a vite fait se recoucher.

« Ne bouge pas. Repose-toi correctement. »

Céleste s'est blottie contre Maman, me regardant avec une feinte faiblesse.

« Anne, merci. »

Elle a marqué une pause, baissant la voix pour que nous soyons seules à l'entendre.

« Marcus aussi sera à moi, à partir de maintenant. »

J'ai regardé ce visage innocent et inoffensif et l'ai soudain trouvé amusant.

« Es-tu à l'aise d'utiliser mes affaires ? »

Le visage de Céleste a instantanément pâli, livide.

Elle a serré sa poitrine, haletante. Les larmes sont venues aussitôt.

« Anne… je ne le pensais pas comme ça… pourquoi dis-tu de telles choses… »

Maman a immédiatement protégé Céleste derrière elle, me foudroyant du regard.

« Anne ! Qu'est-ce qui te prend maintenant ! Qu'est-ce que Céleste a dit de mal ? »

Papa s'est joint aux reproches. « Nous avons cru que tu avais enfin mûri, mais tu es toujours aussi égoïste. Arrête de contrarier Céleste ! »

Marcus a marché vers moi et m'a tirée brusquement.

« Que veux-tu exactement ? Tu ne seras satisfaite que lorsque tu auras poussé Céleste à la mort ? »

La déception et le dégoût dans ses yeux m'ont transpercée comme une aiguille, engourdissant mon cœur.

Je les ai regardés tous trois entourer Céleste, la réconfortant avec douceur.

Et je restais là, comme une intruse.

Non, j'étais une morte sur le point de quitter la scène.

Papa, Maman, vous avez été trompés par le visage innocent de Céleste pendant tant d'années.

Croyez-vous vraiment qu'elle est en train de mourir ?

Ma gorge me faisait atrocement mal. Je me suis soudain retournée et me suis mise à tousser violemment. Le mouchoir dans ma main a été instantanément taché de traces de sang.

« Anne, qu'est-ce qui ne va pas ? Tu as attrapé un rhume ? » a demandé Maman en fronçant les sourcils.

J'ai serré le mouchoir sanglant. Finalement, je n'ai pas pu m'empêcher de les regarder.

« Papa, Maman, si je mourais de maladie un jour, seriez-vous tristes pour moi ? »

Mais l'expression de Maman n'a pas changé du tout. Elle m'a seulement regardée avec impatience.

« Mon enfant, tu es en parfaite santé. Pourquoi dis-tu des choses si malchanceuses ? »

Papa a hoché la tête, regardant Céleste avec inquiétude. « C'est Céleste qui a besoin de soins appropriés avant et après l'opération. Nous ne pouvons négliger quoi que ce soit ! »

« Exactement ! » a immédiatement enchaîné Maman. « Anne est juste trop stressée ces derniers temps. C'est Céleste qui est malade et a besoin de notre sollicitude ! »

La dernière lueur d'espoir dans mon cœur s'est complètement éteinte.

Quand nous étions enfants, toute la famille était allée au lac. Malgré nos avertissements, Céleste avait insisté pour nager en eau profonde.

Elle avait rapidement eu une crampe et s'était débattue dans l'eau, appelant à l'aide.

J'avais plongé et avais utilisé toute ma force pour la tirer sur la rive.

Quand Papa et Maman étaient arrivés, ils n'avaient vu que le visage pâle de Céleste après avoir avalé de l'eau.

Maman, tenant Céleste, m'avait réprimandée avec une dureté jamais vue.

« Anne, tu es l'aînée. Pourquoi n'as-tu pas bien surveillé ta petite sœur ! »

Papa avait aussi dit que j'étais jalouse de Céleste et que je lui avais délibérément voulu du mal.

À partir de ce jour, ils avaient décidé que Céleste était physiquement fragile, et que tout était de ma faute.

Ils estimaient ne pas avoir assez protégé Céleste, alors ils devaient la compenser doublement.

Je suis devenue leur moyen d'éviter leurs responsabilités.

Alors maintenant, quand Céleste a voulu mon rein, ils ont trouvé cela parfaitement justifié.

C'était ce que je lui devais.

Il n'y avait plus rien dans ce monde qui valait la peine que je reste.

J'ai cru voir Ruby courir joyeusement à mes pieds.

J'ai détaché le collier autour de son cou et ai dit : « N'aimes-tu pas la liberté ? Va-t'en. »

Je me suis levée et me suis dirigée vers la porte de la chambre d'hôpital.

Je me suis retournée pour un dernier regard.

Ils étaient tous regroupés autour de Céleste, prenant soin d'elle. Aucun ne s'est retourné vers moi.

J'ai tranquillement fermé la porte et ai quitté cet endroit étouffant.

Il me restait un jour avant ma mort. J'étais sans foyer maintenant.

Toute ma vie, j'avais vécu pour les autres, sans jamais vraiment m'arrêter pour vivre pour moi-même.

Avant que mon corps ne lâche complètement, j'ai composé un numéro.

Puis le monde a plongé dans les ténèbres.