Chapitre 2

Claire a refermé la porte sans un mot, préférant ne pas les déranger.

Elle est retournée dans sa chambre, s'est assise à son bureau et a commencé à rédiger une convention de divorce.

Elle n'a pas fermé l'œil de la nuit.

Adrien, lui, ne dormait presque jamais dans leur chambre. Il passait ses nuits dans le bureau, sans doute pour éviter tout contact avec elle.

Claire repensait à leurs cinq années de mariage.

En dehors de leur famille et de quelques amis, presque personne ne savait qu'elle était l'épouse d'Adrien.

Et pourtant, elle ne lui en avait jamais voulu.

Elle avait toujours cru que le soutenir et prendre soin de lui faisaient partie de son devoir.

Pour l'aider à mieux s'alimenter, elle avait même passé un diplôme de nutritionniste.

On disait que lorsque deux époux marchaient d'un même pas, rien ne pouvait les séparer. Elle y avait cru.

Elle avait renoncé à la carrière qu'elle aimait pour se consacrer à la sienne, à lui.

Même quand il dormait dans le bureau, elle continuait chaque jour à lui préparer des vêtements propres.

Elle se souvenait de ses goûts.

De son anniversaire.

Des surprises qu'elle lui préparait...

Il y en avait tant !

Claire préférait ne pas aller plus loin dans ses pensées.

Plus elle y pensait, plus elle se rendait compte à quel point tout cela était cruel. Tout n'avait été qu'une illusion qu'elle s'était créée elle-même. Et c'était presque risible.

Au petit matin, Claire a quitté la maison, son sac à la main.

Quand Théo s'est levé, il s'est assis à la table du petit-déjeuner.

Leur vie était toujours très réglée.

Il n'aimait pas faire la grasse matinée, il se levait à sept heures précises pour manger.

Il s'est assis à sa place, a frotté ses yeux encore tout endormis, puis a jeté un coup d'œil autour de lui.

En un instant, son petit visage s'est figé, la lueur dans ses yeux s'est éteinte.

Émilie, la gouvernante qui s'occupait de lui depuis quelque temps, a remarqué son silence et son assiette intacte.

Elle s'est approchée doucement :

« Mon petit Théo, tu ne manges pas ? Quelque chose ne te plaît pas ? Si ce n'est pas à ton goût, je peux demander à ce qu'on t'en refasse. »

Théo a réfléchi longtemps sans comprendre pourquoi il n'était pas de bonne humeur. Il a levé la tête et a demandé :

« Où est ma maman ? Elle n'est pas rentrée hier ? »

Émilie a tout de suite compris que, ces derniers temps, Claire travaillait beaucoup et passait moins de temps avec lui : il est normal qu'un enfant ait besoin de sa mère.

Elle lui a parlé tout en douceur : « Madame est sortie de très bonne heure. Théo, tu penses à ta maman ? Je peux l'appeler si tu veux... »

« Pas la peine ! » Théo l'a coupée net, la voix froide. « Pourquoi l'appeler ? Elle va encore me poser plein de questions sans fin ! »

Théo n'aimait pas rester avec Claire.

À chaque fois, elle posait mille questions, ça le rendait nerveux, il n'avait aucun espace qui lui soit réservé.

Quand elle n'était pas à la maison, il se sentait enfin léger.

Quand elle partait en déplacement, c'était le mieux : pas besoin de l'entendre, pas besoin d'être sous son contrôle.

Le pire, c'était quand il les voyait ensemble, elle et son père, assis côte à côte sans rien à se dire.

Officiellement mariés, mais étrangers l'un pour l'autre.

Avec le temps, il rejetait un peu sa mère. Elle gardait souvent le visage fermé et souriait rarement. Il voulait fuir cette vie-là.

Avec son père et Tatie Sophie, c'était différent. Il y avait plus de mots, plus de rires. Tatie Sophie était douce et attentionnée avec lui, et il l'aimait bien.

Un peu plus tard, Adrien est descendu.

Il était déjà prêt, habillé d'un costume noir taillé à la perfection. Ses traits anguleux lui donnaient une allure élégante mais distante. Son regard, sombre et affûté, restait impassible, sauf quand il s'arrêtait sur Théo. À ce moment-là, quelque chose se détendait, presque imperceptiblement.

Claire, elle, n'était plus là.

Et Adrien ne posait pas de questions.

Il ne cherchait pas à savoir.

« Papa, quand est-ce qu'on pourra aller voir Tatie Sophie ? » a demandé Théo. « Sissi me manque. »

Adrien lui a lancé un regard calme.

« Tu l'aimes bien ? »

Théo a hoché la tête.

« Oui, je l'aime bien. »

« Quand j'aurai terminé mon travail, je viendrai te chercher. »

En entendant ça, Théo a souri. Il a tout de suite sauté de sa chaise et s'est précipité dans les bras de son père.

« Super, papa ! J'aimerais passer un peu plus de temps avec Tatie Sophie aujourd'hui. »

Claire est arrivée au Groupe Horizon.

C'était l'entreprise d'Adrien. Elle y travaillait depuis trois ans et, grâce à ses compétences, elle était passée du poste d'employée à celui de directrice des relations publiques.

Elle n'est pas allée dans son service. Elle a marché tout droit vers le bureau du président.

En la voyant approcher, Luc Morel, l'assistant d'Adrien, est sorti de son bureau pour l'arrêter par habitude.

« Madame Laurent, Monsieur Delcourt n'est pas dans son bureau pour le moment. Si vous souhaitez le voir, il vaudrait mieux repasser un peu plus tard. Je vous préviendrai dès qu'il sera rentré. »

Claire a regardé Luc.

Luc ne la regardait jamais dans les yeux.

Au début, elle ne comprenait pas vraiment. Avec le temps, elle avait fini par saisir : c'était la façon d'Adrien de lui faire savoir qu'il refusait de la voir. Et Luc, qui savait qu'elle n'aurait jamais accès à lui, n'osait même pas croiser son regard.

Combien de nuits et de jours s'étaient passés sans qu'elle ne voie Adrien ?

Un jour ou deux sans rentrer à la maison, elle pouvait encore l'accepter. Mais un mois entier sans le croiser, c'était suffocant, presque à devenir folle.

Quand elle venait au bureau pour le chercher, c'était toujours Luc qui lui répondait.

Elle n'avait jamais reçu un seul appel de lui.

Si elle n'avait pas eu son travail, elle ne savait pas comment elle aurait tenu.

À ses mots, Claire a simplement esquissé un sourire.

« Je ne suis pas venue pour voir Adrien. »

Luc a levé les yeux, un peu surpris.

« Ah bon ? »

« Je suis venue te voir. »

Elle a sorti une enveloppe de son sac et la lui a tendue.

« Je préfère ne pas lui donner ça à la maison. Donne-le à Adrien. J'ai déjà contacté un avocat, il ne reste plus qu'à attendre sa réponse. »

Luc a baissé les yeux sur le dossier sans comprendre tout de suite ce qu'elle voulait dire.

En réalité, il comprenait, mais il refusait d'y penser.

Aux yeux des autres, personne ne savait que Claire était la femme d'Adrien, mais lui, il le savait.

Quand on regardait Claire de loin, on voyait bien que son amour tournait presque à l'obsession.

Depuis cinq ans, Adrien vivait comme si elle n'existait pas. Son regard sur elle n'exprimait que froideur et rejet.

Et malgré tout, Claire n'avait jamais pensé à divorcer.

Elle continuait de s'occuper de lui, de son quotidien, et même ici, au Groupe Horizon, elle avait gravi les échelons seule, passant de simple employée à directrice.

Une persévérance qui confinait à la folie.

Luc a quand même pris l'enveloppe et a répondu poliment :

« D'accord, je la remettrai à Monsieur Delcourt. »

Claire a simplement acquiescé avant de tourner les talons et de quitter le couloir.

Luc, lui, a regardé sa silhouette s'éloigner pendant un long moment. Il trouvait qu'elle n'était plus tout à fait la même qu'avant, sans savoir vraiment pourquoi. Il l'a regardée encore une fois, sans trop comprendre ce qui avait changé.

Adrien, de son côté, passait ses journées entre les contrats à signer et les réunions à enchaîner. Il était toujours débordé et ne prêtait attention à rien d'autre.

Luc n'avait donc jamais l'occasion de lui parler de Claire.

Ce jour-là, quand tout a enfin été bouclé et que la dernière réunion s'est terminée, il était déjà cinq heures de l'après-midi.

C'est à ce moment-là que Luc est venu dans le bureau.

Adrien se tenait près du miroir et tirait légèrement sur sa cravate. On voyait bien qu'il n'était pas à l'aise aujourd'hui.

« Monsieur Delcourt, votre tenue ne vous va pas très bien aujourd'hui. La chemise est un peu trop serrée, non ? »

Luc a tout de suite compris le problème, même si, en principe, une telle erreur n'arrivait jamais.

À ces mots, Adrien a légèrement froncé les sourcils sans rien dire.

Ce matin-là, Claire ne lui avait pas préparé de vêtements de rechange, alors il avait pris la première chemise venue.

Adrien a ajusté le col de sa chemise avant de demander calmement :

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Luc lui a tendu le dossier.

« Madame Laurent m'a demandé de vous le remettre. »

Adrien ne l'a pas pris. Il a simplement répondu d'un ton neutre :

« Laissez-le là. »

D'habitude, tout ce que Claire lui donnait restait sur le bureau sans qu'il y jette le moindre coup d'œil.

Il ne voulait pas vraiment savoir ce qui la concernait.

Luc, en voyant qu'il restait indifférent à tout ce qui la concernait, a compris qu'elle n'existait plus vraiment pour lui.

Et Claire, de son côté, essayait encore parfois de se faire remarquer, comme pour rappeler qu'elle était toujours là.

Après tout, elle restait sa femme, et la mère de son enfant.

Adrien restait dans ce mariage pour leur fils, sans doute. Quant à l'amour, il l'avait laissé derrière lui depuis longtemps.

...

De l'autre côté, Claire prenait tranquillement son café.

Soudain, Camille Leroy est entrée en pleurs, essoufflée par la course.

« Claire, Fanny s'est fait malmener par un client ! »