MasukLe crépitement de la cheminée remplissait la pièce, mais il n’était plus que décor sonore à côté de la chaleur qui montait entre eux. Isabelle sentit son souffle se raccourcir alors qu’Alexander approchait, doucement, sans jamais briser le fragile équilibre qu’ils avaient trouvé. Chaque pas qu’il faisait semblait calculé, mais son regard trahissait une curiosité sincère, presque maladroite.
-Je n’ai jamais… murmura-t-il, la voix vibrante d’une émotion qu’il n’avait pas l’habitude de laisser transparaître. - Jamais quoi ? demanda-t-elle, ses yeux accrochés aux siens, le cœur battant plus vite. Il hésita un instant, comme pris au piège entre le désir et la retenue. Puis, lentement, il effleura sa joue de son pouce. Ce simple contact fit frissonner Isabelle jusqu’au bout des doigts. Il y avait dans ce geste une douceur inattendue, une humanité qui le rendait presque vulnérable. -Jamais je n’ai voulu… connaître quelqu’un comme ça, avoua-t-il enfin, et ce petit mot “connaître” résonna dans le silence comme une confession. Elle sentit une chaleur intense dans sa poitrine. Ce n’était pas seulement le désir. C’était cette rare sensation de voir l’autre se montrer sans masque, sans armure, et de réaliser que l’on pouvait exister pour lui, non pas comme un rôle, mais comme soi-même. Alexander s’approcha encore, jusqu’à ce que leurs corps se frôlent. Isabelle inspira profondément, sentant sa main se lever instinctivement pour se poser sur son torse. Elle sentit le battement de son cœur sous ses doigts, régulier mais intense, comme un écho au sien. - Tu ..tu méprends , dit-il, presque à voix basse, comme s’il avait peur que les mots brisent ce fragile équilibre. Elle sourit, un sourire timide mais sincère, et posa ses lèvres sur les siennes dans un baiser lent, hésitant au début, puis plus sûr à mesure que le monde autour d’eux disparaissait. Chaque frôlement, chaque soupir était un dialogue silencieux, une promesse qu’ils n’osaient pas encore mettre en mots. Leurs mains se cherchèrent, se trouvèrent, explorant les contours de ce corps qu’ils découvraient comme un territoire inconnu mais fascinant. Alexander glissa ses doigts dans ses cheveux, tirant légèrement, non pas avec violence mais avec une intensité contenue, et Isabelle sentit une vague de désir la traverser. Pourtant, malgré cette chaleur, il y avait de la retenue. Ce n’était pas un abandon total. Il y avait toujours ce fil invisible de respect, de peur peut-être, de tout ce qu’ils pouvaient perdre s’ils se laissaient aller trop vite. Mais ce fil, loin de les freiner, rendait chaque geste plus précieux, chaque souffle plus lourd de sens. — Je… je n’ai jamais senti ça avant, murmura-t-elle contre ses lèvres, et il hocha doucement la tête, comme pour approuver sans parler. Ils restèrent ainsi, enlacés, le temps se diluant autour d’eux. La pièce, la cheminée, le monde entier semblaient exister uniquement pour eux deux. Isabelle sentit son cœur se défaire peu à peu, laissant place à une confiance fragile mais réelle. Elle comprit que ce mariage, qu’elle avait d’abord accepté par obligation, pouvait devenir le lieu où ils se révéleraient l’un à l’autre, où ils pourraient être eux-mêmes, dans la peur, le désir et la sincérité la plus totale. Alexander recula légèrement, juste assez pour la regarder dans les yeux, et pour la première fois, il ne semblait ni distant, ni froid. Il semblait humain. Totalement humain. - Isabelle… souffla-t-il, sa voix à la limite de la rupture. Tu es … tout ce que je n’aurais jamais cru vouloir. Elle sentit une larme, fugace et presque honteuse, glisser sur sa joue, mais elle ne la retint pas. C’était un moment réel, brut, et rien ne devait être retenu. Elle sourit à travers ses larmes et posa à nouveau ses lèvres sur les siennes. Cette fois, il n’y avait plus de retenue, juste l’acceptation que ce qu’ils partageaient, ce qu’ils commençaient à comprendre, était plus fort que tout ce qu’ils avaient imaginé. Et dans le silence brûlant du salon, sous le feu de la cheminée, Isabelle sut que tout avait changé. Que ce mariage, ce jeu de pouvoir et de désir, venait de basculer dans une vérité qu’aucun d’eux ne pourrait nier.La pluie avait cessé depuis l’aube, et la ville s’éveillait lentement, enveloppée d’un voile argenté. Au dernier étage du manoir Kane, le silence n’était rompu que par un souffle doux, celui d’un nouveau-né endormi dans les bras de sa mère.Isabelle caressait les cheveux fins de son fils, encore surpris d’un tel calme après les longues heures de douleur. La lumière filtrait par les grandes fenêtres, dorant les draps et le berceau. Le monde entier semblait s’être arrêté suspendu entre deux respirations.Elle leva les yeux, et son regard croisa celui d’Alexander. Il se tenait près d’elle, immobile, vêtu simplement d’une chemise blanche. Son visage habituellement si impassible était adouci par une émotion rare, presque fragile. Il tendit la main, effleurant la joue de l’enfant comme s’il craignait de le réveiller.- Il te ressemble, murmura-t-il, un sourire discret au coin des lèvres.- Non, répondit Isabelle dans un souffle. Il a ton regard, cette façon intense de tout observer… comme s
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Depuis la tempête, depuis la vérité, chaque pièce semblait respirer autrement.Les ombres s’étaient allégées, comme si les murs eux-mêmes avaient cessé de retenir leur soufflée.Isabelle vivait toujours à l’aile ouest, mais Alexander avait cessé de l’éviter.Chaque matin, il frappait doucement à sa porte — parfois pour un mot, parfois juste pour un regard.Les repas redevenaient des moments partagés, timides au début, puis presque naturels.Leur silence n’était plus une barrière, mais une présence familière.Un soir, il entra dans la serre, là où Isabelle s’occupait des plantes qu’elle avait fait venir de Londres.La lumière du couchant baignait son visage d’une douceur irréelle.Il resta un instant sans rien dire, puis murmura :- Tu rends cet endroit plus vivant.Elle leva les yeux, surprise, un sourire hésitant aux lèvres.- Il n’était pas mort, il avait juste besoin d’un peu de soin.Il hocha la tête.Leur échange aurait pu s’arrêter là, mais quelque chose dans son regard la retin
Le train s’arrêta dans un sifflement.La pluie fine tombait sur la gare comme un voile gris.Isabelle resta un moment immobile sur le quai, la main serrée sur la poignée de sa valise.Londres s’éloignait derrière elle et devant, c’était le manoir Kane, les fantômes, et cet homme qu’elle n’arrivait ni à haïr, ni à oublier.Depuis que le scandale avait éclaté, les journaux ne parlaient que de ça : les affaires Kane sous enquête, les soupçons de détournement, les dossiers refaisant surface après des années d’oubli.Des rumeurs disaient que la faillite de la famille Mayers celle qui avait justifié le mariage arrangé pourrait avoir été provoquée par un associé corrompu de feu Richard Kane, le père d’Alexander.Tout vacillait.Les fondations mêmes de sa vengeance se fissuraient.---Au manoir, Alexander n’était plus l’homme qu’elle avait quitté.Les couloirs étaient silencieux, les employés nerveux, et la presse campait presque aux grilles.On murmurait que certains actionnaires réclamaient
Londres avait cette façon cruelle d’absorber la douleur des gens.Ses rues bruyantes, ses visages pressés, son ciel sans couleur semblaient tout avaler : la solitude, les regrets, les souvenirs.Isabelle avait trouvé refuge dans un petit appartement au-dessus d’une librairie, dans un quartier discret de Bloomsbury.Chaque matin, elle descendait aider à ranger les livres. Chaque soir, elle lisait des ouvrages sur la liberté, sa nouvelle obsession. C’était son remède, sa manière d’apprendre à respirer sans lui.Pourtant, certaines nuits, le passé revenait. Le souvenir de ses mains, de sa voix grave, de ce regard qui la brûlait. Elle se haïssait de l’aimer encore, mais on ne guérit pas d’un homme qu’on a compris avant qu’il ne se comprenne lui-même.⎯ ⎯Au manoir, Alexander tournait en rond comme une âme enfermée.Depuis le départ d’Isabelle, le silence lui était devenu insupportable.Il travaillait sans relâche, mais dès qu’il fermait les yeux, il revoyait sa douleur et cette phrase : «







