Mariée à mon ennemi

Le tissu de la robe pesait plus lourd que ses promesses.

Isabelle fixait son reflet dans le grand miroir doré de la suite nuptiale.

Chaque pli, chaque perle, chaque couture semblait murmurer une seule chose : tu t’es vendue.

Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu’elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle aurait voulu fuir, hurler, arracher cette robe qui n’était pas la sienne.

Mais il n’y avait plus de retour possible.

Dans quelques minutes, elle deviendrait Madame Kane.

Le mariage ne serait pas célébré dans une église, mais dans une salle de réception au dernier étage du Kane Building, un gratte-ciel de verre dominant Manhattan.

Le symbole parfait : elle, au sommet du monde… mais prisonnière d’un empire qui n’était pas le sien.

- « Il est prêt » souffla Nina, sa meilleure amie, en entrant discrètement.

Elena releva la tête, ses yeux noisette voilés d’émotion.

- Prêt à quoi ? À m’acheter ?

Nina serra sa main sans répondre.

Elles savaient toutes les deux que ce mariage n’avait rien de romantique.

C’était un contrat. Une alliance. Un sacrifice .

Quand son père avait tout perdu , sa société, sa réputation, sa santé ,Alexander Kane avait été le seul à proposer une issue.

Un mariage en échange d’un sauvetage.

Une offre glaciale, dénuée de toute tendresse.

Et Isabelle , par loyauté envers son père, avait dit oui.

L’air du soir sentait la pluie et le champagne.

Les invités murmuraient sous les lustres. Les journalistes prenaient des photos.

Et Alexander, droit immobile observait l’allée centrale comme un juge attendant le verdict.

Il était terriblement beau, dans un costume noir parfaitement taillé, la mâchoire serrée, le regard impénétrable.

Rien en lui ne trahissait la moindre émotion.

Il semblait fait de marbre et de feu contenu.

Quand elle s’avança, tous les regards se tournèrent vers elle.

Son cœur battait fort, trop fort.

Elle sentit son souffle se bloquer lorsqu’elle croisa ses yeux.

Des yeux gris acier. Froids. Profonds.

Et pourtant, quelque chose y brûlait, une colère sourde, un secret qu’elle ne comprenait pas.

- Vous êtes magnifique, murmura-t-il quand elle arriva à sa hauteur.

Sa voix était basse, presque dangereuse.

Isabelle le fixa, les lèvres tremblantes.

- Ne jouez pas à ça, Alexander. Vous savez que ce n’est pas un mariage. C’est une transaction.

-Toutes les alliances sont des transactions, répondit-il calmement. Certaines finissent juste par ressembler à de l’amour.

Son sourire était un mensonge parfaitement poli.

Leurs vœux furent échangés devant un parterre de visages hypocrites.

Les caméras crépitaient. Les mains applaudissaient.

Mais derrière la façade, Isabelle sentait sa peau frissonner sous la tension.

Quand Alexander glissa la bague à son doigt, son contact fut à la fois froid et brûlant.

Une promesse et une menace mêlées.

-Bienvenue dans mon monde, Mrs Kane murmura t-il à son oreille quand les applaudissements couvrirent sa voix.

-Je ne compte pas y rester longtemps, répondit-elle sans ciller.

Leurs regards se défièrent, une guerre silencieuse qui venait de commencer.

Plus tard, dans la voiture qui les ramenait à leur penthouse, le silence était étouffant.

New York défilait derrière les vitres teintées, un océan de lumière indifférente.

Alexander observait Isabelle sans un mot, son profil tendu, son regard obstinément fixé sur la ville.

Il l’avait voulue dans sa vie, dans son nom, dans son empire.

Et maintenant qu’elle était là, il ressentait une douleur étrange dans la poitrine, comme un souvenir mal placé.

Elle, de son côté, sentait sa gorge se serrer.

Il était tout ce qu’elle méprisait : arrogant, froid, inébranlable.

Et pourtant, un éclat d’humanité transparaissait parfois dans ses yeux, fugace, presque triste.

Un éclat qu’elle se jura d’oublier.

Ils étaient liés.

Par un contrat.

Par la vengeance.

Et, sans le savoir encore, par un feu qu’aucun d’eux ne pourrait éteindre.