MasukIsabelle
Le matin avait ce goût particulier de promesses non tenues et d’opportunités dangereuses. Isabelle Mayers observait Alexander, installé à son bureau, un costume impeccablement noir et une aura de contrôle absolu. Chaque geste qu’il faisait respirait le pouvoir et la distance. -Alexander, dit-elle en frappant légèrement à la porte, j’aimerais voir les dossiers de la fusion avec Whitmore. Il leva les yeux, surpris de la détermination dans sa voix. -Vous ? Ici ? demanda-t-il, un sourire froid à peine perceptible. -Oui, moi. Je compte bien comprendre dans quel monde je me suis mariée. Il se pencha en arrière dans son fauteuil, croisant les bras. -Vous réalisez que ce n’est pas un jeu pour épouses curieuses, Isabelle. -Je n’ai jamais été juste une épouse, Alexander, dit-elle avec fermeté. Et je compte bien vous le prouver. Son regard ne vacilla pas, et pour la première fois, il sentit une tension différente : non pas de la peur, mais un défi. Un défi qui le dérangeait étrangement. Elle s’approcha du bureau, feuilleta les dossiers étalés et nota chaque détail, chaque chiffre. Il la regardait faire, silencieux, mais attentif. Il n’y avait rien à dire elle était intelligente, rapide, déterminée. Et ça le déstabilisait plus qu’il ne voulait l’admettre. ⸻ Alexander Elle était brillante. Trop brillante. Il l’avait épousée pour un contrat, pour la vengeance, pour le contrôle. Et voilà qu’Isabelle venait lui montrer qu’elle pouvait naviguer dans son univers, comprendre ses affaires, défier son autorité. Il fronça légèrement les sourcils en voyant sa concentration. Elle ne tremblait pas, ne demandait rien, n’implorait pas. Et il ne savait plus comment se comporter. -Vous devriez quitter ces dossiers, murmura-t-il d’un ton ferme. -Pourquoi ? Vous avez peur que je comprenne mieux que vous ? répliqua-t-elle, le regard vif. -Non. J’ai peur que vous voyiez ce que je ne veux montrer à personne. Elle ne répondit rien, mais ses yeux brillaient d’un feu qui l’atteignait malgré lui. Il détourna le regard, posant sa main sur le verre de whisky à moitié plein, pour se rappeler qu’il était censé rester froid. Et pourtant, l’ombre d’un sourire se glissa sur ses lèvres, inconsciente. ⸻ Isabelle La journée passa entre dossiers, réunions et discussions musclées. Chaque fois qu’elle parlait, Alexander la corrigeait, la testait, mais elle ne reculait jamais. Et chaque fois qu’il le faisait, elle sentait cette tension qui la faisait vibrer… comme un fil électrique prêt à s’allumer. Dans l’après-midi, alors qu’ils se retrouvaient seuls dans son bureau, il la regarda, silencieux. - Vous êtes… plus coriace que je ne l’imaginais. - Et vous êtes plus prévisible que je ne le pensais. Un silence. Puis un éclat dans ses yeux : presque un sourire, presque une faiblesse. Isabelle le sentait, elle sentait la fissure derrière sa façade. Et quelque part, elle se dit qu’elle allait s’amuser à l’explorer. ⸻ Alexander Elle était un paradoxe vivant. Fière, intelligente, séduisante, et pourtant obstinément insaisissable. Il l’avait vue brisée une nuit, vulnérable, et maintenant il la voyait forte, implacable, presque provocante. Et cela lui donnait envie de la tester, de la pousser, de voir jusqu’où elle irait. Il se pencha légèrement vers elle : - Ne croyez pas que je vais vous laisser gagner si facilement. - Je ne vous demande pas de me laisser gagner, Alexander, répondit-elle, le regard droit dans le sien. - Alors vous savez ce qui va arriver, dit-il doucement, presque menaçant. Son souffle se rapprocha de la sienne, mais il recula aussitôt, laissant l’espace brûlant derrière lui. La tension entre eux était palpable, électrique. Ils se comprenaient sans se dire un mot. Et chacun savait que ce jeu de pouvoir venait à peine de commencer.La pluie avait cessé depuis l’aube, et la ville s’éveillait lentement, enveloppée d’un voile argenté. Au dernier étage du manoir Kane, le silence n’était rompu que par un souffle doux, celui d’un nouveau-né endormi dans les bras de sa mère.Isabelle caressait les cheveux fins de son fils, encore surpris d’un tel calme après les longues heures de douleur. La lumière filtrait par les grandes fenêtres, dorant les draps et le berceau. Le monde entier semblait s’être arrêté suspendu entre deux respirations.Elle leva les yeux, et son regard croisa celui d’Alexander. Il se tenait près d’elle, immobile, vêtu simplement d’une chemise blanche. Son visage habituellement si impassible était adouci par une émotion rare, presque fragile. Il tendit la main, effleurant la joue de l’enfant comme s’il craignait de le réveiller.- Il te ressemble, murmura-t-il, un sourire discret au coin des lèvres.- Non, répondit Isabelle dans un souffle. Il a ton regard, cette façon intense de tout observer… comme s
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Depuis la tempête, depuis la vérité, chaque pièce semblait respirer autrement.Les ombres s’étaient allégées, comme si les murs eux-mêmes avaient cessé de retenir leur soufflée.Isabelle vivait toujours à l’aile ouest, mais Alexander avait cessé de l’éviter.Chaque matin, il frappait doucement à sa porte — parfois pour un mot, parfois juste pour un regard.Les repas redevenaient des moments partagés, timides au début, puis presque naturels.Leur silence n’était plus une barrière, mais une présence familière.Un soir, il entra dans la serre, là où Isabelle s’occupait des plantes qu’elle avait fait venir de Londres.La lumière du couchant baignait son visage d’une douceur irréelle.Il resta un instant sans rien dire, puis murmura :- Tu rends cet endroit plus vivant.Elle leva les yeux, surprise, un sourire hésitant aux lèvres.- Il n’était pas mort, il avait juste besoin d’un peu de soin.Il hocha la tête.Leur échange aurait pu s’arrêter là, mais quelque chose dans son regard la retin
Le train s’arrêta dans un sifflement.La pluie fine tombait sur la gare comme un voile gris.Isabelle resta un moment immobile sur le quai, la main serrée sur la poignée de sa valise.Londres s’éloignait derrière elle et devant, c’était le manoir Kane, les fantômes, et cet homme qu’elle n’arrivait ni à haïr, ni à oublier.Depuis que le scandale avait éclaté, les journaux ne parlaient que de ça : les affaires Kane sous enquête, les soupçons de détournement, les dossiers refaisant surface après des années d’oubli.Des rumeurs disaient que la faillite de la famille Mayers celle qui avait justifié le mariage arrangé pourrait avoir été provoquée par un associé corrompu de feu Richard Kane, le père d’Alexander.Tout vacillait.Les fondations mêmes de sa vengeance se fissuraient.---Au manoir, Alexander n’était plus l’homme qu’elle avait quitté.Les couloirs étaient silencieux, les employés nerveux, et la presse campait presque aux grilles.On murmurait que certains actionnaires réclamaient
Londres avait cette façon cruelle d’absorber la douleur des gens.Ses rues bruyantes, ses visages pressés, son ciel sans couleur semblaient tout avaler : la solitude, les regrets, les souvenirs.Isabelle avait trouvé refuge dans un petit appartement au-dessus d’une librairie, dans un quartier discret de Bloomsbury.Chaque matin, elle descendait aider à ranger les livres. Chaque soir, elle lisait des ouvrages sur la liberté, sa nouvelle obsession. C’était son remède, sa manière d’apprendre à respirer sans lui.Pourtant, certaines nuits, le passé revenait. Le souvenir de ses mains, de sa voix grave, de ce regard qui la brûlait. Elle se haïssait de l’aimer encore, mais on ne guérit pas d’un homme qu’on a compris avant qu’il ne se comprenne lui-même.⎯ ⎯Au manoir, Alexander tournait en rond comme une âme enfermée.Depuis le départ d’Isabelle, le silence lui était devenu insupportable.Il travaillait sans relâche, mais dès qu’il fermait les yeux, il revoyait sa douleur et cette phrase : «







