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Chapitre 2

Author: Élodie Doré
« Paf… »

Quelque chose de mou est tombé à ses pieds, tirant Sylvie de sa torpeur.

Elle a baissé les yeux, encore perdue : c'était un gâteau d'anniversaire en pâte à sucre bleue gisait au sol.

« Maman, j'ai dit que je ne voulais pas de ton gâteau d'anniversaire ! » a crié Thayer, sa voix irritée résonnant dans ses oreilles.

Il l'a fixée, mécontent.

« Il est moche et dégoûtant, tu comprends pas ? »

Sylvie a retenu son souffle, sous le choc.

Elle… était revenue ?

Elle s'est pincé les doigts avec une grande force.

La douleur était vive.

Oui.

Elle était vraiment revenue !

Revenue à l'anniversaire de Thayer, un an plus tôt !

Thayer a continué à râler : « Je veux le gâteau que tatie Héloïse a fait ! »

« Maman, je trouve que ton gâteau est très bon. » a ajouté Émilie d'une voix douce, « Si Thaïo n'en veut pas, Émie va le manger toute seule. »

En entendant la voix tendre de sa fille, Sylvie a baissé les yeux vers son visage frêle et pâle. Les larmes ont brouillé sa vue.

Elle s'est accroupie, a pris délicatement le petit visage d'Émilie entre ses mains. La chaleur de sa peau l'a convaincue : elle était vraiment revenue.

Cette fois-ci, elle s'est jurée de ne plus jamais laisser quiconque faire du mal à sa fille.

Émilie s'est tournée vers Thayer.

« Tu n'as pas le droit de parler comme ça à maman ! Elle a fait ce gâteau rien que pour toi ! »

« Mange-le toi-même, alors, j'en veux pas. » Thayer a continué, plein de mépris. Il a attrapé la main d'Héloïse à son côté.

« Je veux que Tatie Héloïse devienne ma maman. Elle me fait des tas de bons plats, elle m'emmène faire du cheval et de l'escalade. Maman, elle ne sait même pas ce que c'est, l'équitation, c'est la honte ! »

Il a ajouté : « Papa aime tatie Héloïse, et moi aussi ! »

Alain a froncé les sourcils : « Qu'est-ce que tu racontes ? »

Héloïse, vêtue d'une tenue en cuir élégante, a éclaté d'un rire franc.

Elle a passé son bras gauche autour des épaules d'Alain, dans une attitude intime, et de l'autre main, a ébouriffé les cheveux de Thayer.

« Tu sais, fiston, être la femme de ton père, c'est pas facile ! On est comme des frères d'armes, lui et moi, on a traversé bien d'autres choses ensemble. »

Puis elle a pris un ton faussement sérieux :

« Et Thayer, je ne t'ai pas appris à parler comme ça à ta mère. Tu n'écoutes plus tatie Héloïse, maintenant ? »

Thayer a fait la moue, puis s'est rapproché encore plus d'Héloïse. Il a jeté par terre le cadeau que Sylvie venait de lui offrir.

« Les cadeaux de maman, c'est toujours des trucs nuls, comme ce stylo. Elle m'offre jamais de jouets, rien à voir avec le modèle d'avion que tatie Héloïse m'a donné. Elle l'a fait de ses mains ! Et il vole ! C'est mille fois plus précieux que les cadeaux de maman ! »

Il a continué : « Papa dit que tatie Héloïse va faire de vrais avions, et qu'un jour, je pourrai monter dans son avion créé. Ça, c'est trop cool. Pas comme maman, qui n'y connaît rien. »

Sylvie a regardé cet enfant qu'elle avait élevé comme le sien, si proche d'Héloïse.

Un rire amer lui a échappé.

Comment n'avait-elle pas vu clair avant ?

Thayer, le fils biologique d'Héloïse, était naturellement attaché à elle, même s'il ne savait pas qu'elle était sa vraie mère.

Dans sa vie précédente, Sylvie avait traité Thayer comme son propre fils, dans l'espoir de plaire à Alain.

Mais eux, ils trouvaient cela normal, comme si elle leur devait tout.

Cette fois, elle a décidé de ne plus se taire, de ne plus laisser Émilie souffrir à ses côtés.

Sylvie s'est baissée, a ramassé le stylo, un sourire neutre aux lèvres, sans trace de colère.

« Mlle Veil sait s'occuper des enfants, c'est vrai. Eh bien, je te confie Thayer et Alain, désormais. »

Héloïse était surprise par cette réaction de Sylvie. Elle ne s'attendait pas à ce que Sylvie parle ainsi, sans dispute, sans supplication, sans soumission.

Juste un sourire calme, lisse comme l'eau d'un lac.

L'instant d'après, Héloïse s'est tournée vers Alain.

« Dis, mec, tu crois que j'ai dit quelque chose qui a pu vexer ta femme ? Bon, je me tais alors, j'ai été trop bavarde. »

Alain a froncé les sourcils, regardant Sylvie.

« T'as quel âge pour faire des caprices pareils ? Tu crois que c'est le moment de dire des bêtises comme ça ? »

Il protégeait clairement Héloïse, reprochant à Sylvie de lui manquer de respect.

Sylvie a croisé son regard, froid, distant, comme toujours. Devant tout le monde, il prenait la défense d'Héloïse, sans lui accorder la moindre considération.

Il est persuadé qu'elle ne le quitterait jamais, et c'était pour ça qu'il se permettait tout.

Mais cette fois, elle ne répéterait pas les erreurs de sa vie passée.

Elle ne s'est plus forcée à sourire, à encaisser en silence, à sourire pour que sa fille puisse fêter son anniversaire avec son père, à s'imposer jusqu'à la fin de la fête.

Dans cette nouvelle vie, elle ne serait plus cette femme stupide.

Elle deviendrait le soutien, la fierté et la force de sa fille. Tout ce que les autres pouvaient offrir à leurs enfants, elle le donnerait à Émilie de ses propres mains.

Elle a détourné les yeux, indifférente, et a pris la main d'Émilie.

« Viens, Émilie, maman t'emmène fêter ton anniversaire. »

Cette fois, plus personne ne lui ferait baisser les yeux, et sa fille ne subirait plus ni humiliations ni injustices.

Émilie a jeté un regard plein d'espoir vers Alain, mais a finalement choisi de suivre sa mère.

À peine ont-elles fait quelques pas qu'un homme les a arrêtées.

« M. Chéron a donné des ordres : personne ne quitte la fête d'anniversaire du petit prince avant la fin. »

Sylvie a fixé la main qui la bloquait, le cœur lourd.

Alain avait tant mis Thayer en valeur, tant affiché son affection, que tout le monde pensait que c'était son véritable fils… et qu'Émilie n'était que l'enfant illégitime, née hors mariage.

Même pour l'anniversaire de Thayer, personne n'avait le droit de partir avant la fin.

Mais Alain se souvenait-il seulement qu'Émilie, elle aussi, fêtait son anniversaire ce jour-là ?

Comment l'aurait-il pu ?

Quand elle avait accouché d'Émilie, en proie à une hémorragie qui avait failli leur coûter la vie à toutes les deux, il était auprès d'Héloïse, qui donnait naissance à son fils.

Il avait justifié son absence en disant qu'Héloïse était seule et qu'elle avait besoin de lui. Une fois l'enfant né, elle était partie à l'étranger pour ses études, poursuivant sa carrière.

Aujourd'hui, elle revenait, ayant décroché des diplômes en finance, technologie et ingénierie aérospatiale. Les grandes entreprises se l'arrachaient, mais elle visait l'Institut de Recherche 511. Une institution exigeante où Alain s'efforçait de la faire entrer.

Dans sa vie précédente, Sylvie n'avait jamais prêté attention à tout cela, dévouée corps et âme à Alain. Elle avait élevé pendant quatre ans l'enfant d'une autre, sacrifié sa carrière, son avenir pour jouer la parfaite épouse au foyer, pour un homme et pour un fils qui n'était pas le sien.

Elle ne savait rien de l'ascension d'Héloïse.

Quelle idiote elle avait été.

Elle a esquissé un sourire froid.

« Les règles de M. Chéron ne me retiennent pas. »

Autrefois, elle se souciait trop d'Alain et se contentait de tenir le rôle de Madame Chéron pour sa famille.

Dans cette nouvelle vie, elle ne serait plus son assistante docile. Elle était déterminée à vivre fièrement avec sa fille, à reprendre sa carrière, à retrouver les sommets !

Le visage d'Alain s'est assombri, et toute son aura est devenue glaciale.

Sylvie a ricané intérieurement.

Il devait se demander pourquoi sa femme, si docile et sage autrefois, osait le défier publiquement.

Qu'il se mette en colère ? C'était attendu.

Elle ne jouerait plus jamais ce rôle d'épouse sacrifiée.

L'instant d'après, Sylvie a arraché sa bague de mariage et l'a jetée au sol avec force. La bague a rebondi plusieurs fois sur le parquet lisse, et le tintement métallique a arraché un souffle surpris à toute l'assistance.

« Alain, nous divorçons. Thayer sera avec toi, Émilie avec moi. Les papiers du divorce arriveront au conseil d'administration demain matin. »

S'il aimait tant Thayer et Héloïse, eh bien, elle les lui laissait.

En l'humiliant ainsi devant tout le monde, elle l'a mis au pied du mur.

Alain l'a fixée, le regard sombre.

« Sylvie, tu comptes faire cette scène encore longtemps ? Thayer est un enfant, tu vas vraiment demander le divorce pour si peu ? »

Pour un homme qui ne vous aime pas, tout ce que vous faites est une tempête dans un verre d'eau.

Mais elle ne répéterait pas les mêmes erreurs. Elle ne vivrait plus avec sa fille sous son indifférence, et elle ne sacrifierait plus sa vie pour élever un fils… son fils adoptif.

Ni Alain, ni cet enfant, elle n'en voulait plus.

« Oui. Pour ça. »

Elle a planté un regard glacé dans celui du garde.

« Maintenant, écartez-vous. »

Face à une telle scène, le garde, choqué, s'est écarté, n'osant plus la retenir.

En voyant Sylvie s'éloigner résolument avec Émilie, la mâchoire d'Alain s'est crispée, son visage est devenu noir de colère.

« Ta femme a peut-être mal compris quelque chose. » a dit Héloïse. « Je vais lui parler, lui expliquer. Ne prends pas ça à la légère, une femme en colère est capable de tout. »

Elle a avancé quelques pas pour les rattraper.

« Pas la peine de lui expliquer. » l'a arrêtée Alain d'un ton glacial.

« Elle ne divorcera pas. »
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